Mme Catherine Procaccia interroge M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé sur la légalité de la transformation d'un emploi précédemment exercé par un salarié à temps plein (contrat de travail à durée déterminée ou indéterminée) en stage.
Dans le cadre de loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, des dispositions ont été mises en place afin d'encadrer l'usage des stages et protéger les étudiants.
Il a été fait état que bien souvent, des stagiaires qualifiés (souvent bac + 3,4 ou 5) sont utilisés comme une main d'œuvre gratuite et consentante.
Cependant, malgré l'obligation de rémunérer les stages de plus de deux mois, certaines entreprises proposent des stages de longue durée soumis à une gratification minimum légale, mais en remplacement d'emplois auparavant occupés à plein temps par des salariés titulaires de contrat de travail à durée déterminée ou indéterminée
(CDD ou CDI).
Elle aimerait savoir si des dispositions du code du travail prohibent de telles pratiques, quels sont les recours à disposition de l'ancien salarié lorsqu'il découvre que son poste de travail est dorénavant proposé en stage de longue durée, et si le stagiaire peut demander rapidement la requalification de son stage en CDD. Par ailleurs l'entreprise peut-elle être sanctionnée pour de tels procédés ?
Enfin, dépassant ces questions précises de droit du travail, elle aimerait savoir quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour empêcher ce type de pratiques qui va à l'encontre de l'emploi en général et des jeunes en particulier.
Mme Catherine Procaccia. Madame la secrétaire d'État, ma question porte sur le droit du travail. En effet, plusieurs cas m'ayant été signalés, je m'interroge sur la légalité des pratiques qui consistent à transformer un emploi précédemment exercé par un salarié à temps plein, en CDD ou en CDI, en une mission de stage.
Dans le cadre de la loi du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, des dispositions ont été prévues afin d'encadrer l'usage des stages et protéger les étudiants. Nous avions en effet tous constaté qu'il était fréquent que des stagiaires qualifiés, souvent titulaires de diplômes sanctionnant trois, quatre ou cinq années d'études après le baccalauréat, soient utilisés comme une main-d'œuvre gratuite, bien que consentante, au détriment de la création de postes permanents dans l'entreprise. Les stagiaires s'y succédaient, en remplacement d'un emploi à temps plein. Dans certaines entreprises, ils constituaient même des équipes complètes !
Cependant, malgré l'obligation aujourd'hui légale de rémunérer les stages de plus de deux mois, certaines entreprises proposent des stages de longue durée, certes soumis à une gratification minimale, mais venant remplacer des emplois précédemment occupés à plein-temps par des salariés titulaires d'un contrat de travail à durée déterminée ou indéterminée.
Je souhaite savoir si des dispositions du code du travail prohibent de telles pratiques, quels sont les recours dont dispose l'ancien salarié lorsqu'il découvre que son poste de travail non renouvelé est dorénavant proposé en stage de longue durée, si corrélativement le stagiaire qui le remplace peut demander la requalification de son stage en CDD et, enfin, si l'entreprise peut être sanctionnée pour de tels procédés.
Au-delà de ces questions précises de droit du travail, j'aimerais savoir quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour empêcher ces pratiques, qui vont à l'encontre de l'emploi en général et celui des jeunes en particulier et qui sont malheureusement de plus en plus fréquentes, surtout par le biais d'internet.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé. Madame Procaccia, la pratique des stages en entreprise a donné lieu à des abus manifestes, notamment s'agissant de jeunes en entreprise.
La nécessité de fixer un cadre clair assurant l'insertion du stage dans le cursus de formation suivi par le jeune, protégeant ses droits et évitant les abus, a été affirmée explicitement par l'article 9 de la loi du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances, et son décret d'application du 29 août 2006.
L'article 6 de ce décret énonce qu'aucune convention de stage ne peut être conclue pour remplacer un salarié absent ou licencié. De même, le stage ne peut servir à exécuter une tâche régulière correspondant à un poste de travail permanent ni être utilisé pour répondre à un accroissement d'activité ou pour exécuter un emploi saisonnier.
Le cas évoqué de transformation en stage d'un emploi précédemment occupé par un salarié à temps plein paraît ainsi relever de cette interdiction.
L'ancien salarié établissant le recours abusif au stage pourra faire juger que la rupture de son contrat de travail ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse et, à ce titre, demander au juge une indemnité en complément, le cas échéant, des indemnités déjà perçues.
De son côté, le stagiaire, établissant le recours abusif au stage, pourra demander au juge la requalification de son activité en contrat de travail, à durée déterminée ou indéterminée, assortie de la rémunération correspondant à l'emploi occupé, telle que résultant des dispositions légales et conventionnelles applicables.
Cette requalification pourra entraîner, du fait du recours abusif au statut de stagiaire, le constat, par un agent d'un corps de contrôle habilité, d'une situation de travail dissimulé, constat pouvant donner lieu à l'application de sanctions civiles et pénales par le juge.
Plus généralement, le dispositif d'encadrement du recours au stage met à la charge des entreprises certaines obligations visant à faciliter le contrôle des abus éventuels, comme la tenue à jour de la liste des conventions de stage conclues.
Si les signalements d'abus demeurent rares, l'emploi de faux stagiaires représente 4 % des infractions constatées au droit du travail. Le renforcement du contrôle des conditions de recours au stagiaire fait partie des axes prioritaires de contrôle retenus par le plan national de lutte contre le travail illégal fixé pour les années 2010 et 2011.
Ainsi, le Gouvernement entend poursuivre son action pour empêcher les pratiques illicites du recours à des faux stagiaires, dont sont victimes les jeunes, élèves ou étudiants.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Madame la secrétaire d'État, vos propos confortent le sentiment que j'avais de l'illégalité de ces pratiques.
Je me permettrai toutefois de suggérer que le ministère du travail mette en place une boîte aux lettres ou un site internet sur lequel les stagiaires pourraient expliquer que, dans telle ou telle entreprise, ils ont découvert qu'ils remplaçaient un salarié auparavant employé en CDD ou en CDI et qui a démissionné.
En effet, si l'on imagine qu'un salarié puisse saisir le juge, il sera plus difficile pour un stagiaire, qui a déjà du mal à décrocher un contrat, d'effectuer cette démarche.
Je souhaiterais également que le ministère du travail jette un œil sur les offres de postes publiées sur internet par les grandes entreprises. Sans doute le fait-il déjà, mais il découvrira, en cliquant sur ces offres, qu'elles prennent pour la plupart la forme de stages.
Je suis certes favorable aux stages – ils sont essentiels dans un parcours de formation –, mais la dérive que nous constatons aujourd'hui devrait pouvoir être combattue par des moyens un peu moins lourds que le recours au juge.
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