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Alain Fauconnier
Question orale sans débat N° 1131 au Secrétariat d'État du commerce


Projets d'exploitation du gaz de schiste en France

Question soumise le 16 décembre 2010

M. Alain Fauconnier attire l'attention de M. le ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique sur les projets d'exploitation du gaz de schiste en France et, plus particulièrement dans le sud du pays, où trois permis exclusifs de recherche, ont été accordés par le précédent ministre d'État, chargé, dans ses multiples attributions, de l'énergie : permis de Montélimar, permis de Villeneuve de Berg et, plus spécifiquement pour le département de l'Aveyron, permis de Nant.

Force est de constater, en effet, que ce fut avec la plus grande discrétion que ces autorisations ont été attribuées, puisque les populations et les élus des territoires concernés n'en ont eu connaissance que par hasard, sans que rien de précis ne leur fut communiqué quant à l'intérêt économique de ces opérations, aux risques qu'elles peuvent faire courir à l'environnement ou à la dépendance de Total face à son partenaire texan, seul capable, semble-t-il, de maîtriser les techniques d'exploitation du gaz de schiste.

Il lui demande donc de bien vouloir lui faire savoir l'état d'avancement de ces recherches, leur coût précis (le chiffre de plusieurs millions d'euros est avancé) et la manière dont le Gouvernement compte y associer les élus et les représentants associatifs, afin que la transparence et la démocratie soient parfaitement respectées.

Réponse émise le 2 février 2011

M. Alain Fauconnier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, à l'instar de ce qui se fait aux États-Unis, au Canada, en Inde ou en Australie, les projets de recherche et d'exploitation du gaz de schiste en France semblent se multiplier. En témoignent les trois permis accordés par arrêté du précédent ministre chargé de l'énergie, en date du 1er mars 2010. Cela concerne Montélimar, Villeneuve-de-Berg et, pour le département de l'Aveyron, Nant, au cœur du parc naturel régional des Grands Causses.

Des millions d'euros, dit-on, sont prêts à être investis en faveur de ce qu'il est convenu d'appeler un gaz « non conventionnel ». On le trouve en fracturant hydrologiquement des couches géologiques dans les veines des roches comportant des hydrocarbures et du charbon pour capter le méthane par une série de forages verticaux.

Comme ce fut le cas naguère avec le nucléaire, la concertation a été totalement absente dans cette prise de décision, l'État, une nouvelle fois, ayant décidé seul, sans consulter personne.

Cette décision a été prise quasiment « en catimini ». Les populations, les associations et les élus des territoires concernés n'ont eu connaissance de ces projets que par hasard.

Rien de précis ne leur fut communiqué par les pouvoirs publics quant à l'intérêt économique de ces opérations, aux risques qu'elles peuvent faire courir à l'environnement ou à la dépendance de Total face à son partenaire texan. Cette société américaine est seule capable, semble-t-il, de maîtriser aujourd'hui les techniques d'exploitation du gaz de schiste, avec des règles de sécurité qui ne sont pas les mêmes qu'en France.

Je ne suis pas a priori opposé à toute recherche sur les énergies permettant à la France de réduire sa dépendance énergétique. Mais je dois témoigner de l'inquiétude des populations, des responsables associatifs et des élus du territoire.

Ces élus, en particulier le maire de Nant, M. Bernard Saquet, sont totalement opposés comme moi à une telle exploitation sur leur territoire.

Trois questions se posent, selon moi, légitimement.

Premièrement, quel est l'état des informations encore contradictoires sur les réserves de ces gaz et hydrocarbures coincés dans les roches mères, exploitables et extractibles ?

Deuxièmement, comment va-t-on résoudre le problème environnemental causé par la très importante utilisation d'eau nécessaire à la fracturation desdites roches – 10 000 à 20 000 mètres cubes pour chaque puits ?

Troisièmement, quelles garanties aurons-nous, s'agissant de la sûreté des forages, que le gaz et les solvants chimiques ne remonteront pas dans les nappes phréatiques qui alimentent les réseaux d'eau potable ? Quel sera l'organisme indépendant qui assurera le contrôle ?

