Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les services à la personne, qui ont connu un fort développement ces dernières années, sont aujourd'hui à la croisée des chemins.
Nous devons, vous devez, monsieur le secrétaire d'État, choisir entre deux options.
Ou bien on poursuit la logique marchande induite par la loi du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne, dont le principal effet est d'avoir accru la précarité des salariés, les exposant plus que jamais à la pluralité d'employeurs, aux situations de temps partiel subi, de sous-rémunération et de relation de gré à gré, qui isolent les professionnels et les rendent par conséquent plus vulnérables.
Ou bien, et ce que nous appelons de nos vœux, on assure de manière solidaire le financement des services à la personne, dédiés à ce que nos concitoyens ne peuvent plus ou ne peuvent pas faire, que ce soit en raison de leur âge, de leur état de santé ou de leur handicap. Si on peut admettre que les services qui ne sont pas indispensables à la vie de nos concitoyens – encore que l'idée mérite d'être discutée – soient financés par leurs bénéficiaires, les services qui ont une finalité sociale, notamment parce qu'ils viennent compenser la perte ou l'absence d'autonomie, les besoins ayant été évalués par les organismes compétents, doivent en revanche, selon nous, relever de la solidarité nationale.
Or on constate que les structures, qui aujourd'hui encore accomplissent ces missions, ont de plus en plus de mal à le faire dans des conditions correctes, tant pour les usagers que pour les professionnels. Cette dégradation s'inscrit dans un contexte de réduction des crédits de la CNSA à hauteur de 100 millions d'euros en 2010. Les associations qui parlent de « tour de passe-passe » sont inquiètes, d'autant plus qu'elles doivent déjà faire face à la suppression des exonérations fiscales et sociales intervenues dans les lois de financement de la sécurité sociale.
Monsieur le secrétaire d'État, ma question est la suivante : allez-vous instaurer un fonds d'urgence et comment entendez-vous organiser, dans la durée, le financement solidaire que nous souhaitons et dont nos concitoyens ont besoin ?
(Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice, je tiens à vous rassurer sur le fait que les avantages fiscaux sont maintenus à 100 %, de même que les exonérations de charges sociales sont maintenues à 100 % pour tous les publics fragiles. Par ailleurs, la création de l'abattement de quinze points des cotisations sociales patronales était un dispositif d'amorçage, pour inciter à développer les services à domicile et favoriser les déclarations au réel ; sa suppression n'a eu que des effets limités – nous attendrons les chiffres de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l'ACOSS, pour le vérifier. Enfin, cette suppression est, dans 98 % des cas, à moitié compensée par cet avantage fiscal.
Je ne peux donc pas vous laisser parler de « tour de passe-passe » ! D'autant plus que, lorsque notre majorité a voulu développer les services à la personne – c'est pour cette raison que j'ai rappelé ce que nous avions fait en 1993 – en les encourageant par des avantages fiscaux et sociaux, elle s'est vue reprocher de légiférer pour les riches. Mais les uns et les autres avaient oublié que ces mesures permettaient de lutter contre le travail au noir. Or qui était fragilisé par le travail au noir ? Précisément nos compatriotes qui ne pouvaient pas bénéficier, à l'époque, de dispositifs d'aide à la personne. Ces dispositifs ont permis, au contraire, de les réintégrer.
J'ai eu l'occasion de rappeler, dans ma première réponse, les efforts sans précédents accomplis par ce gouvernement et sa majorité en faveur de la professionnalisation,…
M. Claude Bérit-Débat. Il ne faut pas exagérer !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. … afin que les salariés de ce secteur puissent se créer un véritable avenir.
J'entends vos remarques, mais je n'oublie pas qu'au moment où nous avons créé ces incitations vous étiez de ceux qui critiquaient le principe même des services à la personne !
(Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Guy Fischer. Il y a une réelle inquiétude !
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour la réplique.
Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le secrétaire d'État, j'ai bien entendu votre réponse, mais de nombreuses associations nous disent qu'elles ne peuvent plus aujourd'hui, particulièrement en milieu rural, faire face aux dépenses supplémentaires,…
M. Guy Fischer. Voilà la réalité !
Mme Isabelle Pasquet. … notamment celles qui sont liées au transport. Elles n'ont d'autre choix que de relever leurs tarifs,…
M. Ronan Kerdraon. Tout à fait !
Mme Isabelle Pasquet. … ce qui entraîne d'importantes conséquences dans la vie de celles et ceux qui bénéficient de ces services.
M. Guy Fischer. Telle est la réalité !
Mme Isabelle Pasquet. Les témoignages de personnes âgées ou handicapées renonçant ou réduisant le nombre d'heures de services réalisés à leur domicile se multiplient…
M. Guy Fischer. Voilà la vérité !
Mme Isabelle Pasquet. … et toutes et tous nous disent que ces restrictions dégradent d'autant plus leur qualité de vie que, pour beaucoup d'entre eux, ces activités sont indispensables.
Selon la CGT, les mesures d'exonération adoptées l'année dernière auront pour effet, à terme, d'obliger 54 000 personnes à renoncer aux services à la personne.
M. Ronan Kerdraon. Voilà la vérité !
Mme Isabelle Pasquet. C'est pourquoi nous aurions préféré, monsieur le secrétaire d'État, que vous vous engagiez en faveur de la création d'un fonds d'urgence.
(Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Marc Daunis. Très bien !
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