M. Jean-Luc Fichet interroge M. le ministre de l'éducation nationale sur la réforme du Bac STI (sciences et technologies industrielles) qui doit se mettre en place à la rentrée 2011.
Les acteurs de cette filière craignent que cette réforme ne mette à mal la spécificité de la voie technologique. Le Conseil supérieur de l'éducation a d'ailleurs, à l'époque, voté contre les propositions du ministère.
Si elle a pour objectif affiché de rénover la voie technologique, les enseignants estiment qu'elle a principalement pour conséquence de vider de sa substance tout ce qui faisait l'originalité et l'attractivité de cette filière : fin des dédoublements de classe, fin de toute approche manuelle, plus de travail sur les systèmes réels, plus d'enseignement de physique appliquée…
Quelles seront les conséquences de cette réforme ?
Le profil des élèves qui préparent le Bac STI ne correspond pas à un apprentissage trop virtuel. Les représentants de cette filière estiment que le Gouvernement veut vider cette formation technologique de ses élèves en la rendant moins attractive. Ou alors il s'agirait, selon eux, de transformer le Bac STI en Bac général légèrement teinté de techno. Dans cette perspective, l'avenir des élèves qui ne pourront plus suivre cette formation est en question.
Par ailleurs, il semblerait qu'en réponse à cette moindre technicité des enseignements, certains secteurs d'activité mettent en place des formations propres à leur métier. Il estime que cela revient à privatiser l'éducation nationale ! Il précise que le monde du travail a besoin de ces filières techniques et que les enfants ont besoin pour leur vie professionnelle d'une formation diplômante et non d'une formation au rabais.
Aussi, il souhaite savoir quelles réponses le ministre peut apporter aux professeurs et aux élèves inquiets d'une telle évolution éducative.
M. Jean-Luc Fichet. Ma question, qui s'adresse en effet à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, concerne les inquiétudes suscitées par la réforme du baccalauréat Sciences et techniques industrielles, ou STI, qui doit être mise en place à la rentrée de 2011.
En Bretagne, comme partout ailleurs en France, les enseignants sont inquiets. Je pense notamment aux personnels des lycées Félix-Le-Dantec, à Lannion, ou Tristan-Corbière à Morlaix. Les craintes sont vives.
Le Conseil supérieur de l'éducation a voté contre les propositions du ministère au mois d'avril 2010, au motif que celui-ci refusait d'accompagner la réforme d'une amélioration du taux d'encadrement. En effet, la réflexion du ministère s'accompagne encore et toujours d'une diminution des postes et des moyens. La rentrée de 2011 s'annonce extrêmement difficile si rien n'est proposé pour revenir sur les suppressions de postes.
Par ailleurs, sur le fond, si une réforme était souhaitable, les acteurs de cette filière craignent que celle-ci ne mette à mal la spécificité de la voie technologique. De leur point de vue, la réforme annoncée a principalement pour conséquence de vider de sa substance tout ce qui faisait l'originalité et l'attractivité de cette filière : fin des dédoublements de classe, fin de toute approche manuelle, plus de travail sur les systèmes réels, plus d'enseignement de la physique appliquée…
La question du contenu de l'enseignement est essentielle, car elle touche à l'emploi des jeunes et à l'avenir des ouvriers qualifiés dans notre pays. La France a besoin de tous les talents. Cette réforme va à l'encontre des discours sur la nécessaire réindustrialisation de la France. Comment peut-on prôner cette réindustrialisation et, dans le même temps, se tirer une balle dans le pied en supprimant la formation des jeunes dans ces domaines ?
Certains patrons de l'industrie ont d'ailleurs déjà anticipé cette moindre formation technique. Ainsi, des secteurs d'activité mettent en place des formations propres à leur métier. Cela revient à privatiser l'éducation nationale ! Ce n'est pas ce que nous voulons !
Le monde du travail a besoin de ces filières techniques et les enfants ont besoin pour leur vie professionnelle d'une formation diplômante, et non d'une formation au rabais.
Enfin, que dire des conséquences de cette réforme pour les établissements scolaires qui, grâce aux collectivités territoriales, ont investi massivement dans l'achat de machines pour leurs élèves ? Va-t-on leur dire que ces investissements n'ont servi à rien ?
Je souhaite savoir quelles réponses vous pouvez apporter face à l'ensemble de ces inquiétudes.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer. Monsieur le sénateur, vous attirez l'attention de mon collègue Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, sur la réforme du baccalauréat STI.
