M. Roland Courteau attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur le degré de préparation de la France face à un tremblement de terre.
Il lui indique qu'au cours d'une audition publique organisée dans le cadre des travaux de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, tous les intervenants ont convenu que la France n'était pas préparée à un tremblement de terre. Ainsi, malgré le programme interministériel de prévention du risque sismique lancé en 2005, les populations restent relativement indifférentes à ce risque, tandis que la plupart des constructions restent vulnérables à cet aléa en raison du non-respect des normes parasismiques et de l'impossibilité matérielle de l'État d'assurer un contrôle efficace de leur respect.
Il lui fait également remarquer que si la sécurité civile est relativement bien préparée à la gestion d'un tremblement de terre, certaines faiblesses persistent cependant. Ainsi la France manque de vecteurs de projection (avions, véhicules terrestres) pour acheminer les secours sur les lieux du sinistre.
Concernant les politiques de prévention et de gestion de crise, l'audition publique a démontré la nécessité d'en améliorer la gouvernance, notamment à travers une coopération accrue, d'une part avec les collectivités territoriales qui sont amenées à financer beaucoup d'actions, sans que leur rôle soit reconnu à sa juste valeur, et, d'autre part, avec les grandes associations habituées à intervenir dans les situations d'urgence.
Il lui demande s'il entend, face aux problèmes soulevés, prendre toute mesure destinée à les résoudre.
Par ailleurs, et considérant qu'en cas de séisme et plus généralement de catastrophe naturelle, l'adoption de bons réflexes permet souvent de sauver des vies et de limiter les dégâts matériels, il lui demande quelles initiatives il entend engager afin de renforcer l'autoprotection du citoyen en développant l'éducation et la formation de ce dernier à tous les âges de la vie.
M. Roland Courteau. La France est-elle préparée à un tremblement de terre ? Telle était la question posée lors de l'audition publique que j'avais organisée dans le cadre de l'OPECST, l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, en juillet dernier.
Certes, en France métropolitaine, le risque sismique est modéré. Les conséquences d'un séisme seraient néanmoins non négligeables en raison de la concentration de la population dans certaines zones à risque. Ainsi, un séisme comme le séisme provençal de 1909 ferait aujourd'hui des centaines de victimes et des dommages économiques de plusieurs centaines de millions à quelques milliards d'euros.
Pour ce qui concerne l'outre-mer, le risque sismique est très fort aux Antilles, avec des séismes de magnitude de 7 à 8 sur l'échelle de Richter. En outre, la vulnérabilité des constructions aggrave le risque : un séisme semblable à celui qui a touché Fort-de-France en 1839 pourrait faire aujourd'hui plusieurs dizaines de milliers de victimes.
Par ailleurs, en Méditerranée comme aux Antilles, le risque de tsunami est réel.
Sur ce point précis, les préconisations que j'avais formulées dans le rapport n° 117 (2007-2008) de l'OPECST ont bien été reprises par les pouvoirs publics puisqu'un centre d'alerte sera mis en place dans environ un an en Méditerranée. Mais rien n'est prévu pour les Antilles…
Cela dit, je n'ignore pas qu'un programme interministériel de prévention du risque sismique sur cinq ans, comprenant plus de quatre-vingts actions, a été adopté en 2005. Toutefois, l'audition publique a démontré que les premières évaluations du bilan de ce plan étaient plutôt mitigées.
Ainsi, en matière de réduction de la vulnérabilité des constructions neuves, une nouvelle réglementation, Eurocode 8, a été adoptée à l'échelon européen. Son introduction en droit français passe par un décret définissant, sur le plan national, les zones de sismicité pour l'application des règles parasismiques, zonage qui a été établi par les scientifiques voilà six ans. Alors, où en est-on s'agissant de ce décret ?
Il faut aussi noter que l'application de la réglementation est difficile à faire respecter. Les contrôles sont insuffisants pour garantir la conformité des constructions aux normes parasismiques.
En ce qui concerne le bâti existant, la situation est inquiétante. Dans certaines zones sensibles, des bâtiments indispensables à la gestion de crise, tels que les préfectures, les casernes de pompiers et les hôpitaux, seraient les premiers à s'effondrer en cas de séisme comparable à certains séismes historiques, sans compter que l'effondrement de nombre d'habitations rendrait certaines parties de villes inaccessibles aux secours !
L'audition publique que j'ai organisée avec l'OPECST a cependant permis de relever que la sécurité civile était, heureusement, bien préparée à la gestion d'un tremblement de terre.
Malgré tout, certaines insuffisances semblent persister. Ainsi manquerions-nous de vecteurs de projection – avions et véhicules terrestres, notamment – pour acheminer les secours.
La saturation médicale et le manque d'hébergements constituent également un maillon faible dans le dispositif de secours.
De même, l'examen des politiques de prévention et de gestion de crise fait apparaître la nécessité d'améliorer la gouvernance dans leur mise en œuvre.
Enfin, en cas de catastrophe, l'adoption de bons réflexes permet souvent de sauver des vies et de limiter les dégâts matériels. Il est donc indispensable de renforcer l'autoprotection des citoyens en développant l'éducation et la formation de ces derniers à tous les âges de la vie.
En résumé, il semble avoir été démontré, lors de l'audition publique, que la France n'était pas bien préparée à un tremblement de terre. Quelles initiatives le Gouvernement entend-il prendre face à ce constat ?
