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Isabelle Pasquet
Question orale sans débat N° 1068 au Ministère de l'industrie


Délocalisation de l'usine Fralib du groupe Unilever

Question soumise le 21 octobre 2010

Mme Isabelle Pasquet attire l'attention de M. le ministre chargé de l'industrie sur l'annonce de la direction d'Unilever France de son intention de fermer l'usine Fralib de Gémenos, dans le département des Bouches-du-Rhône, qui produit plus spécifiquement du thé sous la marque « L'éléphant », une marque présente sur l'aire marseillaise depuis plus d'un siècle.

Elle lui demande jusqu'à quand la politique industrielle de ce pays s'accommodera-t-elle de la voracité de quelques actionnaires qui font du zapping territorial en surfant sur l'absence d'harmonisation européenne des droits des salariés pour continuer à faire fructifier leurs portefeuilles, au mépris de la vie des salariés et de leurs familles, au mépris aussi de l'équilibre économique des collectivités territoriales qui investissent pour accueillir ces mêmes entreprises ?

Réponse émise le 1er décembre 2010

Mme Isabelle Pasquet. La direction d'Unilever France a annoncé son intention de fermer l'usine Fralib de Gémenos, dans le département des Bouches-du-Rhône, qui produit notamment du thé et des infusions sous la marque « Éléphant », implantée dans la région marseillaise depuis plus d'un siècle.

Que l'on me permette de rappeler certaines pratiques « industrielles » qui conduisent droit dans le mur le dialogue social et l'économie de notre pays.

En 1976, la multinationale Unilever achète Fralib à Pernod-Ricard.

En 1988, avec un bel opportunisme, Unilever délocalise son site de Marseille à Gémenos pour profiter des subventions européennes liées à la revitalisation d'un territoire sinistré à la suite de la disparition des chantiers navals de La Ciotat.

En 1998, Unilever ferme son site du Havre et transfère la production en Belgique. Moins d'un tiers des salariés sont reclassés à Gémenos.

En 2006, enfin, la multinationale crée en Suisse, donc hors de la zone euro, Unilever Supply Chain Company, USCC, entité dont la seule fonction est d'assécher les marges des sites de production.

Ce sont ainsi chaque année 200 millions d'euros qui manquent au produit intérieur brut de notre pays et 67 millions d'euros qui échappent aux services fiscaux français, tandis qu'Unilever a distribué quelque 750 millions d'euros à ses actionnaires au titre de l'année 2008.

En vingt ans, la productivité par salarié a progressé d'environ 50 %, avec un volume de production sensiblement égal entre 1989 et 2009, alors que les effectifs passaient de 286 à 185 salariés.

Monsieur le ministre, mon collègue député et ami Michel Vaxès vous a déjà interrogé sur ce sujet, le 23 novembre dernier. Ce jour-là, vous sembliez déjà vous préparer à une reconversion du site et de ses salariés.

Vous avez demandé au préfet d'organiser une table ronde, qui s'est tenue vendredi 26 novembre. Le moins que l'on puisse dire, c'est que les représentants d'Unilever n'ont convaincu personne, pas même le préfet, du caractère inéluctable de la fermeture de l'usine.

Je voudrais citer une phrase d'un courrier adressé par votre prédécesseur, M. Estrosi, aux parlementaires : « Mon intention, vous le savez, c'est de remettre le “fabriqué en France” au cœur de notre stratégie de développement industriel. »

Monsieur le ministre, je vous pose de nouveau la question, en espérant que votre réponse sera cohérente avec les propos tenus lors de la table ronde : jusqu'à quand le Gouvernement va-t-il s'accommoder de délocalisations d'entreprises motivées par des raisons purement financières ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Besson, ministre auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique. Madame la sénatrice, nous partageons une conviction : la France n'a pas d'avenir sans une industrie forte. Le maintien et le développement de notre industrie sont donc une priorité pour le Gouvernement, comme pour tous les groupes politiques du Sénat.

En ce qui concerne Fralib, le groupe Unilever a annoncé le 28 septembre dernier son intention de fermer le site de Gémenos au début de 2011. Cette entreprise a pour activité le mélange et le conditionnement de thés et d'infusions.

La direction d'Unilever justifie cette fermeture par des raisons liées à l'évolution du marché du thé, notamment la montée en puissance des gammes de distributeurs, et par les caractéristiques propres du site de Gémenos. Selon elle, ce site représenterait en effet 5 % de la production européenne de thés d'Unilever, mais 27 % des coûts.

Devant cette volonté d'Unilever de fermer le site de Gémenos, j'ai demandé au préfet des Bouches-du-Rhône d'étudier attentivement ce dossier, afin notamment que, dans l'hypothèse d'une confirmation de la fermeture du site, aucun salarié ne soit laissé au bord du chemin.

Le préfet a ainsi organisé, vendredi 26 novembre dernier, une table ronde avec l'ensemble des acteurs concernés. À l'issue de cette réunion, il a proposé aux organisations syndicales et aux représentants de Fralib et d'Unilever de créer un groupe de travail, animé par le responsable de l'unité territoriale de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi.

Ce groupe de travail doit examiner de manière approfondie l'ensemble des scénarios pouvant déboucher sur une solution autre que la fermeture du site, notamment la réinstallation, par Unilever, d'une usine de conditionnement de thé, l'installation d'une autre activité du groupe Unilever, ou encore l'établissement d'une nouvelle entreprise, qui reprendrait les salariés. Les conclusions du groupe de travail doivent être rendues avant la prochaine réunion du comité d'entreprise, le 13 décembre.

Par ailleurs, j'ai demandé au préfet d'examiner les mesures d'accompagnement qui pourraient, le cas échéant, être prises et mises en œuvre afin qu'un avenir soit assuré à chacun des 182 salariés du site de Gémenos et que les engagements d'Unilever en matière de revitalisation du territoire soient à la hauteur de la réputation et des moyens financiers de cette grande entreprise.

Comme vous le voyez, madame la sénatrice, nous essayons de travailler sur toutes les hypothèses, y compris une reprise d'activité ou une poursuite de celle-ci sous d'autres formes.

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le ministre, vous reprenez quasiment mot pour mot le compte rendu des travaux de la table ronde que j'ai pu obtenir de la préfecture des Bouches-du-Rhône.

Je voudrais apporter une précision concernant les chiffres donnés par Unilever.

Effectivement, la production de Fralib ne représente que 5 % de la production de thés d'Unilever, mais ce groupe a fait le choix de faire fabriquer à Gémenos des sachets de 1,6 gramme, et non de 2 grammes comme dans les autres usines. Cela explique le tonnage relativement faible produit sur ce site, avec des coûts forcément supérieurs.

Cela étant, lors de cette table ronde, à aucun moment Unilever n'a évoqué les profits réalisés grâce aux gains de productivité obtenus dans cette usine, ni le sous-investissement dont celle-ci a souffert : en quatre ans, Fralib n'a bénéficié que de 5 % des 85 millions d'euros investis dans les usines européennes du groupe.

Il faut mettre Unilever face à ses responsabilités, et j'espère que le Gouvernement jouera un rôle important dans le traitement de ce dossier.

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