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Jean-Luc Fichet
Question d'actualité au gouvernement N° 705 au Ministère de l'agriculture


Agriculture

Question soumise le 28 octobre 2011

M. Jean-Luc Fichet. Monsieur le Premier ministre, je souhaiterais obtenir des éclaircissements concernant ce qui a motivé le décret qui vient de modifier les règles d'épandage sur les terres agricoles.

Sous couvert de mise en conformité avec la législation européenne, vous modifiez la ligne fixée par l'ensemble des partenaires qui travaillent aujourd'hui à améliorer les pratiques agricoles en vue de les rendre plus respectueuses de l'environnement.

En augmentant la quantité d'azote susceptible d'être épandue à l'hectare cultivable, vous apportez une mauvaise réponse aux problèmes de la pollution de l'eau et des algues vertes.

Dans leur majorité, les agriculteurs et les éleveurs ont compris qu'ils ne pouvaient plus ignorer les enjeux écologiques. Ils sont animés par une volonté forte : restaurer, aux yeux de la population, l'image de l'agriculteur garant de notre alimentation, respectueux de la terre, de l'air et de l'eau.

La région Bretagne a voulu les accompagner en engageant un véritable dialogue avec tous les acteurs de la filière, lequel a débouché sur le programme de la nouvelle alliance agricole.

Et voilà que, au beau milieu de ces travaux, un décret vient permettre d'augmenter les quantités d'azote à l'hectare !

M. Ronan Kerdraon. Eh oui !

M. Jean-Luc Fichet. Quel mauvais génie a pu inspirer le Gouvernement pour prendre une telle mesure ? Pourquoi vouloir toujours enfermer les agriculteurs dans des pratiques intensives ?

Ce décret dégrade leur image aux yeux de l'opinion publique. De plus, il exaspère l'Europe, qui nous désigne déjà comme un mauvais élève.

D'ailleurs, même dans vos rangs, Mme Keller…

M. Roger Karoutchi. Qu'as-tu encore fait ?
(Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Luc Fichet. … souligne dans Le Monde d'hier combien nous sommes en retard sur des dossiers comme celui de la qualité de l'eau, pour n'en citer qu'un. Nous sommes à peu près certains, précise-t-elle, d'être condamnés par la Cour de justice de l'Union européenne.

Ce décret va à l'encontre de toutes les politiques de l'eau menées depuis des décennies et risque d'augmenter encore la facture d'eau des consommateurs.

Si je m'adresse à vous, monsieur le Premier ministre, c'est aussi parce que vous êtes allé sur place constater le véritable fléau que constituent les marées vertes.

M. Jean-Louis Carrère. C'est parce qu'il aime les sangliers !
(Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. Jean-Luc Fichet. Vous avez pris des engagements, et les efforts conjugués de tous commencent à payer : en 2011, on a compté 8 000 tonnes d'algues vertes en moins par rapport à 2010.

Face à ce constat, nous attendions de votre part des mesures de soutien aux collectivités locales qui paient cette pollution très cher. Personne ne comprend le sens de ce décret qui discrédite la France en même temps que le Gouvernement, et qui porte un coup terrible aux agriculteurs.

Monsieur le Premier ministre, expliquez-nous donc cette décision. Comment poursuivre notre action si votre main droite continue d'ignorer ce que votre main gauche fait de bien ?
(Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Réponse émise le 28 octobre 2011

M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire. Monsieur le sénateur, nous sommes, autant que vous, déterminés à lutter contre la prolifération des algues vertes en Bretagne, en particulier dans un certain nombre de bassins versants.

Sous l'autorité du Premier ministre, avec Nathalie Kosciusko-Morizet, nous avons mis en œuvre en 2010 un plan d'action doté de 135 millions d'euros pour lutter contre ce phénomène, non seulement par le ramassage mais aussi par des actions de prévention.

Ce plan comporte des mesures très strictes à l'égard des agriculteurs qui, comme vous le soulignez à très juste titre, veulent lutter de la manière la plus résolue contre des pratiques intensives qui, désormais, n'ont plus lieu d'être. Les zones d'épandage sont limitées et les quantités d'azote rejetées par les différentes exploitations d'élevage sont strictement contrôlées.

Je souligne que les agriculteurs jouent parfaitement le jeu. D'ailleurs, si tel n'était pas le cas, nous n'aurions pas enregistré au cours de la dernière décennie une baisse des taux de nitrates, qui atteint par exemple 18 % dans la baie de Lannion.

Récemment encore, nous y avons ajouté de nouvelles mesures, notamment dans le cadre des chartes territoriales pour les baies de Saint-Brieuc et de Lannion, qui visent à développer une agriculture plus biologique, des élevages à l'herbe : autant de pratiques qui permettront de limiter les rejets d'azote.

Ainsi, vous le voyez, sur ce sujet, notre détermination est sans faille.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Après avoir poussé à l'agriculture intensive !

M. Bruno Le Maire, ministre. Nous gagnerons la bataille contre les algues vertes en Bretagne, et nous fonderons un nouveau modèle d'agriculture en Bretagne.

M. Jean-Louis Carrère. Quand ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur le sénateur, pour ce qui concerne le décret auquel vous faites plus précisément référence, si vous le permettez, je reprendrai à l'encontre de votre analyse la critique que vous avez formulée : il ne faut pas en voir, en quelque sorte, la partie droite et en oublier la partie gauche.

Car ce décret fixe des obligations beaucoup plus strictes en matière de calcul des rejets d'azote par les élevages, obligations qui sont rigoureusement conformes aux normes européennes.

Pendant plusieurs années, la France a défendu une sorte d'« exception culturelle » qui n'était pas nécessairement très positive et qui revenait à considérer que, dans un bâtiment d'élevage, chaque vache rejetait 85 kilogrammes d'azote par an.

M. Jean-Louis Carrère. C'est du Chirac !
(Sourires sur de nombreuses travées.)

M. Bruno Le Maire, ministre. Cette règle avait sans doute des effets favorables à la France au regard de la politique agricole commune, mais elle était défavorable à l'environnement.

Nous avons accepté de réviser ce mode de calcul et de reconnaître que certaines vaches rejetaient jusqu'à 100, 110 ou 120 kilogrammes d'azote par an dans l'atmosphère. Cela implique évidemment des contrôles plus rigoureux et plus efficaces. Ce décret va donc également dans le sens de la protection de l'environnement en Bretagne !
(Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)

M. Gérard Larcher. Très bien !

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