M. Yves Pozzo di Borgo rappelle à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales qu'à Paris, le risque d'une crue centennale est réel. Elle serait comparable à celle de 1910 et les conséquences qu'elle produirait seraient dramatiques. En effet, 500 000 Parisiens seraient directement touchés, et le coût des dommages pourrait atteindre 12 milliards d'euros.
Aussi, le projet de la Bassée (dispositif de grands réservoirs de stockage), élaboré par les Grands Lacs de Seine dans le cadre de la prévention des inondations en Île-de-France, s'avère indispensable pour contenir la montée des eaux en amont de la région capitale. Le coût du projet est évalué à 500 millions €, 20 % étant à la charge du maître d'ouvrage que sont les Grands Lacs de Seine (couvrant quatre départements) et 80 % sur la base d'un cofinancement.
La saisine de la commission nationale du débat public, prévue au 2ème semestre 2011, implique que soit présenté un plan de financement prévisionnel pour décembre 2010 ;
Considérant que ce projet s'inscrit dans la logique du Grand Paris inspirée par le Président de la République et que le rempart de défense qu'il constituerait face à la crue centennale en ferait un élément emblématique de la région capitale, il lui demande quels sont les engagements du Gouvernement pour la concrétisation rapide du projet de la Bassée.
M. Yves Pozzo di Borgo. Je souhaite appeler l'attention sur les conséquences d'une crue centennale comparable à celle de 1910 dans la capitale.
Surviendra-t-elle dans cinq, dix ou quinze ans ? Toujours est-il que les experts s'accordent sur ce point : le risque est bien réel. Lors de la crue de 1910, Paris a été recouvert par les eaux, ainsi qu'en témoignent les repères qui ont été disposés en différents lieux, par exemple à l'Assemblée nationale.
Nous avons pu observer les drames humains et les dégâts matériels provoqués par les inondations de juin dans le Var. À l'échelle de la capitale, l'ampleur de la catastrophe serait décuplée : selon les estimations, 500 000 Parisiens seraient directement touchés et le coût des dommages pourrait atteindre 12 milliards d'euros, soit bien plus que ce qu'avaient coûté les inondations de 1910, en raison du bétonnage auquel il a été procédé depuis lors.
Le Gouvernement semble mesurer les enjeux puisqu'il a chargé le préfet de la zone de défense et de sécurité de Paris des opérations de gestion et de coordination. Des simulations « grandeur nature » se sont d'ailleurs déroulées les 22 et 23 mars.
Je ne vois là cependant que des palliatifs ; c'est sur la protection préventive de la capitale et de sa région que les efforts doivent davantage être portés.
Le seul véritable rempart, le projet d'envergure qui pourrait limiter l'invasion de Paris par les eaux, c'est le projet de grand barrage-réservoir de la Bassée, élaboré par l'Institution des Grands Lacs de Seine.
Le coût des travaux est estimé à 500 millions d'euros : 20 % de cette somme totale devra être couverte par l'établissement public interdépartemental des Grands Lacs de Seine, en tant que maître d'ouvrage, au financement duquel le département de Paris contribue à hauteur de 50 % ; les 80 % restants devront être trouvés sur la base d'un cofinancement.
Alors que le calendrier prévoit la saisine de la Commission nationale du débat public au deuxième semestre de 2011, il est indispensable qu'un plan prévisionnel de financement soit présenté pour décembre 2010.
L'étude de faisabilité a été réalisée en 2003. En 2006, nous avions déjà perdu beaucoup de temps à réunir les 13 millions d'euros nécessaires à la réalisation de l'avant-projet – j'étais d'ailleurs intervenu dans cet hémicycle pour alerter le Gouvernement sur le sujet. Le début des travaux, qui était initialement prévu pour 2011, a donc pris un très grand retard.
J'ai interrogé l'Institution des Grands Lacs de Seine. Or il apparaît que la question du financement des travaux reste toujours au point mort. Le retard qui s'accumule ne fait que renforcer la vulnérabilité de la capitale face au risque de crue centennale.
Lors de la séance du Conseil de Paris de mai dernier, j'ai donc demandé que le département de Paris prenne ses responsabilités en vertu de son rôle de premier contributeur dans l'institution maître d'ouvrage, afin de faire avancer ce dossier vital. Je n'ai obtenu que des réponses évasives.
Et le maire de Paris laisse traîner le projet et succombe à la tentation ludo-culturelle de l'aménagement des voies sur berges pour 40 millions d'euros, préférant aménager plutôt que protéger.
Je souhaiterais savoir si l'État considère le barrage-réservoir de la Bassée comme l'une de ses priorités dans le cadre de la construction du Grand Paris.
Madame la secrétaire d'État, je souhaiterais donc connaître le rôle que l'État entend jouer dans la mise en route de ce projet, qui tarde à voir le jour. Certes, cette démarche de protection n'est pas très visible, mais elle est fondamentale pour la protection de Paris et du pays.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat. Monsieur le sénateur, le Gouvernement est bien conscient qu'une crue de la Seine analogue à celle de janvier 1910, à laquelle est exposée la région d'Île-de-France, notamment la ville de Paris, risque effectivement de se reproduire.