Au-delà de l'opacité qui entoure encore cette autorisation d'exploiter le gaz de schiste en Aveyron, il faut savoir qu'elle concerne le territoire du Larzac. Or celui-ci constitue non seulement une réserve naturelle de premier ordre, mais encore une très importante réserve d'eau potable. Cette décision prise par le Gouvernement est en totale contradiction avec nombre de plans, de schémas ou de chartes, élaborés de surcroît en partenariat avec l'État et les autres collectivités territoriales – région, département, commune.

Un énorme travail d'inventaire environnemental a été effectué depuis des années sur ce territoire, plus particulièrement dans les réserves en eau et leur fragilité dans les reliefs karstiques.

S'ajoutent à l'absurdité de cette décision la mise en danger de l'AOC roquefort, la mise en cause de tous les efforts accomplis dans le domaine du tourisme, ainsi que dans celui du patrimoine culturel et naturel entrepris par la région Midi-Pyrénées et le département de l'Aveyron.

Monsieur le secrétaire d'État, en sus des réponses aux trois questions précédentes, pourriez-vous dire également à la représentation nationale où en sont les projets d'exploitation du gaz de schiste en France et, plus particulièrement, dans le sud de l'Aveyron. Quelle est la position du Gouvernement sur ce sujet ? Que répond-il à la demande de moratoire formulée par de très nombreuses collectivités, toutes tendances politiques confondues, qui vont du département de l'Aveyron, de l'Hérault, de la région Midi-Pyrénées, à l'Ardèche, et je pourrais en citer bien d'autres encore ? Je vous remercie de bien vouloir m'éclairer sur ce point.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. Monsieur le sénateur, permettez-moi, tout d'abord, de vous dire que j'étais, il y a quelques jours, dans l'Aveyron. Or cette question n'a été évoquée ni par les uns ni par les autres ; je n'ai donc pas pu en discuter directement avec le préfet. Je vais vous livrer le plus fidèlement possible la réponse que vous a préparée Éric Besson, et j'espère que, à défaut de vous donner toute satisfaction, elle vous rassurera sur certains points.

Le Grenelle de l'environnement conduit le Gouvernement à mener une politique en faveur de systèmes énergétiques encore plus efficaces et propres qui préservent notre sécurité d'approvisionnement et la compétitivité de notre économie. Or les énergies décarbonées n'y suffiront pas à court et moyen terme. Notre système comprendra encore pour longtemps une part importante d'énergies fossiles, en particulier de gaz naturel, dont la consommation augmente, vous le savez, dans le secteur industriel, où il se substitue avantageusement au fioul et au charbon.

Ainsi que vous l'avez parfaitement expliqué, le gaz de schiste est contenu dans des roches sédimentaires argileuses profondes, compactes et imperméables. II y a une quinzaine d'années, on ignorait comment l'exploiter. Aujourd'hui, ces gaz sont produits en grande quantité aux États-Unis – vous avez fait référence à une grande entreprise américaine –, où ils représentent 12 % de la production locale de gaz, contre 1 % en 2000. En Europe, notamment en France, l'évaluation de ce type de ressource démarre à peine.

Vous avez dit que vous étiez favorable à la lutte pour l'indépendance de notre pays en matière énergétique et à la recherche de nouvelles richesses sur notre territoire, mais j'ai aussi cru comprendre que vous ne vouliez pas que ces projets soient mis en œuvre chez vous.

Par arrêtés du 1er mars 2010, le ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer a accordé trois permis exclusifs de recherches d'hydrocarbures sur une surface totalisant 9 672 kilomètres carrés, dans les départements de l'Ardèche, de la Drôme, du Vaucluse, du Gard, de l'Hérault, de l'Aveyron et de la Lozère, et ce pour des durées de trois à cinq ans.

Cette démarche n'a rien d'exceptionnel dans la mesure où une quinzaine de permis de recherches d'hydrocarbures environ sont délivrés annuellement.