Dernière question : où en est le projet de mise en place d'un réseau sismique, composé de quinze stations, dénommé ISARD – information sismique automatique régionale de dommages – et destiné à produire dans les minutes qui suivent un séisme une note informatique transfrontalière, avec simulation des dommages au parc immobilier ? Sont concernées les Pyrénées-Orientales, l'Aude, la Catalogne et l'Andorre ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale. Monsieur Courteau, je vous prie tout d'abord d'excuser l'absence de M. Brice Hortefeux, qui, retenu, m'a chargée de vous apporter la réponse qu'il comptait vous faire.
Face au risque que vous venez d'évoquer, le Gouvernement a décidé d'agir par un programme national de prévention du risque sismique sur cinq ans.
Notre stratégie est simple : favoriser une prise de conscience des citoyens, des constructeurs et des pouvoirs publics, mais aussi mettre en œuvre avec fermeté les dispositions déjà adoptées et poursuivre l'amélioration des savoir-faire.
Au sein des différents chantiers de ce « plan séisme », le ministère de l'intérieur a été sollicité, notamment, pour la réalisation, chaque année, d'un scénario départemental de crise sismique. Ces exercices, appelés « Richter », permettent, outre l'entraînement des services gestionnaires de la crise – préfectures, services déconcentrés, etc. – une forte sensibilisation des acteurs, notamment des collectivités locales.
Concrètement, les Bouches-du-Rhône, en particulier la zone pilote comprenant vingt-cinq communes ayant été touchées par le séisme historique de Lambesc, en 1909, ont été choisies pour la réalisation, en février 2007, du premier exercice sismique, dénommé Richter 13.
Il y a eu, depuis, trois autres exercices de ce type : Richter Antilles, en novembre 2008, dans les deux départements d'outre-mer, exercice qui s'est déroulé sur trente-six heures ; Richter 65, en avril 2009, qui a mobilisé la chaîne de solidarité de la sécurité civile des communes des Hautes-Pyrénées ; Richter 68, en février 2010, dans le Haut-Rhin et le Territoire de Belfort.
Deux autres exercices sont en cours de préparation : Richter 38, qui se déroulera prochainement dans la zone de Grenoble, et Richter 2011, qui devrait être organisé conjointement avec l'Andorre, l'Espagne et le Portugal à la fin de l'année 2011, avec l'appui de la Commission européenne.
Vous interrogez également le ministre de l'intérieur sur l'acheminement des moyens de secours.
Il convient de distinguer la situation sur le territoire hexagonal, qui ne soulève pas de difficultés, et la situation particulière des collectivités d'outre-mer, où une projection rapide de moyens, tant humains que matériels, ainsi que la gestion de crise sont plus difficiles du fait de l'éloignement de la métropole.
Pour ces collectivités, et afin de garantir à nos concitoyens ultramarins l'égalité au regard de l'assistance aux populations, est prévue une adaptation des moyens de la gendarmerie et de la sécurité civile, avec leur redéploiement et, le cas échéant, leur renforcement en vue d'assurer la continuité du service public.
La mise en place d'un pôle « sécurité civile » permanent aux Antilles est, par ailleurs, actuellement à l'étude.
Enfin, vous évoquez, monsieur le sénateur, la sensibilisation et la formation, qui sont en effet la première des mesures de sécurité.
La direction de la sécurité civile consacre, avec ses différents partenaires, dont l'éducation nationale, une part importante de son activité à l'information des populations, plus particulièrement des élèves, par exemple avec l'élaboration de la brochure Éduquer à la responsabilité face aux risques, la série de revues Risques et Savoirs, dont le quatrième numéro est consacré aux risques liés à la terre, un CD-ROM intitulé J'apprends à me protéger, etc.
Elle travaille en outre à généraliser la mise en place des plans particuliers de mise en sûreté dans les établissements scolaires ou encore à sensibiliser la population sur la nécessité de disposer, à son domicile, d'un plan familial de mise en sûreté. À cet effet, elle proposera au cours de l'année 2011 un document accessible à tous les citoyens par téléchargement sur Internet, et je forme le vœu qu'il soit accessible aussi à nos compatriotes handicapés.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, tout est mis en œuvre, à travers la prévention, l'éducation et la préparation à la gestion de crise, pour garantir à nos concitoyens une chaîne de sécurité efficace, qui permette de faire face à un événement aussi dramatique qu'un épisode sismique dans notre pays.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse, même si vous ne m'avez pas totalement convaincu quant au fait que tout était mis en œuvre en matière de préparation aux tremblements de terre.
Je reste persuadé qu'il s'agit d'un problème d'une extrême importance. Le tremblement de terre à Haïti a démontré les conséquences catastrophiques de l'absence de mesure de prévention et de gestion de crise.
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État. À Haïti !
M. Roland Courteau. Il a fait, je le rappelle, 200 000 morts, 300 000 blessés et jeté un million de personnes à la rue.
Le bilan relativement modeste, au regard de sa magnitude, à savoir 8,8 sur l'échelle de Richter, du tremblement de terre au Chili qui s'est produit le 20 février 2010 a fait, a contrario, la preuve du succès des mesures préventives pour réduire l'impact des catastrophes.
En France, le risque sismique est, je l'ai dit, non négligeable en raison de la concentration de la population dans les zones sismiques. Voilà pourquoi on ne saurait tolérer la moindre faiblesse tant en matière de prévention qu'en ce qui concerne la gestion du risque.
Enfin, madame la secrétaire d'État, vous n'avez pas répondu à ma question sur l'état d'avancement du projet ISARD…
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