M. Alain Fouché. Monsieur le ministre de l'économie, un accord européen a été trouvé entre les dix-sept États de la zone euro la semaine dernière lors du sommet de Bruxelles, excluant ainsi la Grande-Bretagne, qui est en train de quitter l'Europe en de nombreux domaines.
Le traité intergouvernemental prévu est une réponse à la très grave crise que traverse l'Europe. À cet égard, saluons ici la volonté de la France.
Les marchés attendent en priorité une vision de l'Europe, dans un environnement globalisé permettant, comme nous le proposons, les conditions « de rebond et de sortie de la crise ».
Le jour précédant ce sommet, la zone euro était sous tension du fait de la menace de l'agence de notation Standard & Poor's de réviser à la baisse la note de quinze pays, dont la France et l'Allemagne. Il s'agissait là d'un avertissement sévère et carrément exceptionnel, le premier adressé à toute la zone.
Si les agences de notation exaspèrent surtout du fait de leur puissance, l'explication se trouve dans leur histoire récente.
De petites structures ont été rachetées dans les années 1990-2000 par les trois plus importantes agences de notation, Fitch, Moody's et Standard & Poor's, lesquelles détiennent aujourd'hui 85 % du marché. C'est le signe que ces agences, qui font la pluie et le beau temps, ont une approche de l'économie et de la politique correspondant plus à la zone anglo-saxonne qu'au reste de l'Europe !
La directive européenne du 7 juin 2010 devrait conduire à une plus grande transparence des agences. En effet, les pratiques douteuses, voire les conflits d'intérêts se multipliaient, la spéculation des plus riches se faisant au détriment des plus faibles. Ces agences sont rémunérées par les émetteurs de titres qu'elles notent ! Il fut une époque où les notes étaient attribuées sans le consentement des émetteurs.
À quel point ces agences sont-elles fiables ?
Je ne remets pas en cause leur rôle de vigie du fonctionnement de nos États, mais force est de reconnaître qu'elles se sont lourdement trompées, notamment en 2008, puis encore voilà quelques semaines, lorsque Standard & Poor's a envoyé à ses abonnés un message indiquant la dégradation de la note française, alors qu'il en était rien.
Des idées circulent, monsieur le ministre, sur la manière de rendre ces organismes plus responsables en les exposant, par exemple, aux juridictions civiles.
L'idée circule également selon laquelle, sur le modèle du rôle dévolu à la Commission dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance, la création d'une agence de notation européenne renforcerait la concurrence, telle qu'elle existait il y a bien longtemps, lorsque les agences de notation étaient plus nombreuses et plus indépendantes des émetteurs de titres.
Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, ce que vous inspirent ces réflexions ?
(Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. François Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le sénateur, je vous remercie tout d'abord d'avoir mis en perspective l'important accord intervenu la semaine dernière entre les chefs d'État et de Gouvernement de la zone euro, lesquels ont entraîné dans leur sillage l'ensemble des pays de l'Union européenne, à l'exception singulière de la Grande-Bretagne, désormais solitaire ; l'histoire dira si elle s'est ainsi marginalisée.
Il est vrai que la Grande-Bretagne connaît une situation économique difficile, que son niveau de déficit est équivalent à celui de la Grèce, que son niveau d'endettement est égal au nôtre, que ses perspectives d'inflation sont très supérieures et que ses hypothèses de croissance sont très inférieures à l'évolution de la moyenne de la zone euro.
Le choix fait par le gouvernement britannique est donc très audacieux et nous aurions préféré qu'il se plaçât à l'intérieur de cet accord. Pour autant, nous n'avons pas voulu nous laisser arrêter par cette décision parce que la convergence, l'histoire de la construction économique européenne, la stabilité de la zone monétaire européenne nécessitaient de tirer les leçons des deux années de crise.
Vous m'interrogez sur les agences de notation, monsieur Fouché. À cet égard, je reste sur la ligne qui est la mienne depuis de nombreux mois. Je pense qu'il ne sert à rien de casser le thermomètre en se disant qu'ainsi nous n'aurons plus de fièvre. Bien sûr, les agences de notation ont une part de responsabilité « autocyclique » dans la crise en raison de leurs déclarations, de leur positionnement, du calendrier d'émission de leurs messages.
Toutefois, notre problème, c'est un niveau d'endettement trop élevé. En réponse, nous devons réduire notre endettement et les déficits, préserver la croissance convalescente, mettre en place une coordination européenne, ainsi qu'une convergence fiscale et budgétaire. Nous devons également instaurer des sanctions pour dissuader à l'avenir les gouvernements d'être trop laxistes. Tout cela, nous devons le faire en protégeant notre monnaie, afin de préserver le pouvoir d'achat des particuliers et l'activité économique de nos entreprises, qui s'inscrivent dans l'une des principales zones de création de richesses du monde.
Quel regard portons-nous sur le message des agences de notation ? Il ne s'agit que d'un message parmi d'autres. Comme nous l'avons toujours dit, ces agences ne sont pas l'alpha et l'oméga. Ce ne sont pas elles qui, au cours de ces deux dernières années, ont édicté la nécessité de réformer des retraites, de poursuivre la réforme des politiques publiques, de remettre en cause un certain nombre d'avantages fiscaux : c'est bien le niveau de notre dette qui a exigé tout cela. Ce ne sont pas Moody's, Standard & Poor's ou Fitch qui nous ont dit qu'il fallait réformer les retraites !
(Mme Nicole Bricq s'exclame.)
M. Michel Vergoz. Faux !
M. François Baroin, ministre. C'est parce qu'il fallait sauver notre modèle de retraite par répartition, garantir son financement et la solidarité entre les générations que le Président de la République et le Gouvernement ont procédé à cette réforme. Vous ne l'avez pas votée, mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale, et vous avez eu tort !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bla, bla, bla !
M. François Baroin, ministre. C'est dans ce même esprit que nous avons mis en œuvre la révision générale des politiques publiques. Pour convaincre les plus réticents d'entre vous, je vous rappelle que, lorsque ce dispositif a été lancé en 2007,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Depuis, vous n'avez cessé de creuser les déficits !
M. François Baroin, ministre. ... il n'y avait pas de crise. Au contraire, il y avait même un élan.
Nous avons donc bien une ligne directrice, une colonne vertébrale : nous devons réaliser des économies sur les sources essentielles de dépenses de l'État, de l'assurance maladie, des collectivités locales, et réduire les déficits tout en préservant le pouvoir d'achat. C'est cette ligne directrice qui sera, de toute façon, suivie par le Gouvernement.
(Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)
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