M. Philippe Dallier. Ma question s'adresse à Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.
M. Roland du Luart. Excellent ministre !
M. Philippe Dallier. La fraude fiscale et la fraude sociale sont malheureusement des réalités dont il est difficile, par définition, de mesurer l'ampleur.
Cependant, on peut penser que leur montant représente plusieurs dizaines de milliards d'euros par an : une vingtaine de milliards d'euros pour la fraude sociale et, selon les estimations du Conseil des prélèvements obligatoires, entre 30 milliards et 40 milliards d'euros pour la fraude fiscale de toute nature, qu'elle concerne l'impôt sur le revenu, l'impôt sur le patrimoine, la TVA, l'impôt sur les sociétés…
(Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. Jean-Louis Carrère. Que n'avez-vous lutté contre !
M. Philippe Dallier. Sur le constat, tout le monde est à peu près d'accord, mais lorsqu'il s'agit de définir les moyens à mettre en œuvre pour lutter contre les fraudeurs, certains poussent des cris d'orfraie, n'hésitant pas à accuser le Gouvernement de stigmatiser telle ou telle catégorie de professionnels ou de redevables. (Protestations sur les mêmes travées.) Vous en faites une fois de plus la démonstration, mes chers collègues !
Pourtant, nous savons tous que nos compatriotes sont excédés par ces comportements inciviques, qu'ils supportent d'autant moins que la période actuelle impose à chacun des efforts en vue du rétablissement de nos comptes publics.
M. Didier Boulaud. À Mme Bettencourt ?
M. Philippe Dallier. Quelle que soit leur situation, il n'y a pas de fraudeurs excusables ; grands ou petits (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'esclaffe.), particuliers ou entreprises, il n'y a que des fraudeurs qu'il s'agit de débusquer, par toutes les voies disponibles : accords internationaux, arsenal législatif, moyens humains et informatiques.
Depuis quatre ans, l'engagement du Gouvernement s'est traduit par la mise en place de plus de soixante mesures nouvelles.
M. Jean-Jacques Mirassou. Et les privilégiés ?
M. Philippe Dallier. Parmi celles-ci, madame la ministre, vingt-trois concernent particulièrement votre ministère, dotant l'administration de moyens inédits et plus efficaces pour lutter contre la fraude et l'évasion fiscales.
(Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
De même, la coopération entre les services de l'État a été renforcée, à la fois par des croisements de fichiers, enfin rendus possibles techniquement et juridiquement, et par des actions communes menées sur le terrain par les différents services.
M. Jean-Louis Carrère. La question !
M. Philippe Dallier. Par ailleurs, nous ne pouvons, même s'il reste du chemin à parcourir, que saluer l'action menée contre les paradis fiscaux (Exclamations ironiques sur les mêmes travées.), notamment grâce à l'adoption, dans le cadre du G20, d'un paquet de mesures de rétorsion applicables aux opérations économiques avec les États et territoires non coopératifs.
M. Michel Vergoz. C'est trop…
M. Philippe Dallier. Madame la ministre, vous avez présenté ce matin le bilan de votre action en matière de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales. Pouvez-vous nous dire plus précisément quels en sont les résultats, et nous indiquer quelles mesures sont envisagées pour aller encore plus loin dans la lutte contre l'évasion fiscale et la fraude internationale ?
(Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, votre question me permet de répondre aussi à M. Mirassou. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Frauder, c'est voler ! Le Gouvernement est tout aussi implacable avec la fraude fiscale qu'avec la fraude sociale.
(Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC. - Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. David Assouline. Ce n'est pas vrai !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Depuis 2007, nous avons considérablement resserré l'étau des contrôles contre les gros fraudeurs, qu'il s'agisse de particuliers ou d'entreprises, car la fraude fragilise notre modèle républicain.
Les résultats sont là, mesdames, messieurs les sénateurs.
M. Jean-Louis Carrère. Où çà ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. En 2010, nous avons récupéré 16 milliards d'euros de droits, monsieur Carrère, soit 1 milliard de plus qu'en 2009.
M. Jean-Louis Carrère. En Suisse ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. La fameuse liste, issue de la banque HSBC, de 3 000 Français détenteurs d'un compte en Suisse...
M. Jean-Louis Carrère. C'est de la poudre aux yeux !
Mme Valérie Pécresse, ministre. ... a d'ores et déjà permis de déclencher 800 contrôles fiscaux, dont 300 sont terminés, et de récupérer ainsi 160 millions d'euros de droits à ce jour.
(Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Répondez à M. Dallier !
Mme Valérie Pécresse, ministre. La cellule de régularisation que nous avons mise en place pendant six mois, en 2009, a permis de régulariser 7 milliards d'euros d'avoirs, pour 1,2 milliard d'euros de droits payés.
Le nombre de comptes à l'étranger déclarés par les Français est passé de 25 000 en 2007 à 75 000 en 2010.
M. François Marc. Cela fait tout de même beaucoup !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Monsieur Dallier, les brigades du fisc, qui travaillent désormais avec la police dans les quartiers afin de lutter contre l'économie souterraine, ont d'ores et déjà lancé 2 300 contrôles. Ils agissent, bien évidemment, en se fondant sur l'observation du train de vie des délinquants, dont ils saisissent les biens. Nous pouvons même, désormais, vendre ceux-ci sur le champ.
Jamais un gouvernement n'avait autant fait contre la fraude fiscale ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. -Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.) Les résultats obtenus se chiffrent non pas en millions, mais en milliards !
Nous irons encore plus loin avec le fichier des évadés fiscaux, EVAFISC, qui sera alimenté par des informations provenant de nos banques.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous l'avez déjà dit voilà trois ans...
M. Jean-Louis Carrère. Nous ne vous croyons plus !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Ce fichier est déjà riche de 95 000 informations, monsieur Carrère !
Nous allons en outre renforcer les pouvoirs de la police fiscale et faire passer à dix ans le délai de prescription en matière de non-déclaration de comptes détenus à l'étranger.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)
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