Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Raoul.
(Ah ! Enfin ! sur les travées du groupe socialiste.)
M. Daniel Raoul. Monsieur le secrétaire d'État, la catastrophe de Fukushima soulève évidemment de nombreuses interrogations sur notre politique énergétique. Celle-ci mériterait que l'on y consacre plus que les trois quarts d'heure dédiés à cette séance de questions cribles aux réponses quelque peu « candides » (Sourires.), car ce sont les fondements mêmes de cette politique qu'il nous faut revoir aujourd'hui.
En effet, la dérégulation du secteur énergétique, que ce soit pour l'électricité ou le gaz, met à mal notre souveraineté puisqu'elle contribue au désarmement énergétique de la France. Notre indépendance nationale, qui était le centre de gravité de notre politique énergétique, n'est plus d'actualité puisque l'État se défait de ses leviers d'action, en particulier dans le cadre de la loi NOME.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Daniel Raoul. Et ce alors même que le drame que connaît le Japon devrait inciter le gouvernement actuel à plus de prudence. Par ailleurs, il est « ingénu » (Nouveaux sourires.) de croire que nous pourrions avoir une politique industrielle sans politique énergétique. La privatisation d'EDF va bien à contresens des défis actuels et à venir.
La politique énergétique garantissait aux particuliers et aux entreprises une électricité 30 % moins cher que dans le reste de l'Europe ; ce ne sera plus le cas avec la dérégulation.
M. Didier Guillaume. Eh oui !
M. Daniel Raoul. En plus de l'augmentation continue des loyers, les ménages vont donc devoir faire face à celle de leur facture énergétique, qui a été évoquée tout à l'heure. La décision de fixer l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique, l'ARENH, à un prix compris entre 38 euros et 42 euros par mégawatt va conforter cette tendance. Par ailleurs, la catastrophe va induire un coût supplémentaire découlant d'une demande légitime d'un accroissement de la sûreté des centrales nucléaires.
Dès lors, monsieur le secrétaire d'État, nous souhaiterions savoir quelle est la part du coût de la sûreté des centrales nucléaires dans le coût total de production ? Comment va-t-elle évoluer dans l'ARENH et donc pour le consommateur ?
Nous souhaitons avoir des réponses à ces questions et il faudrait pour le moins surseoir à l'application de la loi NOME.
M. Marc Daunis. Très bien !
M. Martial Bourquin. Excellent !
M. Daniel Raoul. Peut-on encore confier la sûreté et la gestion des centrales nucléaires à des sociétés privées et à des sous-traitants ? Enfin, plus largement, quelle est la ligne générale de votre politique énergétique pour les années à venir ?
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Roland Courteau. Il n'y en a pas !
M. David Assouline. Ça, c'est une question !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, sur cette question de l'énergie, vous avez souhaité élargir le débat.
Le pétrole représente 45 % de la consommation énergétique de la France, vingt points de moins qu'en 1973 ; 80 % de la consommation électrique est d'origine nucléaire. Sortir du nucléaire reviendrait à multiplier par deux le prix de l'électricité pour le consommateur.
M. Marc Daunis. Ce n'est pas la question !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. J'imagine que ce n'est pas, à l'évidence, ce que vous souhaitiez proposer à travers la question que vous avez posée.
M. Marc Daunis. Merci !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. La France a aujourd'hui largement diversifié son mix énergétique. Elle a réduit sa dépendance. L'énergie, vous avez évoqué ce point, n'est pas un secteur comme les autres. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement met en place une régulation stricte, avec des obligations européennes, la loi NOME, mais aussi avec les tarifs sociaux, qui, je le rappelle, sont des initiatives dues à cette majorité, et qui n'avaient pas été prises auparavant.
M. Marc Daunis. Ce n'est pas la question !
M. David Assouline. Quel esprit polémique !
M. René-Pierre Signé. Il y a longtemps que vous êtes au pouvoir !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Or la sûreté ne peut être isolée, vous l'avez dit. L'audit est en cours…
M. Jean-Pierre Bel. Répondez aux questions posées !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Je réponds parfaitement aux questions posées (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)…
M. Marc Daunis. C'est de la polémique de bas étage !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. … et vous avez un avantage sur moi, vous pourrez vous exprimer de nouveau et me répondre.
Vous avez – et j'ai apprécié – cité Voltaire à deux reprises dans votre question. D'ailleurs, j'ai eu l'occasion de dire tout à l'heure à vos collègues députés à l'Assemblée nationale que ce lapsus, que j'ai pu faire, a un mérite. Vous vous souvenez peut-être que, dans Zadig, l'ange Jesrad disait : …
M. Marc Daunis. Ce n'est pas la question !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. … « Il n'y a point de mal dont il ne naisse un bien ». Or le bien, c'est que vous parlez de Voltaire aujourd'hui dans cet hémicycle. Dois-je vous rappeler que Voltaire, c'était la tolérance incarnée ?
(Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. René-Pierre Signé. C'était la critique de l'intolérance !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Je pense que cela peut être utile à certains, à un moment où, je le répète, le Gouvernement et la majorité sont engagés dans une politique énergétique qui préserve l'indépendance énergétique de la France et en même temps protège les consommateurs les plus fragiles avec les tarifs sociaux…
M. René-Pierre Signé. Il ne faut pas vous référer à Voltaire !
M. Jean-Jacques Mirassou. C'est du Machaviel !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. … et, notamment avec les décisions de suspension que j'ai rappelées tout à l'heure, l'ensemble des consommateurs.
(Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. René-Pierre Signé. Voltaire n'aurait pas été à l'UMP !
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Raoul, pour la réplique.
M. Daniel Raoul. Monsieur le secrétaire d'État, il ne m'a pas échappé que Zadig n'était pas l'anagramme d'à gaz…
J'attendais des réponses concernant en particulier l'application de la loi NOME, le prix de l'ARENH et les conséquences pour les consommateurs…
M. Roland Courteau. C'est ça la question !
M. Daniel Raoul. … mais aussi pour notre industrie, qui, je vous le rappelle, bénéficiait certes d'un avantage concurrentiel par rapport à nos voisins, singulièrement les « électro-intensifs ».
Ma seconde question était celle de la sûreté de nos centrales nucléaires. Peut-on confier à la fois la construction et la gestion des centrales nucléaires à des sociétés privées ainsi qu'à des sous-traitants de nos industriels, même nationalisés ?
M. Roland Courteau. Eh oui, c'est la triste réalité !
M. David Assouline. Vous n'avez pas répondu, monsieur le secrétaire d'État !
M. Daniel Raoul. Cela pose réellement des problèmes et vous devriez tenir compte des expériences de Tepco au Japon.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)
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