Aujourd'hui, 850 000 habitants, dont près de 270 000 à Paris, et 86 000 entreprises sont directement exposés à ce risque en Île-de-France. Quant aux dégâts directs résultant d'une crue analogue à celle de 1910, ils sont estimés à 17 milliards d'euros.
Afin de limiter les conséquences d'une telle crue, l'État et les collectivités territoriales ont engagé des actions de plusieurs types.
Tout d'abord, des travaux de protection ont été réalisés à la suite des grandes crues de la Seine du début du xxe siècle. Le rehaussement des quais de la Seine a été entrepris à Paris après la crue de 1910 et la construction de digues et de murettes en banlieue a été réalisée après celle de 1924.
Ces aménagements n'offrent pas, cependant, une protection totale, puisque des disjonctions, des ruptures ou des submersions restent possibles.
En outre, quatre lacs réservoirs, sur la Seine, l'Aube, la Marne et l'Yonne, gérés par l'Institution des Grands Lacs de Seine, ont été mis en service au cours de la période 1950-1990. Ils permettent d'agir sur l'ampleur de l'inondation en prélevant une partie du débit des cours d'eau en crue. Leur action diminuerait ainsi de 70 centimètres la hauteur d'eau à Paris en cas de crue analogue à celle de 1910.
Le Gouvernement s'est également prononcé favorablement à la réalisation de l'ouvrage de la Bassée, pour compléter l'action des quatre lacs réservoirs.
Sur le secteur de la Bassée aval, dans le département de Seine-et-Marne, le long de la Seine, le projet d'aménagement d'une zone d'expansion des crues est en cours d'élaboration.
Ce dispositif de ralentissement dynamique des crues, dont le coût est estimé actuellement à 500 millions d'euros, consiste à pomper une partie des eaux de la Seine afin de les stocker dans des casiers latéraux au moment du passage de la crue de l'Yonne. Il doit prendre en compte les enjeux particulièrement importants liés à la protection des zones humides et à la préservation des espaces naturels dans ce secteur.
Le projet de la Bassée et les actions de restauration des milieux et de réduction de la vulnérabilité qui lui sont liées constituent l'une des principales actions du contrat de projets interrégional « Seine » pour la période 2007-2013, qui prévoit notamment le financement de l'avant-projet de définition et d'une première tranche de travaux, pour un montant de 39,5 millions d'euros, dont 24,1 millions d'euros à la charge de l'État, 7,5 millions d'euros à la charge de la région d'Île-de-France et 3 millions d'euros à la charge de l'agence de l'eau Seine-Normandie.
Un débat public sur le projet d'aménagement d'une zone d'expansion des crues dans le secteur de la Bassée est effectivement prévu au cours du second semestre de 2011.
L'application des plans de prévention des risques naturels d'inondation de la Seine et de ses principaux affluents – Marne et Oise –, approuvés par les préfets de département sur le territoire des communes concernées, permet de limiter strictement les constructions dans les secteurs les plus exposés.
Du fait de leurs compétences en matière d'urbanisme, les maires doivent également limiter les constructions en zone inondable.
Enfin, l'État et les collectivités territoriales joueraient un rôle essentiel dans la gestion d'une crue de la Seine analogue à celle de 1910. En effet, le préfet de police de Paris, préfet de la zone de défense de Paris, assure la coordination des secours pour la région d'Île-de-France en cas d'événement touchant plusieurs départements.
Quant aux maires, il leur revient d'élaborer et de mettre à jour un plan communal de sauvegarde, afin d'organiser l'alerte, le transport et l'hébergement des populations affectées, d'assurer la continuité des services essentiels et de mettre en place le dispositif municipal de crise.
L'État, en liaison avec les collectivités territoriales concernées, a donc réalisé plusieurs actions de prévention visant à limiter en Île-de-France l'impact d'une crue de la Seine analogue à celle de 1910. L'élaboration du projet d'aménagement d'une zone d'expansion des crues dans le secteur de la Bassée aval en fait partie.
Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments que je peux porter, aujourd'hui, à votre connaissance sur le cheminement de ce dossier extrêmement important, lourd et complexe, mais sur lequel il faut que nous soyons tous, bien évidemment, en ordre de marche. Le sujet est plus que sensible, mais sachez que le Gouvernement sera au rendez-vous et prendra toute sa part de ce travail préalable si nécessaire.
M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
M. Yves Pozzo di Borgo. Madame la secrétaire d'État, nous nous connaissons depuis dix ans et ce sont les mêmes réponses que j'obtiens depuis dix ans !
Oui, il y a un plan de prévention qui est élaboré par la préfecture, mais, je l'ai dit, c'est un palliatif.
Bien que soutenant le Gouvernement, je ne vois dans cette affaire ni l'énergie ni l'impulsion forte qui sont pourtant nécessaires dans cette affaire, pas plus que le courage, d'ailleurs, et vous pourrez le dire à votre ministre de tutelle, M. Borloo !
La façon dont vous m'avez annoncé le calendrier et le financement signifie que le projet traînera encore pendant des années. Or, il est nécessaire d'aller plus vite. Et, je suis désolé, madame le secrétaire d'État, les éléments de réponse que vous m'avez communiqués, nous les connaissons depuis toujours ! J'avais simplement besoin de savoir si le Gouvernement avait donné une impulsion : je ne la sens pas dans ce dossier-là !
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