M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis des années, notre vision du monde arabo-musulman a été prise en étau entre le spectre des régimes autoritaires et celui du terrorisme. Al-Qaïda s'est ainsi imposée comme le dernier horizon d'une population opprimée.
Peut-être est-ce ce tropisme erroné qui a conduit à l'engagement des Occidentaux en Afghanistan sans perspective de retrait apparente, à l'intervention des États-Unis en Irak et à la diabolisation d'un Iran qui ne se limite pas à la personne de Mahmoud Ahmadinejad.
Ces derniers mois ont pourtant été marqués par le surgissement sur la scène internationale d'une véritable opinion publique arabe. De la Tunisie à l'Égypte, en passant par la Libye, et ailleurs, on retrouve une même jeunesse éduquée, mobilisée, connectée à internet. La démocratie naît d'un trait, cette démocratie que, peut-être par mépris, les Occidentaux ne croyaient pas possible !
Le terrorisme n'a plus l'initiative et le mouvement pour lui. Le soutien tardif de l'AQMI à la révolution libyenne semble confirmer une évolution de la position de l'organisation terroriste.
On ne saurait pour autant y voir un signe d'essoufflement du terrorisme comme réponse aux attentes de la jeunesse musulmane. Car les réseaux restent actifs partout dans le monde !
Cela pose plusieurs questions relatives à l'Afghanistan.
Peut-on espérer – monsieur le ministre, vous m'avez déjà apporté une réponse partielle en vous adressant à Mme Demessine – peut-on espérer, dis-je, voir l'émergence d'une véritable opinion publique afghane, qui devienne une alliée contre le terrorisme ? Comment la France peut-elle susciter et accompagner ce mouvement ? Si une opinion publique existait vraiment, serait-ce alors le signe de notre succès et, donc, l'annonce de notre retrait du théâtre afghan ?
M. Gérard Longuet, ministre. Cher Yves Pozzo di Borgo, les questions que vous avez posées sont absolument fondamentales. Au cœur de la reconstruction d'un État, il y a ce qui répond à cet État, l'évolution d'une société.
J'ai eu le privilège, grâce à l'initiative du président Larcher, de me rendre sur place avec les présidents de groupe et en compagnie du sénateur Jacques Gautier.
Nous avons bien mesuré l'extraordinaire diversité de ce pays, son caractère compartimenté, qui facilite la poursuite d'organisations traditionnelles assez hermétiques, on peut bien le dire, aux valeurs et mécanismes d'une grande démocratie moderne que vous appelez de vos vœux et dont le caractère inéluctable est profondément souhaité par les uns et les autres mais à un rythme que nous ne maîtrisons pas.
Le préalable à la démocratie, c'est l'échange. Après avoir évoqué tout à l'heure la liberté de la presse, la communication et les télécommunications, je voudrais dire un mot des transports. Lorsqu'une population peut échanger, comparer, commercer, elle se libère de l'emprise de systèmes qu'il n'est pas complètement agressif de traiter de féodaux, de traditionnels ou de claniques. C'est l'idée de cette circulation de l'information, des biens, des services et des personnes – que seul le maintien de l'ordre peut d'ailleurs garantir – qui est en mesure de faire bouger sur le long terme cette société.
Tel est l'objectif de notre présence. C'est un but ambitieux. Je dois reconnaître qu'il est long à construire.
(Applaudissements sur certaines travées de l'UMP. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour la réplique.
M. Yves Pozzo di Borgo. Je remercie M. le ministre pour l'intelligence de sa réponse et sa clarté.
Pour aller dans le sens de M. le ministre, je voudrais rappeler qu'on a pu observer, lors de l'élection présidentielle de 2009 et des élections législatives de septembre 2010, une participation de 30 % à 40 %. (M. le ministre opine.) Malgré les attaques commises contre 150 bureaux de vote et les 22 morts du 18 septembre 2010, on sent l'émergence d'une opinion publique afghane. (M. le ministre opine de nouveau.) Cela me paraît important.
Enfin, concernant l'Assemblée nationale afghane, sur 249 sièges, 68 sont détenus par des femmes.
M. Jean-Louis Carrère. C'est plus qu'à l'UMP !
(Sourires.)
M. Yves Pozzo di Borgo. Je rejoins ainsi M. le ministre et répète notre rêve de voir émerger une opinion publique forte en Afghanistan.
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.