Luc Chatel est retenu ce matin par d'autres obligations, mais sachez que la réforme de la voie technologique constitue pour lui comme pour tout le Gouvernement une initiative fondamentale, et ce pour plusieurs raisons.
D'abord, elle contribue à la diversification des parcours d'excellence au lycée. Ensuite, elle propose une formation riche, gage d'une insertion professionnelle plus large et plus sûre. Enfin, elle donne une nouvelle ambition à la voie technologique.
Vous le savez, les séries STI et STL, Sciences et technologies de laboratoire, n'avaient pas évolué depuis 1993, et demeuraient éclatées entre dix-sept spécialités ou options qui enfermaient les élèves dans des trajectoires souvent irréversibles dès la classe de première.
Cette spécialisation excessive brouillait la distinction entre les séries technologiques et les formations offertes dans le cadre de la voie professionnelle rénovée. Et c'est cette spécialisation excessive qui a en partie entraîné la désaffection qu'ont connue les séries STI, de l'ordre de 20 % en moins de dix ans.
Il fallait redonner toute leur valeur à ces parcours : le Gouvernement a tenu à proposer des séries plus polyvalentes, plus ouvertes et préparant mieux aux études supérieures.
Comme la voie générale, la voie technologique a vocation à conduire tous ses élèves vers l'enseignement supérieur. Bien évidemment, cet objectif doit néanmoins prendre appui sur ce qui constitue la spécificité de cette voie, à savoir une pédagogie fortement ancrée dans des activités pratiques et technologiques.
Ainsi la nouvelle série STI2D, Sciences et technologies de l'industrie et du développement durable, que vous évoquiez dans votre question, monsieur le sénateur, et qui intègre, comme son nom l'indique, la dimension moderne et prometteuse du développement durable, est articulée autour d'un enseignement technologique transversal et ambitieux, commun à tous les élèves, avec notamment deux langues vivantes désormais obligatoires, contre une seule auparavant. C'était un impératif, dans notre monde moderne, que de préparer nos futurs techniciens à la mobilité et à l'échange international.
Cette série assure donc une formation polyvalente à même d'ouvrir des possibilités d'orientation post-baccalauréat. Ce renforcement des exigences dans les disciplines générales va mieux préparer les lycéens à réussir leurs études supérieures.
Ajoutons que cette série est mieux reliée à la voie professionnelle grâce à des passerelles plus nombreuses et qu'elle comporte des enseignements spécifiques propres à chacune des quatre spécialités proposées aux élèves : énergie et environnement ; innovation technologique et éco-conception ; systèmes d'information et numérique ; architecture et construction.
N'oublions pas, également, que chaque lycéen bénéficie désormais d'un accompagnement personnalisé pour l'aider à construire son parcours de réussite.
Vous le constatez donc, monsieur le sénateur, la nouvelle voie technologique conserve la spécificité d'activités pratiques et technologiques, mais elle est plus polyvalente parce qu'elle est nourrie d'une nouvelle ambition et parce qu'elle entend répondre à un enjeu stratégique pour notre pays.
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet.
M. Jean-Luc Fichet. Madame la ministre, votre réponse ne me satisfait pas pleinement, car elle ne répond pas aux interrogations des enseignants.
Ces derniers ne sont pas opposés à l'évolution de la série technologique, mais ils constatent que les solutions apportées ne sont pas les bonnes. La preuve en est que certaines entreprises privées prennent aujourd'hui l'initiative de former leur propre personnel, considérant que la formation scolaire dispensée n'est plus adaptée à la demande et à l'avenir professionnel des personnes concernées.
Surtout, l'ensemble de ces réformes paraissent obéir au souci de réaliser des économies, ce qui est absolument insupportable. Je citerai, pour ce qui est de la réforme globale de l'éducation nationale, la fin des IUFM, la suppression nette de 16 000 emplois en 2011, la disparition des auxiliaires de vie scolaire, les AVS, et des emplois de vie scolaire, les EVS, la diminution de la scolarisation à l'âge de deux ans dans les écoles maternelles, et j'en passe. Toutes ces mesures nourrissent nos craintes pour l'éducation nationale.
Par conséquent, nous serions heureux que le système soit reconsidéré et que le Gouvernement propose un nouveau pacte éducatif en concertation avec tous les acteurs de la communauté éducative. Ces derniers recevraient ainsi une vraie réponse susceptible de mettre fin à leurs inquiétudes.
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.