M. Roland Courteau. Monsieur le Premier ministre, combien de familles, souvent avec enfants, vivent aujourd'hui dans la rue, sous des tentes, sous les bretelles des périphériques ? Combien de familles expulsées de leur logement ? Combien de Français sous le seuil de pauvreté ? Combien de mal-logés, alors que tant de logements sont vacants ?
Les réponses tombent comme des sentences : 8 millions de pauvres, 30 % des Français qui renoncent à se soigner pour des raisons financières, 3 millions de personnes vivant dans la précarité énergétique, 110 000 ménages expulsés de leur logement, 4 millions de mal-logés et des dizaines de milliers de personnes qui attendent l'application de la loi DALO, la loi instituant le droit au logement opposable. Et puis, l'inacceptable, l'intolérable : 140 000 sans-abri, dont des enfants, littéralement jetés à la rue !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Eh oui !
M. Roland Courteau. Qui, pourtant, avait promis, en 2007,…
M. Didier Boulaud. Oui, qui ?
M. Roland Courteau. … que personne, désormais, ne devrait être contraint de vivre dans la rue ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah, 2007, c'est loin !
M. Roland Courteau. « Vivre à la rue est une torture, mais y laisser les gens, c'est une atteinte aux droits de l'homme ! » Une telle situation est indigne d'un pays comme la France !
« La crise, la crise ! » osera-t-on nous dire… Mais la crise ne frappe pas tout le monde de la même façon ! Les revenus fonciers sont passés de 16 milliards à 25 milliards d'euros en cinq ans. Les revenus des 10 % des Français les plus riches sont en hausse alors que ceux des 10 % les plus pauvres sont en baisse. Autrement dit, les inégalités ne cessent de se creuser.
M. François Rebsamen. Eh oui !
M. Roland Courteau. Certes, vous venez de ponctionner les catégories aisées à hauteur de 200 millions d'euros.
M. Jean-Louis Carrère. Une aumône !
M. Roland Courteau. Mais, dans le même temps, vous avez allégé l'impôt sur la fortune de 2 milliards d'euros… Singulière équité !
M. Jean-Louis Carrère. Un scandale !
M. Roland Courteau. L'hébergement d'urgence est malade des coupes budgétaires réalisées par le Gouvernement. Au SAMU social, les demandes sont en hausse constante. Du coup, M. Xavier Emmanuelli a démissionné, et avec fracas.
Triste bilan, terrible gâchis !
Monsieur le Premier ministre, allez-vous donc enfin reconnaître le caractère injuste de votre politique et réagir en conséquence ?
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. François Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le sénateur, dans votre analyse, quelque peu parcellaire et rapide (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.), même si cela ne change rien à la réalité des chiffres, vous oubliez malheureusement un point essentiel :...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Donneur de leçon !
M. Jean-Louis Carrère. Nous, on n'est pas des surdoués !
M. François Baroin, ministre. ... la France est le pays qui a le modèle social de redistribution le plus protecteur et le plus généreux du monde.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est de moins en moins vrai !
M. François Baroin, ministre. Ce n'est pas le Gouvernement qui le dit, ce sont les chiffres de l'INSEE qui le montrent : le transfert de richesses des 20 % des revenus les plus hauts vers les 20 % des plus fragiles d'entre nous est très important.
Cette redistribution est élevée. (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP.) Mais vous commettez toujours la même erreur de jugement, préférant vous laisser aller à la facilité, refusant de reconnaître ce qu'est la réalité de l'État-providence à la française, de notre modèle de redistribution.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous jetez les pauvres à la rue !
M. François Baroin, ministre. C'est si vrai que, malgré la crise mondiale, la plus violente depuis 1929, malgré l'effondrement des recettes auquel l'État est confronté - 40 milliards d'euros en moins par rapport à ce que rapportait l'ancienne taxe professionnelle ! - le Gouvernement a choisi de faire jouer les amortisseurs sociaux, de les laisser développer leurs effets : il a accepté l'effondrement des recettes et n'a pas augmenté les impôts. Ce sont nos amortisseurs sociaux,...
M. Jean-Marc Todeschini. Lesquels ?
M. François Baroin, ministre. ... aussi bien ceux de l'État que ceux qui relèvent des systèmes de solidarité dont le Gouvernement n'a pas la maîtrise,...
M. Didier Boulaud. Ce sont les pauvres, vos amortisseurs !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et M. Wauquiez nous a expliqué qu'il fallait les mettre à la rue !
M. François Baroin, ministre. ... bref les amortisseurs sociaux de la France qui nous ont permis d'enregistrer une récession deux fois moins importante que l'Allemagne, de sortir plus vite de la crise et d'avoir retrouvé le chemin de la croissance économique, même si ce fut pour un temps trop bref, du fait du ralentissement de l'économie américaine et de l'instabilité de la zone euro.
Mesdames, messieurs, en critiquant le Gouvernement sur cette question, vous niez le pacte républicain
(Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)...
M. Didier Boulaud. Vous avez oublié ce que vous nous disiez il y a quinze ans !
M. François Baroin, ministre. ... que, à gauche comme à droite, dans le cadre de nos responsabilités respectives, nous nous sommes efforcés de préserver.
(Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Vous pouvez vous lancer dans des diatribes sur des tréteaux, mais vous ne pouvez pas, devant la représentation nationale, devant la Haute Assemblée, contester le modèle social français de redistribution qui est le plus protecteur, qui a fait ses preuves et que nous préservons.
(Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
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