Conformément à la procédure légale, les arrêtés ont été délivrés après un processus administratif qui inclut une publication au Journal officiel ainsi qu'au Journal officiel de l'Union européenne, à des fins de mises en concurrence. Les recherches proposées visent à mesurer le potentiel de production de gaz de schistes dans ces zones. Sept forages d'exploration sont envisagés et, à cet effet, sont évidemment demandés une notice d'impact, un document indiquant les incidences des travaux sur la ressource en eau, ainsi qu'une étude de danger. Ces dossiers seront instruits et feront l'objet, le cas échéant, d'un arrêté préfectoral encadrant les travaux.

Pour l'exploitation proprement dite, je tiens à vous rassurer, l'industriel devra obtenir une concession, puis une ou plusieurs autorisations d'ouverture de travaux délivrées par le préfet. Les maires concernés seront consultés et des enquêtes publiques seront organisées.

Par ailleurs, l'instruction des dossiers se fera en vertu de la réglementation très précise prévue dans le code minier et dans le code de l'environnement, lequel exige notamment que soient maîtrisés les impacts environnementaux.

Pour la réalisation de ces différents projets seront évidemment organisées la consultation des élus et des populations ainsi que la concertation que vous appelez de vos vœux.

M. le président. La parole est à M. Alain Fauconnier.

M. Alain Fauconnier. Monsieur le secrétaire d'État, je n'ai pu être présent à la réunion que vous avez organisée dans l'Aveyron et je m'en étais excusé. Je prends acte du fait que personne ne vous ait parlé de cette question, ce qui me surprend.

Vous avez décrit la procédure qui est actuellement mise en œuvre. Voilà qui est de nature, si je puis dire, à me « rassurer », mais il aurait été plus judicieux d'agir, au préalable, dans la transparence et d'expliquer les choses. Cela aurait probablement permis d'éviter toute l'agitation qui se développe, à juste titre, aujourd'hui sur ce territoire.

Cela étant, je ne puis vous laisser dire que je serais favorable à la recherche de nouvelles énergies, mais pas chez moi ! En tant que maire, doté d'une certaine expérience, j'ai, autant que d'autres, le souci de l'intérêt général.

En tout cas, ce qui m'inquiète ce sont les déclarations quelque peu contradictoires que l'on a entendues ici ou là, en provenance du ministère de l'écologie. Il y a quelques jours, j'ai appris que la question de la recherche du gaz de schiste avait été inscrite, à la demande de la France, à l'ordre du jour du Conseil européen de l'énergie de vendredi prochain. Est-ce pour faire en sorte que la France garde la main sur cette méthode ou est-ce pour botter en touche, comme on le fait souvent au niveau de l'Europe, et se la faire imposer au travers d'une réglementation qui nous échapperait ? Telle est ma préoccupation.

Monsieur le secrétaire d'État, vous êtes allé sur le plateau de l'Aubrac, où un parc va être installé. Il existe d'ores et déjà un parc sur le plateau du Larzac, sur le territoire duquel les gouvernements précédents, auxquels certains de vos amis ont dû participer, ont engagé des recherches importantes sur la ressource en eau. Or on sait ce que cela représente pour le bassin méditerranéen. Eu égard à toutes les méthodes qui nous sont décrites, le choix du lieu me semble plus que curieux. C'est en ce sens que je vous ai posé ma question.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Monsieur Fauconnier, j'avais bien eu votre message et vous êtes parfaitement excusé de votre absence. Ne le prenez pas mal, mais – c'est un réflexe assez classique – les gens sont d'accord pour conceptualiser, mais le sont moins pour la mise en œuvre.

J'entends bien vos arguments et, je vous le répète, chacun pourra exprimer ses réserves, voire son opposition, lorsque s'engagera la procédure.

Vous vous interrogez sur la réunion du Conseil européen de l'énergie. Je n'ai pas parlé de cette question avec Éric Besson, mais, comme je l'ai indiqué au début de mon propos, la recherche en la matière s'est beaucoup développée aux États-Unis, et ce dans l'intérêt de l'indépendance énergétique de ce pays. Il va donc de soi que la France et l'Europe aient également l'objectif de développer de telles recherches. Pour ce qui est de l'endroit pour les réaliser, laissons faire la concertation…

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