M. Jean Bizet. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et a trait au Conseil européen. Par son thème, elle se rapproche de celle que vient de poser notre collègue Jean-Pierre Chevènement, mais vous comprendrez que mon analyse soit totalement différente de la sienne.
Monsieur le ministre, nous avons suivi ce sommet avec beaucoup d'attention, remarqué l'implication forte du Président de la République, et donc de la France, et noté avec intérêt que, au travers du mandat confié par le Bundestag à la Chancelière, l'Allemagne a imposé rigueur et discipline budgétaire aux États membres qui seraient éventuellement tentés par la facilité ou la démagogie.
(Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.)
Parallèlement, la France complétera cette orientation par la mise en œuvre d'une gouvernance économique de la zone euro. Entre parenthèses, cela fait pratiquement deux ans que la France demande précisément à l'Allemagne cette gouvernance économique de la zone euro, ce qui suppose nécessairement une convergence des politiques économiques, fiscales et sociales des principaux États membres.
Si la rigueur s'impose aux États, l'Union européenne, par une politique de relance, doit favoriser la croissance.
Ma question est donc triple.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous donner quelques précisions sur les potentialités de démultiplication du Fonds européen de stabilité financière ?
Ensuite, dans l'hypothèse où la Chine participerait à ce mécanisme, celui-ci serait-il accompagné de toutes les clés de sécurité nécessaires pour éviter de fragiliser nos économies nationales ? Il est bien évident que, même si la Chine est aujourd'hui le premier partenaire commercial de l'Union européenne, même si l'euro est la deuxième monnaie de réserve de la Chine, il faut nécessairement mettre en place des clés de sécurité. J'aimerais obtenir quelques précisions sur ce point.
Enfin, la France, pour combattre la récession économique européenne latente, est-elle prête à inciter l'Union européenne à s'engager dans une politique de relance au travers des trois réseaux transeuropéens que sont les transports, l'énergie ou les télécommunications ? Cela aurait au moins un triple mérite : créer des emplois ; instituer un lien entre différents États membres ; enfin, donner un nouveau souffle à ce continent.
(Applaudissements sur les travées de l'UMP ainsi que sur plusieurs travées de l'UCR.)
M. François Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le sénateur, vous avez eu raison de rappeler que la France a été, depuis maintenant plus de dix mois, aux avant-postes de la discussion autour des questions de la stabilité de la zone euro.
C'est en effet la France, par la voix du Président de la République, qui a, la première, proposé un mécanisme susceptible d'éviter la contagion. Je le rappelle, c'est la France qui avait suggéré à l'époque la création d'un fonds d'un montant équivalent à 1 000 milliards d'euros, permettant d'avoir un effet dissuasif et de constituer un pare-feu : nous y sommes !
C'est la France qui a souhaité engager le débat autour des leçons à tirer de ces crises à répétition, insupportables sur la forme et inacceptables au regard de leurs conséquences économiques. Nous avançons désormais dans ce sens, comme l'a fort opportunément rappelé le Premier ministre. C'est effectivement une nouvelle étape qui se dessine à travers les perspectives d'intégration budgétaire, économique, après que cette zone monétaire s'est mise en place, certes, mais d'une façon qui n'était pas optimale. D'une certaine manière, nous renouons avec l'ordre normal des choses, mais cela se fait au prix de crises et d'un certain nombre de souffrances, au prix aussi de longues heures de négociation.
C'est également la France qui, là encore par la voix du Président de la République, a insisté sur le risque majeur que pouvait représenter un événement de crédit, c'est-à-dire une faillite de la Grèce. Or, comme l'a aussi rappelé le Premier ministre, beaucoup d'États membres de la zone euro étaient réservés, estimant qu'il fallait en finir. Cette idée extraordinairement dangereuse a été analysée par les responsables français comme étant un « Lehman Brothers à la puissance 10 », dans la mesure où il s'agissait d'un État. Heureusement, c'est finalement la position française qui a emporté la décision.
J'ajoute que, contrairement aux idées développées ici ou là dans la presse, la France et l'Allemagne ont été, non pas face à face, mais côte à côte pendant une nuit de négociations, qui a permis d'aboutir à un accord.
Si des étapes doivent encore être franchies, cet accord offre néanmoins des garanties de protection, de continuité d'action et de solidarité à l'égard de la Grèce - qui devra poursuivre ses efforts -, tout en préservant la stabilité de la zone à travers la modification du traité et la gouvernance économique.
Vous m'interrogez, monsieur Bizet, sur les modalités d'intervention du Fonds européen de stabilité financière.
Nous disposerons de deux outils à fort effet de levier.
L'un consistera en une forme de garantie - je n'entre pas dans le détail technique -, permettant à des investisseurs étrangers à la zone de poursuivre l'accompagnement et le soutien à l'activité économique.
Par ailleurs, un véhicule destiné à accueillir des fonds privés et publics à l'intérieur de ce Fonds européen sera un moyen à la fois d'associer des partenaires extérieurs à la zone euro qui seraient éventuellement suspectés de spéculer sur les difficultés de tel État de la zone euro, afin qu'ils deviennent des acteurs de la stabilité de la zone, et de fournir un puissant effet de levier.
Tout cela signifie bien que nous allons dans la bonne direction.
(Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
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