Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, j'ai déjà interpellé à plusieurs reprises les ministres de l'intérieur successifs – et, me semble-t-il, notamment vous-même – sur la dangerosité du Taser X26 et du Flashball.
Chaque fois, j'ai obtenu la même réponse, celle que vous nous apportez cet après-midi encore : toutes les garanties existent, d'abord du point de vue de la formation, ensuite du fait que l'utilisation est limitée à certaines circonstances, principalement la légitime défense.
En outre, nous disait-on, s'il y avait eu des morts dues au Taser aux États-Unis, il ne pouvait pas y en avoir en France parce que les impulsions électriques utilisées chez nous étaient moins fortes. Or on compte aujourd'hui deux morts, l'un à Colombes, l'autre à Marseille.
Quant au Flashball, il a fait tout récemment un blessé très grave à Montreuil.
J'avais prévu, monsieur le ministre, de vous demander qui utilisait ces armes, comment et dans quelles circonstances, mais vous avez déjà en partie répondu à ces questions et je vais vous en poser deux autres.
D'abord, n'estimez-vous pas qu'il est indispensable, conformément à ce que préconise la Commission nationale de déontologie de la sécurité dans un rapport, d'empêcher l'utilisation du Flashball dans le cadre des opérations de maintien de l'ordre lors des manifestations sur la voie publique ?
Ensuite, quelle évaluation faites-vous de la dangerosité de ces armes ?
Peut-être le Taser est-il utilisé de façon moins dangereuse en France qu'aux États-Unis et peut-il être considéré, dans notre pays, comme une arme non létale lorsqu'il est employé à l'encontre de personnes qui se portent parfaitement. Mais cela reste-t-il vrai lorsqu'il est utilisé contre des personnes fragiles, et notamment contre celles qui souffrent d'insuffisance cardiaque, ce qui n'est pas écrit sur leur figure ? Il serait bon de savoir dans quels cas une décharge électrique peut être mortelle.
M. Brice Hortefeux, ministre. Madame Borvo Cohen-Seat, des enquêtes, vous le savez, sont en cours sur les décès qui se sont produits à Marseille et à Colombes et je ne peux donc pas me prononcer sur ce qui s'est réellement produit. Cependant, au terme de la procédure judiciaire, nous tirerons, le cas échéant, les leçons qui devront être tirées.
Vous m'avez interrogé sur l'utilisation de ce type d'armes à l'occasion des manifestations, et vous pensez sans doute à des manifestations comme celles qui se sont déroulées au cours de l'automne. Je vous précise que le pistolet à impulsion électrique ne doit pas être utilisé au cours de ces manifestations, sauf, naturellement, en situation de légitime défense.
Il est cependant indéniable que les policiers et les gendarmes sont de plus en plus souvent confrontés à de graves agressions qui visent à les blesser, voire à les tuer. Or mon devoir de ministre de l'intérieur est de faire en sorte que les forces de sécurité soient protégées : je ne serais pas dans mon rôle si je n'avais la préoccupation constante de garantir la protection de ceux qui ont la responsabilité d'assurer la tranquillité et la sécurité de nos concitoyens. J'observe que les voyous n'hésitent pas à tendre des guets-apens et parfois même à utiliser des armes de guerre.
Hors ces cas extrêmes, les forces de l'ordre sont souvent confrontées à des personnes en état de démence temporaire ; dans 54 % des cas, l'utilisation du pistolet à impulsion électrique est liée à la nécessité de réduire l'agressivité et la résistance de ces personnes, souvent sous l'emprise de l'alcool ou de stupéfiants.
En outre, je rappelle que le taux d'interpellation, une donnée qui n'est tout de même pas indifférente, est de 97 % après usage d'un pistolet à impulsion électrique.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour la réplique.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, que la police doive être en mesure d'exercer ses missions, personne ne le conteste.
Je constate néanmoins que le syndicat national des policiers municipaux demande un moratoire sur l'utilisation du Taser par les policiers municipaux. Ainsi, au sein même des forces de police, d'aucuns se posent des questions sur l'utilisation de ces armes en l'état actuel de nos connaissances quant à leur dangerosité.
J'observe également que, du fait de l'évolution de notre législation, de plus en plus d'opérations relatives à l'ordre et à la sécurité publique seront déléguées à des services de sécurité privés. Allons-nous, monsieur le ministre, autoriser les polices privées à se doter de ces armes de quatrième catégorie ?
Il s'agit d'un point d'autant plus préoccupant que le fabricant du Taser conduit, vous le savez, une campagne de publicité à peine déguisée, accessible très facilement, pour que tout un chacun se dote de ces armes en principe non létales.
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