Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le ministre chargé de l'industrie, le Gouvernement se dit très mobilisé sur le dossier de la Fonderie du Poitou Aluminium. Vous avez d'ailleurs déclaré : « Nous n'accepterons aucun laisser-faire de la part de Renault, et aucun chantage de la part du groupe Montupet. »
Les salariés ne sont pas prêts à s'accommoder de phrases ; ils veulent des actes concrets. D'autant que les informations qui leur sont parvenues laissent entendre qu'une délocalisation vers la Bulgarie des fabrications de culasses, aujourd'hui réalisées à Ingrandes sur Vienne, serait en cours, avec l'aval de Renault. Près de 3 millions d'euros d'argent public, remis sans contrôle, auraient-ils servi à développer le site bulgare ?
En dix ans, 500 000 emplois industriels ont été perdus dans notre pays et, dans le même temps, la part de l'industrie dans le produit intérieur brut fondait de 24 % à 18 %. N'est-ce pas là qu'il faudrait faire porter l'effort d'une construction européenne plus efficace ?
Votre responsabilité est primordiale. Renault est le principal donneur d'ordres de la Fonderie du Poitou Aluminium, qui réalise 85 % de sa production pour le constructeur. Or l'État détient 15 % des parts de Renault.
Le maintien de l'activité sur ce site est d'intérêt national : seuls 34 % des pièces d'une voiture Renault sont fabriquées en France. Délocaliser la fabrication des culasses creuserait encore un peu plus le déficit de notre balance commerciale.
Plusieurs parlementaires locaux vous ont interpellé sur ce dossier et des élus se sont mobilisés pour sauver cette entreprise. Les salariés, qui ont refusé de voir leurs salaires baisser de 25 % en moyenne, ont montré leur sens des responsabilités. Mais il aura fallu sept semaines de grève pour que se profile l'abandon de ce plan indécent.
Aujourd'hui, les salariés proposent un protocole d'accord. Le responsable de la CGT de la Vienne exprime clairement leur attente : « On veut bosser, on veut sortir des culasses, on souhaite que ce soit avec Renault ! »
La Fonderie du Poitou Aluminium est emblématique de notre savoir-faire national. La France doit reconquérir ses lettres de noblesse dans le secteur industriel.
M. Alain Gournac. La question !
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le ministre, vous avez la possibilité d'enrayer le processus de désindustrialisation. Le site d'Ingrandes sur Vienne peut être sauvé, si Renault en assure la reprise. Le Gouvernement doit intervenir de toute urgence pour assurer la pérennité du site.
(Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Éric Besson, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique. Madame la sénatrice, comme vous nous y invitez fort justement, en la matière, nous passons des paroles aux actes.
Ce matin, sur l'initiative de l'ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, j'ai reçu une large délégation composée d'élus locaux de toutes sensibilités politiques et de représentants des syndicats - je salue ici leur sens des responsabilités - afin de faire le point sur ce dossier.
Je leur ai confirmé ce que j'avais déclaré d'emblée, à savoir que le plan de compétitivité qui a été présenté par le groupe Montupet en juillet dernier n'est acceptable ni sur le fond ni sur la forme.
Je leur ai aussi confirmé que, avec Xavier Bertrand, nous avions décidé d'engager la mise en place d'une médiation dès la réouverture du site, à la fin de la période des congés.
Avant d'en venir aux décisions qui ont été prises ce matin, permettez-moi de rappeler les faits.
Le 20 octobre dernier, le tribunal de commerce de Nanterre a décidé la mise en redressement judiciaire du site afin d'assurer la poursuite de l'activité. Une administratrice judiciaire a été désignée et elle se mobilise pour permettre au plus vite la reprise de la production. Son travail a été salué, ce matin, par tous les délégués.
Afin de redonner un avenir industriel à la Fonderie du Poitou Aluminium, nous avons annoncé ce matin un plan d'action précis.
Tout d'abord, en ce qui concerne l'aspect industriel et la compétitivité, nous avons demandé qu'un audit industriel du site soit réalisé dans un délai extrêmement court - dix jours -, qui a commencé à courir lundi.
Ensuite, nous avons demandé au Comité interministériel de restructuration industriel, le CIRI, de rechercher pour la Fonderie du Poitou un repreneur solide, présentant un vrai projet industriel. À ma demande, le Fonds de modernisation des équipementiers automobiles étudiera, avec le CIRI, la constitution d'un nouveau tour de table.
Enfin et surtout, Renault, par la voix de son président-directeur général, s'est engagé cette nuit même - M. Carlos Ghosn se trouvait en effet au Japon et nous avons négocié par téléphone - à maintenir ses approvisionnements à la Fonderie du Poitou, ce qui assurera un plan de charge au candidat à la reprise du site. Ce matin, tous les élus et les syndicats ont salué cette bonne nouvelle.
M. Jean-Louis Carrère. C'est comme pour l'immigration : tout se passe la nuit !
M. Éric Besson, ministre. Ce plan d'action démontre une fois encore la détermination du Gouvernement de protéger les emplois industriels. L'État, vous l'avez rappelé, madame, est actionnaire de Renault et il a soutenu l'entreprise pendant la crise. L'engagement pris aujourd'hui par Renault montre que le constructeur assume ses responsabilités à l'égard de la filière automobile. C'est vrai pour ce dossier mais aussi pour d'autres, que je n'ai en cet instant le temps d'évoquer.
(Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur plusieurs travées de l'UCR.)
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