Mme Marie-France Beaufils attire l'attention de Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la situation de l'entreprise AEG Power Solutions installée à Chambray-lès-Tours depuis 40 ans.
Elle lui fait part de son inquiétude sur le projet de licenciements de 83 salariés et de son opposition à la disparition de 40 % de la production. Elle lui renouvelle également les craintes qu'elle avait évoquées il y a deux ans sur l'avenir du secteur Recherche et Développement pour cette entreprise. Elle lui rappelle que ces compétences locales ont permis au groupe de se repositionner dans les systèmes éco-responsables à partir de l'énergie solaire et éolienne et dans le domaine des télécoms qui disparaîtraient à terme. Elle lui rappelle que cette société innovante a bénéficié de sommes importantes au titre du crédit impôt recherche. Elle lui fait remarquer que les risques de délocalisation existent. Elle lui demande de tout mettre en oeuvre pour permettre à l'industrie d'être réellement le moteur de l'économie et que cette entreprise puisse continuer à jouer ce rôle dans sa région.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, AEG Power Solutions est un fournisseur mondial de systèmes, solutions et services d'alimentation en énergie haut de gamme. C'est un leader incontesté sur ce créneau.
Le comité stratégique des éco-industries avait pour but de mettre en œuvre un plan d'action pour ce type d'industrie. Vous nous direz peut-être, monsieur le secrétaire d'État, comment la nouvelle filière éco-industrie prendra en compte des situations comme celle que connaît l'entreprise AEG Power Solutions.
Vous avez reconnu dans notre région un pôle de compétitivité sciences et systèmes de l'énergie électrique, S2E2, qui devait avoir pour objectif de consolider et développer ces industries innovantes.
La France, avec ses salariés, est l'un des pays les plus productifs au monde. Malgré cela, elle a perdu 500 000 emplois industriels.
Ce n'est pas le coût du travail qui est en cause. Dans la seule industrie manufacturière, le coût du travail reste inférieur en France : 33,8 euros, contre 35 euros en Allemagne.
C'est l'économie financiarisée qui continue à faire ses dégâts. Installer son siège au Luxembourg, c'est ce qu'a choisi la holding du groupe AEG Power Solutions pour optimiser ses résultats financiers. Rien n'a vraiment changé depuis les annonces médiatiques sur la prétendue disparition de ces paradis fiscaux.
Les salariés d'AEG Power Solutions de Chambray-lès-Tours sont là pour le vérifier. Ils ont eu droit à une annonce plutôt cynique à la veille des fêtes de Noël : la suppression de 83 postes dans leur entreprise.
C'est inhumain !
Comment pourraient-ils admettre d'être renvoyés alors que, voilà peu, ils apprenaient que deux de leurs dirigeants partaient à la retraite avec près de 3 millions d'euros…
C'est foncièrement injuste !
Comment pourraient-ils supporter une telle mesure, alors que la société est en train de construire une entreprise du même type en Inde pour 200 salariés ?
C'est antiéconomique ! C'est contraire aux intérêts des salariés de notre pays et à notre développement économique !
Comment pourraient-ils se laisser abuser devant ce qui ressemble fort à une délocalisation ? Comment pourraient-ils croire ce que déclare le Président de la République lorsqu'il affirme : « Ce gouvernement fait de l'industrie sa priorité depuis trois ans et demi. » ?
L'objectif du groupe serait d'augmenter de 25 % son chiffre d'affaires et de multiplier par sept le résultat opérationnel. Faut-il obligatoirement, pour atteindre ces objectifs, sacrifier une grande partie du personnel du site de Chambray-lès-Tours ? La suppression de 37 % du personnel et de 40 % de la production sur ce site ne servirait ainsi qu'à financer les obligations, qui rapporteront 9,25 % à leurs porteurs, et à gaver les quelques actionnaires avides de résultats à deux chiffres.
Pourquoi le groupe embauche-t-il soixante-dix salariés dans son entreprise en Allemagne et en supprime-t-il autant ou plus sur le site tourangeau ? Les salariés viennent d'obtenir un premier résultat en conservant la Recherche et Développement sur le site de Chambray-lès-Tours et le maintien de dix ingénieurs et techniciens sur ce service. C'est un premier succès que l'on peut mettre à l'actif de l'esprit de responsabilité des élus du comité d'entreprise. Ce n'est que justice quand on sait que le crédit d'impôt recherche finance un cinquième de ces investissements, à hauteur de 455 000 euros en 2010 et 1,5 million d'euros sur cinq ans.
