M. Rachel Mazuir interroge M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville sur les conséquences de l'annulation par le Conseil d'État, suite à la requête déposée par l'Association nationale pour l'intégration des personnes handicapées moteurs (Anpihm), d'une partie du décret du 17 mai 2006 qui instaurait des dérogations aux règles d'accessibilité des établissements recevant du public (ERP), des bâtiments d'habitation et des installations ouvertes au public.
En effet, au travers de ce texte, le Gouvernement avait étendu aux constructions neuves les dérogations réglementaires relatives aux bâtiments existants qui avaient été accordées par la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, alors qu'elle ne le prévoyait pas.
Le Conseil d'État a ainsi annulé les articles R. 111-18-3, R. 111-18-7 et R. 111-19-6 du code de la construction et de l'habitation. Les « bases juridiques » qui permettaient d'octroyer des dérogations sur les maisons individuelles neuves, les bâtiments d'habitation collective neufs, les ERP neufs et les ERP créés après changement de destination et les programmes de logements à usage temporaire ou saisonnier n'existent donc plus.
Comme le Conseil d'État n'a pas limité dans le temps les effets de l'annulation qu'il a prononcée, il convient de s'interroger sur la sécurité juridique des dérogations déjà accordées et sur la conformité aux règles de construction des programmes immobiliers ayant bénéficié de ces dérogations (programmes déjà construits, en cours de conception, ou dont le permis de construire est en cours d'instruction).
Il lui demande alors s'il est en mesure de lui apporter des éléments de réponse.
Il est à noter qu'une dérogation aux règles d'accessibilité se traduit juridiquement par la délivrance, au bénéfice du pétitionnaire, d'un arrêté préfectoral d'autorisation de déroger à un point particulier de la réglementation. Par conséquent, cet arrêté s'analyse comme une décision individuelle créatrice de droit, prise en application d'un règlement. Or, il est de jurisprudence constante que l'annulation d'un règlement est sans effet sur les décisions individuelles créatrices de droit, prises en application de ce règlement et devenues définitives. Une décision ne devient définitive que lorsqu'elle n'est plus susceptible d'annulation par l'autorité judiciaire, c'est-à-dire lorsque le délai de recours de deux mois est expiré et lorsque aucun recours en annulation de cette décision n'est en instance de jugement. Ce dernier commence à courir à compter de la notification de l'autorisation de dérogation au bénéficiaire. Ainsi, lorsque le délai est expiré, toute personne physique ou morale fondée à agir ne peut pas demander l'annulation d'un arrêté préfectoral d'autorisation de déroger par l'autorité judiciaire en invoquant l'exception d'illégalité des dispositions réglementaires qui les fondent. Par ailleurs, toute personne physique ou morale fondée à agir peut également demander au préfet le retrait ou l'abrogation des autorisations de dérogation devenues illégales, indépendamment du fait de savoir si elles sont devenues définitives ou non. Dans ce cas, le préfet est tenu de retirer ou d'abroger les autorisations de dérogation devenues illégales, à condition toutefois que la personne physique ou morale fondée à agir le fasse dans les délais (Conseil d'État, 9 juillet 1997, commune de Théoule-sur-Mer ; Conseil d'État, 30 juin 2006, société Neuf Télécom). Ces derniers sont de quatre mois à compter de l'autorisation de dérogation, et non à compter de la notification de l'autorisation au bénéficiaire (Conseil d'État, 26 octobre 2001, Ternon ; Conseil d'État, 6 mars 2009, Coulibaly). Le préfet sera alors tenu d'y déférer puisque les autorisations de dérogation sont devenues illégales.
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