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Hervé Maurey
Question écrite N° 11916 au Ministère de la justice


Mise en place du plan d'action de prévention des suicides en milieu carcéral

Question soumise le 4 février 2010

M. Hervé Maurey attire l'attention de Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur la mise en place du plan d'action de prévention des suicides en milieu carcéral.

Publié le 18 janvier dernier, le nombre de suicides en prison pour l'année 2009 est encore en augmentation puisqu'on dénombrait 109 suicides en 2008 et 115 à 2009.

Pour répondre à cette situation alarmante, le Gouvernement a annoncé des mesures d'urgence telles que la distribution de kits de protection pour les prisonniers. Cette nécessaire réponse d'urgence visant à empêcher le passage à l'acte ne doit, semble-t-il, pas faire perdre de vue une réelle politique de prévention du suicide en milieu carcéral.

Ces mesures ne répondent en effet que partiellement aux cinq grands axes du plan d'action de prévention définis en juin 2009 à savoir la formation du personnel pénitentiaire, l'humanisation de l'univers carcéral, le développement des activités de réinsertion, le développement des expérimentations et la mise en place de mesures spécifiques pour les détenus les plus fragiles.

Il lui demande donc dans quels délais et selon quelles modalités seront mises en place l'ensemble de ces mesures indispensables.

Réponse émise le 13 mai 2010

Le phénomène du suicide dans les prisons françaises constitue une des préoccupations principales du ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Le 18 août 2009, le ministre d'État a clairement affirmé sa volonté de transparence sur le sujet en rendant public, avec une mise en oeuvre immédiate et intégrale, les vingt recommandations contenues dans le rapport de la commission d'experts sur la prévention des suicides. Elle a souhaité initier son action sans délai et engager un véritable plan de prévention et d'intervention avec l'ensemble des personnels pénitentiaires et médicaux, ainsi qu'avec les acteurs de la vie carcérale, comme les bénévoles, intervenant divers, familles et codétenus. Ce plan d'actions a été élaboré autour de cinq grands axes : la formation du personnel pénitentiaire face au risque de suicide (en ciblant en priorité l'ensemble des personnels affectés dans les quartiers de détention spécifique) ; l'application de mesures particulières pour les détenus les plus fragiles, avec la mise en oeuvre généralisée de matériel adapté (cellules de protection d'urgence ou sécurisées, dotations de protection d'urgence composées de couvertures indéchirables et de vêtements jetables, interphones) ; l'humanisation de l'univers carcéral avec la mise en place de mesures particulières pour les quartiers disciplinaires (développement de l'accès au téléphone et mise à disposition de radios) ; le développement des expérimentations (les « codétenus de soutien » et la vidéo surveillance) ; le développement des activités en prison. À titre d'exemple, deux cellules de protection d'urgence ont été mises en service depuis le début d'année au sein des centres pénitentiaires de Fresnes et de Châteauroux. Quatre autres établissements devraient bientôt pouvoir en bénéficier. Les dispositifs expérimentés sont inspirés par certains systèmes européens voisins qui ont démontré leur efficacité en terme de baisse du nombre de suicides en détention. Ils sont issus du constat de la nécessité d'une prise en charge de la personne détenue à risque suicidaire par l'ensemble de la « communauté carcérale ». Depuis 2004, près de 12 500 personnels pénitentiaires de tout corps professionnel ont été formés à l'École nationale d'administration pénitentiaire, dans le cadre de la formation initiale, et 7 000 personnes ont bénéficié d'une formation continue ou d'une sensibilisation sur la thématique de la prévention du suicide. Aujourd'hui, plus du tiers des personnels en poste en établissement ou au sein des services pénitentiaires d'insertion et de probation a reçu une formation prévention du suicide. L'expérimentation relative à la création de codétenus de soutien, préalablement formés, est mise en place à la maison d'arrêt de Villepinte depuis le 16 mars 2010. Le plan d'action renforcé fait l'objet d'un suivi mensuel par un groupe de pilotage national coprésidé par le directeur de l'administration pénitentiaire et le professeur Terra, expert international de la question de la prévention des suicides. Par ailleurs, l'incarcération est une phase identifiée où le risque de passage à l'acte suicidaire est plus important. Aussi, dans une logique d'atténuation du choc carcéral, l'accueil des arrivants fait l'objet d'un dispositif particulier. Ainsi, la première partie du référentiel d'application des règles pénitentiaires européennes (RPE) y est consacrée. Elle se compose de trois engagements directeurs : la mise en place d'un dispositif particulier d'accueil, la prise en charge individuelle et l'observation des détenus arrivants ainsi que l'établissement d'un bilan personnalisé effectué par la commission pluridisciplinaire unique. Les circuits arrivants des établissements pénitentiaires font l'objet d'une évaluation dans le but d'aboutir à leur labellisation par un organisme certificateur extérieur. S'agissant d'une zone de détention sensible, les agents pénitentiaires qui y sont affectés sont prioritairement formés (formation sous le format TERRA) ou sensibilisés sur la thématique de prévention des suicides. Dans le prolongement de ces actions, un dispositif permettant à chaque détenu arrivant de passer gratuitement un appel téléphonique dans les premières heures de son écrou est également opérationnel depuis le 1er janvier 2010. En outre, le plan d'actions prévention suicide prévoit l'utilisation de la grille d'évaluation du potentiel suicidaire. Cet outil est systématiquement employé dans tous les établissements, dotés ou non de quartier arrivants, et permet de repérer la vulnérabilité de la personne détenue face au risque suicidaire. Cette grille a vocation à être actualisée tout au long de la détention et notamment à d'autres moments clefs pouvant entraîner une fragilisation de la personne détenue face au risque suicidaire, telle que l'approche du procès ou la libération de personnes soumises à une longue incarcération. Dans ces cas, une nouvelle évaluation est encouragée.

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