M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Françoise Cartron. Monsieur le ministre, vous avez récemment déclaré la « guerre » au décrochage scolaire. Il s'agit d'une urgence évidente, qui nécessite en effet un véritable plan de bataille. Malheureusement, une fois de plus, ce n'était qu'une opération de communication.
M. Claude Bérit-Débat. Eh oui !
Mme Françoise Cartron. Que constatons-nous ? L'enseignement primaire, terrain pertinent d'intervention pour prévenir l'échec scolaire, est aujourd'hui sinistré, avec la fermeture de 1 500 classes à la rentrée prochaine. Combien de postes auront été supprimés à la fin du mandat présidentiel, au nom de la seule logique comptable : 50 000, 60 000 ou davantage encore ?
Dans cet exercice de divisions multiples, les territoires ruraux paient le prix fort. Oubliée, la charte sur l'organisation des services publics ou au public en milieu rural signée en 2006, qui prévoyait que toute fermeture de classes devait être anticipée deux ans à l'avance ! Ignorés, les efforts des maires pour revitaliser leur commune : comment insuffler un dynamisme local sans l'école ! Abandonnés au seul critère de la rentabilité, les enfants qui subissent des rythmes de vie scolaire harassants !
Dans ce contexte, nous avons appris que des maires ne voulant pas se résigner à cette mort programmée embauchent et rémunèrent des enseignants, se substituant ainsi à l'éducation nationale défaillante. Est-ce là la solution, monsieur le ministre ? Ces maires seront-ils montrés du doigt pour mauvaise gestion ? Qu'en pensez-vous ?
Plus extraordinaire encore, la Voix du Nord s'est fait l'écho de l'ouverture, par des écoles privées, de classes payantes, hors contrat, pour les enfants de deux ou trois ans.
M. Claude Bérit-Débat. C'est honteux !
M. Guy Fischer. C'est scandaleux !
Mme Françoise Cartron. Ces écoles entendent ainsi, explique le directeur de l'enseignement diocésain, répondre à « l'attente des parents et aux besoins qui ne sont plus pris en compte par l'éducation nationale ».
M. le président. Veuillez poser votre question, ma chère collègue !
Mme Françoise Cartron. On croit rêver : c'est l'enseignement catholique qui, s'émouvant que les jeunes enfants ne soient plus pris en compte par l'éducation nationale, entreprend de répondre aux besoins. La privatisation de la préscolarisation est en marche ! Qu'en pensez-vous, monsieur le ministre ?
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Françoise Laborde. Très bien !
M. Luc Chatel, ministre. Oui, madame le sénateur, nous avons décidé de déclarer la guerre au décrochage scolaire. Ce n'est pas un exercice de communication ; je vais essayer de vous en convaincre.
Jusqu'à présent, personne, pas même le ministre de l'éducation nationale, ne savait combien de jeunes quittaient chaque année le système éducatif sans diplôme. Dorénavant, nous le savons, parce que nous avons pris la décision de relier les systèmes d'information de l'éducation nationale, de l'enseignement agricole, des centres de formation d'apprentis, des missions locales. Je puis ainsi vous indiquer, par exemple, que 300 000 jeunes de plus de seize ans qui étaient inscrits en juin 2010 dans nos collèges et nos lycées n'y étaient plus présents au mois de mars 2011. Sur ces 300 000 jeunes, 180 000 étaient considérés comme « perdus de vue » : on ne sait absolument pas ce qu'ils sont devenus.
Nous allons apporter à ces élèves « décrocheurs » une réponse individualisée. ?Pour ce faire, chaque préfet est en train de mettre en place, soit à l'échelle du département, soit à celle de chaque bassin de vie, une plateforme de lutte contre le décrochage, réunissant tous les services compétents de l'État : éducation nationale, enseignement agricole, CFA…
(Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Yannick Bodin. Répondez à la question de Mme Cartron !
M. Luc Chatel, ministre. Mme Cartron m'a posé quatre questions en deux minutes ! Je commence par répondre à celle qui porte sur le décrochage scolaire : ce n'est pas un petit sujet ! Je le répète, nous avons décidé de déclarer la guerre au décrochage scolaire.
Les résultats des évaluations des élèves de CE 1, qui seront publiés demain, sont encourageants : ils montrent une progression des acquis en français et en mathématiques pour la cohorte d'élèves ayant bénéficié de la réforme de l'enseignement primaire de 2008.
Enfin, madame le sénateur, je vous rappelle que l'école est obligatoire de six à seize ans et que 97 % des enfants sont scolarisés à partir de l'âge de 3 ans. S'agissant des enfants de deux à trois ans, je mène la même politique que tous mes prédécesseurs, consistant à les accueillir dans la limite des places disponibles.
M. Yannick Bodin. Il y a de moins en moins de places !
M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron, pour la réplique.
Mme Françoise Cartron. Monsieur le ministre, je suis au regret de vous dire que vos propos ne correspondent pas à la réalité. En effet, les enfants de deux ans qui sont accueillis à l'école ne sont pas comptabilisés ! Ce ne sont pas des syndicats d'enseignants qui l'affirment, c'est le directeur de l'enseignement diocésain.
S'agissant du décrochage scolaire, ce problème est lié au manque de moyens actuel de l'enseignement primaire, auquel il conviendra de remédier si l'on entend vraiment lutter contre l'échec scolaire.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
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