M. Jean-Claude Danglot. Ma question s'adresse à M. Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.
Monsieur le ministre, voilà plus d'un an, les sénateurs de gauche menaient une bataille parlementaire historique pour sauver le service public postal. Dans tout le pays, des voix se sont élevées, les manifestations d'usagers et de salariés se sont multipliées contre le projet de privatisation de l'entreprise publique, le peuple a demandé un référendum et plus de deux millions de personnes ont exprimé leur opposition à votre projet.
Vous avez, avec votre majorité, insulté les organisateurs de la votation citoyenne et les nombreux élus locaux qui les ont soutenus. Vous avez nié la portée de ce mouvement et vous l'avez méprisé en parlant de « manipulations ».
Vous avez manœuvré jusqu'au bout pour arracher une majorité au Sénat. Pour cela, vous avez tenté de rassurer sur les conséquences du changement de statut. Votre prédécesseur, M. Estrosi, a même sorti de son chapeau le concept d'entreprise « imprivatisable ».
Aujourd'hui, les craintes d'hier se confirment.
M. Bernard Vera. Hélas !
M. Jean-Claude Danglot. Le précédent contrat de présence postale, signé pour la période 2007-2010, a validé plus de 6 000 fermetures de bureaux de poste et 6 600 suppressions d'emplois.
Vous nous avez illusionnés avec les 17 000 « points contact ». En réalité, dans mon département du Pas-de-Calais, entre 2005 et 2010, 816 emplois ont été supprimés.
M. Guy Fischer. Voilà la vérité !
M. Jean-Claude Danglot. Pour 2011, on prévoit déjà, en termes de postes, 100 facteurs et 59 guichetiers en moins.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Eh oui !
M. Jean-Claude Danglot. Alors qu'en 2008 on comptait 115 remplaçants, aujourd'hui, on en compte 23 pour tout mon département !
Le rythme effréné des suppressions de bureaux de poste ou leur transformation en simples « points contact » laissent orphelins des pans entiers de territoires sans même que les élus locaux soient consultés ou avertis.
Pis, le Président de la République a tenu, dans le Cher, à des propos véritablement insultants envers les maires ruraux, …
M. Jean-Claude Carle. Mais non !
M. Pierre Hérisson. Les maires l'ont soutenu !
M. Jean-Claude Danglot. … allant jusqu'à leur proposer de distribuer le courrier eux-mêmes s'ils n'étaient pas contents !
M. Guy Fischer. Scandaleux !
M. Jean-Claude Danglot. Les usagers ne sont pas les seules victimes de cette politique assassine. Les coupes claires dans les effectifs, les restructurations tous azimuts, les pressions de la direction…
M. Jean-Claude Carle. Ce n'est pas vrai !
M. Jean-Claude Danglot. … entraînent une souffrance au travail inacceptable.
Les soixante-dix suicides enregistrés témoignent du véritable drame humain qui se déroule sous vos yeux. Vous ne pourrez pas dire que vous ne saviez pas quant aux conséquences délétères de la privatisation de France Télécom.
MM. Alain Gournac et Pierre Hérisson. La question !
M. Jean-Claude Danglot. Monsieur le ministre, nous vous demandons donc de convoquer dans les plus brefs délais le P-DG de La Poste, Jean-Paul Bailly, …
M. Pierre Hérisson. Très bon P-DG !
M. Jean-Claude Danglot. … à qui vous avez renouvelé votre confiance, car il doit rendre des comptes et s'engager à revenir à une conception digne du service public, des personnels et des usagers !
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Éric Besson, ministre auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique. Monsieur Danglot, contrairement à ce que vous suggérez, nous n'avons pas affaibli La Poste ; nous l'avons consolidée, …
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela se voit !
M. Éric Besson, ministre. … en lui donnant les moyens de s'adapter à deux évolutions que vous connaissez.
Il s'agit, premièrement, de la concurrence d'internet.
M. Pierre Hérisson. Très bien !
M. Éric Besson, ministre. Celle-ci est réelle et n'est pas le fait du Gouvernement.
Il s'agit, deuxièmement, de l'ouverture à la concurrence.
La loi du 9 février 2010, qui a porté changement du statut de La Poste, a renforcé cette dernière en tant que grande entreprise publique. Il est prévu que son capital doit obligatoirement être détenu par des personnes publiques. Ce principe est figé dans la loi ! Il n'y a donc pas de prétendue privatisation, comme vous le suggérez, puisque aucun actionnaire privé ne peut entrer au capital.
Par ailleurs, et de façon concomitante, la loi permet de procéder à une augmentation de capital. Nous allons ainsi apporter 2,7 milliards d'euros d'argent public à La Poste.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. À La Banque postale !
M. Éric Besson, ministre. Comment pouvez-vous suggérer que l'État se désengage ?
M. Jean-Claude Carle. Très bien !
M. Éric Besson, ministre. Par ailleurs, la loi sanctuarise les quatre missions de service public exercées par La Poste, auxquelles nous sommes tous très attachés : la distribution du courrier, le transport de la presse, la collecte du livret A et l'aménagement du territoire.
En ce qui concerne cette dernière mission, vous y avez fait allusion, il est expressément indiqué, et c'est la toute première fois, que La Poste doit maintenir ses 17 000 points de contact sur le territoire. Ce n'est pas une illusion, c'est une réalité. Où est la prétendue disparition du service public ?
M. Jean-Claude Danglot. Je vous ai donné des chiffres !
M. Éric Besson, ministre. Enfin, nous sommes particulièrement attentifs à ce que La Poste tiennent les engagements que l'on attend d'une grande entreprise publique.
La Poste respecte, d'abord, ses engagements envers ses agents. Chaque année, elle recrute près de 4 000 personnes, ce qui n'est pas rien. Son P-DG suit personnellement, avec le soutien d'une petite équipe qu'il a constituée à cet effet, les questions relatives aux conditions de travail, notamment au stress, …
M. Jean-Claude Danglot. Alors c'est encore plus grave !
M. Éric Besson, ministre. … eu égard aux drames individuels que avez rappelés à juste titre et que nous suivons tous avec beaucoup d'attention.
La Poste respecte, ensuite, ses engagements envers ses clients. Elle continue à moderniser ses bureaux de poste et à améliorer la qualité de service, par exemple en réduisant les files d'attente.
La Poste respecte, enfin, ses engagements envers les territoires. Le Sénat est très vigilant à juste raison sur ce point. Les 170 millions d'euros que l'État apporte dans le cadre du prochain contrat de présence postale territoriale vont contribuer à cette mission.
Monsieur le sénateur, nous sommes tous très attachés au service public postal. Le Gouvernement et la majorité entendent donner à La Poste les moyens de son développement et de sa modernisation.
(Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Alors, tout va bien…
M. Guy Fischer. Ce n'est pas ce qui se passe !
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