Plus d'innovation, c'est la stratégie annoncée par cette entreprise. Œuvrons pour que cette orientation puisse se faire en garantissant la production et l'emploi sur le site de Chambray-lès-Tours ! Je vous demande donc, monsieur le secrétaire d'État, comme vous l'avez affirmé récemment, de tout mettre en œuvre pour permettre à l'industrie d'être réellement le moteur de notre économie et que l'entreprise AEG Power Solutions puisse continuer à jouer ce rôle dans notre région avec ses professionnels. Elle est dans un de ces domaines énergétiques porteur d'avenir qui a besoin de se développer.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. Madame la sénatrice, la France n'a pas d'avenir sans une industrie forte, Éric Besson l'a rappelé, le Président de la République et le Gouvernement s'en soucient chaque jour dans l'action qu'ils mènent, tant en se battant pour les emplois dans notre industrie qu'en luttant contre les paradis fiscaux à l'échelon international. Je vous remercie de me donner l'occasion de rappeler que cela constitue un axe fort de la politique du Gouvernement, ce qui malheureusement n'a pas été le cas pendant de nombreuses années, et nous le payons cher aujourd'hui.
Comme vous l'avez évoqué, l'entreprise AEG Power solutions, qui appartient au fonds d'investissement Rippelwood, vient d'annoncer son intention de supprimer 83 emplois sur les 203 que compte son site de Chambray-lès-Tours.
Face aux pertes de l'activité « télécoms » de l'entreprise, qui évolue sur le marché très concurrentiel des équipements électriques, le groupe entend diversifier ses activités à Chambray-lès-Tours, dans le domaine des énergies solaires notamment.
Le développement d'activités dans les nouvelles technologies de l'énergie présente une réelle opportunité de rétablissement et de pérennité de l'activité. Le savoir-faire de l'entreprise dans les systèmes de conversion électrique correspond aux caractéristiques des systèmes photovoltaïques et aux besoins du marché solaire.
En soutenant ce choix stratégique d'une diversification sur les nouvelles technologies de l'énergie, l'État pourra accompagner le groupe et ainsi favoriser l'activité et l'emploi. C'est en particulier l'un des objectifs poursuivis dans le domaine du photovoltaïque, pour lequel la concertation en cours vise à faire émerger une véritable filière industrielle française.
Dans le domaine de l'éolien, l'appel d'offres qui sera lancé début mai 2011 pour 3 000 mégawatts de capacité offshore constitue aussi une opportunité de diversification et de développement pour des entreprises telles qu'AEG, avec, là encore, l'objectif de créer une filière d'excellence et de donner naissance à des champions nationaux.
Le crédit d'impôt recherche que vous avez cité – je vous remercie là aussi de rendre hommage à un axe politique fort du Gouvernement, qui, malgré la situation budgétaire, a décidé de soutenir l'innovation dans notre pays pour permettre à l'industrie de « s'en sortir » – constitue également un levier important de développement en France de l'activité de recherche et développement du groupe. Cette incitation publique, dont l'efficacité est désormais largement reconnue, pourrait, dans le domaine des énergies renouvelables, trouver un relais dès lors que l'entreprise participe à des projets collaboratifs visant la définition de produits différenciants, en s'appuyant sur le pôle de compétitivité sciences et systèmes de l'énergie électrique.
Sachez que nous restons mobilisés et que nous serons très attentifs à la situation de cette entreprise. De toute façon, si elle prend le virage des nouvelles technologies et est en cohérence avec les différents points évoqués précédemment, elle disposera des outils nécessaires pour installer une activité pérenne là où elle souffre d'une perte d'activité dans un secteur extrêmement concurrentiel.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. J'ai bien entendu votre réponse, monsieur le secrétaire d'État. Cette entreprise figure, en effet, parmi celles qui sont capables de réaliser cette reconversion, vous le reconnaissez vous-même. Vous savez comme moi que les onduleurs constituent le maillon vital de la production d'électricité à partir du rayonnement solaire en particulier, afin d'opérer la transformation indispensable pour que l'on puisse ensuite l'utiliser dans nos réseaux.
Donc l'onduleur est un outil positif, il commence d'ailleurs à produire des effets dans des installations. Notre collègue Alain Fouché, auteur de la question précédente, pourrait, me semble-t-il, en témoigner pour la Vienne.
Certes, monsieur le secrétaire d'État, l'entreprise concernée a toutes les possibilités pour se développer en France, mais l'outil mis en place avec le crédit d'impôt recherche, qui lui a permis de développer cette nouvelle compétence dans son domaine, l'aide non pas à renforcer sa présence en France, mais à augmenter ses capacités en Allemagne ou en Inde.
Monsieur le secrétaire d'État, en tant que membre du Gouvernement, pouvez-vous peser de tout votre poids pour que cette entreprise, qui bénéficie de fonds publics pour sa recherche, fasse l'effort de renforcer sa présence en France afin qu'une vraie filière française puisse être constituée ? Voilà le sens de ma demande.
J'ai bien entendu votre proposition, et je me permettrai, si vous en êtes d'accord, de prendre contact avec votre cabinet pour un échange plus long sur cette question afin de voir comment progresser dans ce domaine.
(M. le secrétaire d'État acquiesce.)
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