M. Alain Bertrand. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je risque quelques redites puisque je compte moi aussi parler de la réforme des collectivités territoriales et des finances de celles-ci ; je tiens d'autant plus à le faire que les territoires ruraux souffrent encore plus que les autres.
On l'a vu à l'occasion des dernières élections, la réforme, en particulier celle de l'intercommunalité, brutale, sans préparation, sans écoute, menée à marche forcée, a mis contre elle les maires et l'ensemble des élus.
Les zones de revitalisation rurale sont amoindries, fragilisées, vidées ou pratiquement pillées.
La réforme de la taxe professionnelle met dans l'insécurité les finances d'une grande partie des communautés de communes. Pour la mienne, monsieur le ministre, je peux vous fournir les chiffres : cela représente moins 1,2 million d'euros entre 2010 et 2014.
Le gel des dotations des communes est inacceptable.
Le dynamisme fiscal des régions est mis à mal, celui des départements est amoindri de 50 %.
Cela fait beaucoup !
Les conseillers généraux vont disparaître – alors que, dans la ruralité, ils sont les capitaines de l'équipe locale, au côté des maires des petites communes alentour – pour être remplacés par le conseiller territorial, lequel siégera partout et nulle part : c'est illisible et ce sera inefficace.
Tout cela, messieurs les ministres, a pour résultat l'instauration d'un climat de défiance entre les maires et l'État. Report de nombreux projets, affaiblissement de nos finances, craintes quant à la disparition des financements croisés, éloignement entre les élus de la République et le Gouvernement, tout cela est inacceptable et il n'y a rien d'étonnant à ce que les maires, et les maires ruraux en particulier, éprouvent un sentiment de manque de confiance, à l'heure surtout du vaste redécoupage que vous vous apprêtez à faire des grands cantons, redécoupage qui va constituer un grand tripatouillage !
(Marques d'approbation sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Je me joins donc, messieurs les ministres, à mon collègue pour vous inviter à retirer la réforme pour redonner des moyens et leur place aux maires. C'est indispensable à la République et à ses territoires !
(Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. Philippe Richert, ministre. Monsieur le sénateur Alain Bertrand, vous avez évoqué tellement de sujets qu'il me serait difficile de les aborder tous dans le temps qui m'est imparti, mais je vais tenter de vous répondre sur plusieurs points.
M. Claude Bérit-Débat. Ciblés !
M. Philippe Richert, ministre. S'agissant d'abord de la compensation de la taxe professionnelle et de la perte de ressources due à la réforme de celle-ci, sujet que j'ai déjà évoqué, je ne prétends pas qu'il n'y a pas eu de conséquences. Permettez-moi cependant de rappeler, par exemple, qu'en 2010 la compensation « relais » de la taxe professionnelle a représenté 3,7 % de plus que le produit de cette taxe en 2009, soit 1,1 milliard d'euros supplémentaires en faveur des collectivités.
Je sais que cela peut en gêner certains, mais ce n'est pas en répétant sans cesse des choses inexactes que l'on en fait des vérités !
(Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Protestations sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Ainsi, la réforme de l'intercommunalité serait menée à marche forcée...
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste-EELV. Eh oui !
M. Philippe Richert, ministre. Toutefois, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que nous avons fait est tout simplement le résultat de ce que nous avions débattu ici ensemble !
(Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Je ne parle pas du conseiller territorial.
Un sénateur du groupe socialiste-EELV. Vous en avez été les victimes !
M. Philippe Richert, ministre. En ce qui concerne les structures intercommunales, les regroupements, les EPCI à fiscalité propre, nous avions décidé ensemble.
(Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
Nous avons demandé aux préfets de faire des projets de schéma, et c'est sur ces projets de schéma que portera le débat.
M. Bernard Piras. À la hussarde !
M. Philippe Richert, ministre. Le préfet mettra en œuvre ce que les élus proposeront dans le cadre de la commission départementale ; son rôle est de s'assurer que le débat permet de faire émerger une large convergence pour tenir compte des besoins réels.
M. Bernard Piras. Le préfet commande ! C'est dictatorial !
M. Philippe Richert, ministre. Si dans certains territoires il y a une marge, celle-ci devra être appréciée au bon niveau (M. Bernard Piras s'exclame.), et je serai là pour faire en sorte qu'il en aille ainsi.
M. le président. Monsieur le ministre, veuillez conclure !
M. Philippe Richert, ministre. Permettez-moi seulement de dire encore qu'il est faux d'affirmer que les financements croisés ne seront plus possibles. Chacun sait très bien qu'ils sont possibles dans les petites communautés...
M. Claude Bérit-Débat. Les toutes petites !
M. Philippe Richert, ministre. ... et dans les trois domaines du tourisme, du sport et de la culture, qu'elles sont possibles également pour les autres lorsqu'il y a un accord entre départements et région.
Il y a donc un grand écart entre ce qui est dit et la réalité telle qu'elle pourra être vécue demain !
(Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Catherine Troendle. Absolument !
M. le président. La parole est à M. Christian Bourquin, pour la réplique.
M. Christian Bourquin. Monsieur le ministre, vous ne parviendrez pas à nous convaincre ! Venez dans nos collectivités territoriales ! Regardez par la fenêtre et vous verrez qu'à la crise financière mondiale vous avez ajouté une crise des collectivités territoriales. Vous avez déstabilisé nos finances, vous nous avez complètement étranglés...
M. Éric Doligé. Cela ne se voit pas !
M. Christian Bourquin. ... et, aujourd'hui, vous vous en prenez à la gouvernance locale.
Vous êtes convaincu que tout peut se diriger depuis l'Élysée, mais le pouvoir local, la démocratie locale sont nécessaires. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.) Vous avez d'ailleurs essuyé une tempête électorale à ce sujet le dimanche 25 septembre.
M. Roger Karoutchi. « Tempête », c'est un grand mot !
M. Christian Bourquin. Vous semblez l'ignorer, monsieur le ministre, et certains, ceux qui ont échappé aux hautes eaux semblent vous soutenir et vous applaudissent, mais pour combien de temps ? Pas beaucoup !
Vous feriez mieux, parce que vous ajoutez une crise à la crise,...
Mme Catherine Troendle. Oh !
M. Christian Bourquin. ... d'abandonner ces pratiques et d'abroger ces lois que vous avez fait voter à la hussarde ici - lois votées ici mais, en fait, décidées depuis l'Élysée - plutôt que de continuer à ne pas vouloir entendre ce que les grands électeurs, les très grands électeurs, vous ont signifié.
Vous avez donné ces derniers temps pour directive aux préfets de temporiser,...
M. Jean-Jacques Mirassou. Oui !
M. Christian Bourquin. ... par exemple à propos des commissions départementales de la coopération intercommunale, mais il ne s'agit pas de temporiser ! Il s'agit d'abroger ces lois (M. Jean-Luc Fichet applaudit.) et, si vous ne répondez pas à cette demande, c'est du peuple de France qu'elle viendra au printemps prochain !
(Applaudissements sur certaines travées du RDSE ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
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