M. Jean-Louis Carrère. Depuis maintenant trois ans, les sommets européens succèdent aux sommets européens. Les conférences de presse du Président de la République se suivent et, parfois, se contredisent. Au mois de mars dernier, il y avait « enfin un gouvernement économique de l'Europe ». Au mois de mai, « les spéculateurs en [étaient] désormais pour leurs frais ». Aux mois de juillet, août et octobre, « toutes les mesures nécessaires pour préserver la stabilité de la zone euro [étaient] prises »…
Et pendant ce temps-là, comme dit la chanson, les places financières, indifférentes aux annonces, voient la spéculation se poursuivre sous l'impulsion des agences de notation, aux oracles largement médiatisés.
Et pendant ce temps-là, l'Europe s'enfonce lentement mais sûrement dans la crise, voire dans la récession, avec une croissance annoncée en chute libre et un chômage de masse qui, lui, poursuit son essor.
Pour complaire aux agences de notation, les mesures d'austérité s'accumulent dans notre pays, afin, si nous avons bien compris, de préserver le triple A, « notre trésor national », comme l'avaient déclaré un conseiller du Président de la République, M. Alain Minc, M. le Premier Ministre et M. le Président de la République lui-même.
Or, au début de la semaine, nous découvrons dans un grand quotidien du soir que, selon M. le Président de la République, qui n'est pas à une incohérence près, après tout, ce ne serait pas si grave si la notation de notre pays était dégradée.
(Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, M. Alain Gournac et M. Philippe Dallier s'exclament.)
M. Roland Courteau. Il l'a dit !
M. Jean-Louis Carrère. Devant ces déclarations totalement contradictoires émises en si peu de temps par le Président de la République, doit-on croire le Président de cette semaine, celui de la semaine dernière ou celui du mois dernier ?
(Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac. Hollande, c'est pire !
M. Jean-Louis Carrère. Monsieur le ministre de l'économie, le triple A est-il, oui ou non, un enjeu capital ? Est-ce un trésor national ? Disposez-vous d'informations particulières donnant à penser que la France pourrait, hélas ! perdre son triple A ?
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Demandez au capitaine de pédalo !
M. Alain Gournac. Oui, qu'en pense-t-il, lui ?
M. François Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le sénateur, vous faites de la politique. Je pourrais, si je le voulais, répondre point par point aux incohérences qui sont les vôtres depuis les primaires socialistes.
M. Alain Néri. Ce n'est pas la question !
M. Alain Gournac. La question est nulle !
M. François Baroin, ministre. Je ne le ferai pas : ce n'est pas le lieu ; pour cela, d'autres tribunes seront plus appropriées.
Aujourd'hui, le problème, ce n'est pas le regard que portent les agences de notation sur la solidité de tel ou tel placement, c'est bien plutôt un endettement public excessif.
M. Alain Néri. Cela fait dix ans que vous êtes là !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Le problème, c'est la droite !
M. François Baroin, ministre. L'ensemble des pays de la zone euro doivent réduire leurs déficits : c'était déjà vrai sous le gouvernement socialiste de M. Zapatero, cela l'est encore sous le gouvernement de droite de M. Rajoy ; c'est vrai au Portugal, en Irlande, en Allemagne et dans tous les pays de la zone euro dotés du triple A.
Nous avons défini une stratégie.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous vous y prenez très mal !
M. François Baroin, ministre. Celle-ci prévoit d'abord des réformes structurelles : la réforme des retraites, contre laquelle vous vous êtes prononcés, la révision générale des politiques publiques, qui est source d'économies,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Parlons-en !
M. David Assouline. Ça ne marche pas !
M. François Baroin, ministre. ... l'effacement progressif d'un certain nombre de niches fiscales et sociales. Cette stratégie intègre en outre la préservation de notre modèle économique redistributif, pour assurer la solidarité à l'égard des plus fragiles, mais aussi des mesures en faveur du moteur de l'économie, à savoir la consommation, et donc le maintien du pouvoir d'achat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pour les plus riches !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. On va redistribuer vers les riches !
M. François Baroin, ministre. Quoi qu'il arrive, c'est cette stratégie qui sera poursuivie, car c'est la seule qui vaille : elle seule nous permet d'être au rendez-vous des engagements que nous avons pris vis-à-vis de nos partenaires européens.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Sortez de vos palais !
M. François Baroin, ministre. Surtout, c'est elle qui permet de garantir la souveraineté nationale, l'indépendance des choix et des politiques en matière économique, budgétaire et fiscale.
Pour autant, nous devons œuvrer tous ensemble. Malheureusement, quand je dis « tous ensemble », je ne peux vous compter avec nous,...
M. Alain Gournac. C'est sûr !
M. François Baroin, ministre. ...en tout cas pas tout de suite, puisque vous refusez la règle d'or. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.) Je parle en fait de tous les gouvernements de la zone euro qui, quelle que soit leur sensibilité, se sont accordés sur quelques idées simples.
M. Jean-Louis Carrère. Et qu'en est-il du triple A ?
M. David Assouline. Vous n'avez pas répondu à la question !
M. François Baroin, ministre. Premièrement, il faut une convergence économique, budgétaire, fiscale, il faut un gouvernement économique. Cela suppose plus de sanctions et plus de responsabilité collective.
M. Jean-Louis Carrère. Ce n'est pas la question !
M. François Baroin, ministre. Deuxièmement, il faut plus de solidarité.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah ! Ah ! Ah !
(Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
M. François Baroin, ministre. C'est pourquoi a été lancée l'idée d'avancer le calendrier sur le mécanisme européen de solidarité.
(Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Troisièmement, les éléments de l'accord intervenu vendredi dernier sont de nature à apporter les assurances nécessaires pour stabiliser les marchés.
Voilà pourquoi les messages des agences de notation sont des messages parmi d'autres. La question que posent les agences de notation est la suivante : l'investissement porté par un pays comme la France est-il durable et solide ? La réponse est oui. La France est un grand pays.
M. Alain Gournac. Oui !
Mme Bernadette Bourzai. Qu'en avez-vous fait ?
M. François Baroin, ministre. Elle a une économie diversifiée, un système bancaire parmi les plus résilients au monde, une main-d'œuvre qualifiée, un niveau d'épargne solide.
La stratégie que poursuit le Gouvernement est une garantie de stabilité dans la durée et la France continuera de jouer un rôle majeur dans la zone euro.
(Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)
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