M. Hervé Maurey attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration sur la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage.
Cette loi a instauré l'obligation pour les communes de participer à l'accueil des gens du voyage dont l'habitat traditionnel est constitué de résidences mobiles. Le coût important de cet accueil, en termes d'investissement et d'entretien, est en grande partie supporté par les communes ou les communautés de communes, malgré les subventions versées par l'État. Ce coût est d'autant plus lourd que ces équipements sont très souvent détériorés par ceux à qui ils sont destinés.
Ces dispositions font donc supporter une charge importante aux communes alors que, par définition, les gens du voyage ne sont rattachés à aucun territoire communal spécifique. En toute évidence, cette question relève bien davantage de l'État que de la commune.
Aussi, il lui demande s'il ne serait pas souhaitable de modifier la législation en ce domaine, afin que l'État prenne en charge cette compétence et les dépenses qui en résultent.
M. Hervé Maurey. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ma question porte sur la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage.
Cette loi tente de concilier la liberté de circulation des quelque 150 000 personnes ayant en France un mode de vie itinérant avec la légitime préoccupation des élus locaux quant au respect des espaces publics et privés.
Aux termes de cette loi, les maires sont responsables de la mise en œuvre du schéma départemental d'accueil des gens du voyage et de la réalisation et de l'entretien des aires d'accueil, sauf s'ils ont fait le choix de transférer la compétence au niveau intercommunal.
Toutes les communes de plus de 5 000 habitants doivent ainsi avoir une aire d'accueil. Certaines communes de moins de 5 000 habitants sont également tenues par cette obligation dès lors qu'elles ont été identifiées par le schéma départemental.
Le législateur a donc fait le choix de confier cette lourde responsabilité aux communes, lesquelles doivent supporter le coût important de cet accueil en termes d'investissement et d'entretien, même si elles peuvent bénéficier de subventions de l'État. Le coût à la charge des communes est d'autant plus pesant que ces équipements font malheureusement l'objet de nombreuses et régulières dégradations. Pour répondre aux impératifs de sécurité, d'hygiène et de décence, les collectivités doivent donc régulièrement engager des travaux de remise en état.
Ces coûts sont d'autant plus difficiles à supporter et à justifier auprès des citoyens que le contexte budgétaire contraint oblige les élus à recourir à des arbitrages et, par là même, à renoncer à certains projets.
Au-delà de l'aspect financier, le fait d'imposer cette charge aux communes semble contraire au principe de subsidiarité : les gens du voyage étant par définition nomades, il ne me semble pas justifié de faire peser cette responsabilité sur les seules communes.
Régulièrement sollicité par les élus, j'ai, dès mon élection il y a un peu plus de deux ans, déposé une question écrite sur ce sujet. N'ayant eu de réponse ni à celle-ci ni à la relance effectuée le 14 mai 2009, j'ai déposé en juin 2009 une proposition de loi qui a notamment été cosignée par mon collègue Philippe Richert, devenu depuis ministre chargé des collectivités locales. Cette proposition de loi vise à réaffirmer la responsabilité de l'État dans le financement des aires d'accueil, leur installation et leur entretien. Je souhaiterais connaître la position du Gouvernement quant à cette proposition de loi dont l'objet est de rendre à l'État une compétence qui relève, à mon sens, pleinement de sa responsabilité.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer. Monsieur le sénateur, je vous prie d'excuser l'absence de M. Brice Hortefeux, qui m'a chargé de vous apporter la réponse du Gouvernement.
La loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage prévoit que les communes participent à l'accueil des personnes dont l'habitat traditionnel est constitué de résidences mobiles.
Toutes les communes qui figurent au schéma départemental d'accueil des gens du voyage, c'est-à-dire toutes celles de plus de 5 000 habitants et, le cas échéant, certaines communes de moins de 5 000 habitants, sont obligées de mettre à disposition des gens du voyage une ou plusieurs aires d'accueil aménagées et entretenues.
Les dépenses d'acquisition, d'aménagement et de fonctionnement de ces aires constituent des dépenses obligatoires pour les communes ou les établissements publics qui, selon le schéma départemental, doivent en assumer les charges.
Les communes inscrites au schéma départemental ont disposé d'un délai de deux ans à compter de la publication du schéma pour réaliser les investissements nécessaires et bénéficier d'une subvention de l'État à hauteur de 70 % de la dépense « subventionnable » pour les aires permanentes et au taux maximal de 100 % du montant des dépenses engagées dans les conditions requises, pour les aires de grands passages.
Le délai a été successivement reporté jusqu'au 31 décembre 2008. Les demandes de financement ont augmenté sensiblement à la veille de cette échéance.
Ces subventions ne sont naturellement pas exclusives d'autres sources de financement puisque la loi du 5 juillet 2000 précitée prévoit que la région, le département et les caisses d'allocations familiales peuvent accorder des subventions complémentaires pour la réalisation de ces aires d'accueil.
Selon les dernières données disponibles, le taux de réalisation des aires permanentes d'accueil s'établit, à la fin de l'année 2009, à 48 % des prévisions des schémas départementaux. Ainsi, au 31 décembre 2009, 19 936 places avaient été ouvertes dans 840 aires permanentes d'accueil. Ont été financées 67 % des places en aires d'accueil inscrites aux schémas, pour un montant total de 260 millions d'euros en investissement ; et 132 millions d'euros ont aussi été consacrés à l'entretien via une aide financière aux gestionnaires.
Par ailleurs, en raison de sa transversalité et de sa territorialité, la politique d'accueil et d'habitat des gens du voyage peut être mise en œuvre au niveau intercommunal. L'intercommunalité permet de mutualiser les coûts d'investissement et de fonctionnement. Les dispositions de l'article 2 de la loi de 2000 ont facilité le recours à cette possibilité puisque les communes figurant au schéma départemental d'accueil des gens du voyage ainsi que les communes où ces aires doivent être réalisées peuvent transférer à un EPCI à fiscalité propre la compétence dont elles définissent le contenu : aménagement et gestion des aires d'accueil des gens du voyage, ou aménagement seul, ou gestion seule.
Enfin, les conflits qui peuvent résulter des dégradations consécutives à l'occupation des aires relèvent d'une procédure de droit commun. Lorsque de tels faits sont constatés, le maire dispose de la possibilité de porter plainte devant le juge judiciaire pour faire prévaloir l'intérêt de la commune.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, le Gouvernement n'envisage pas de modifier les dispositions législatives relatives à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage actuellement en vigueur.
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Madame la ministre, vous avez bien voulu me rappeler le dispositif législatif applicable en la matière, lequel ne m'était pas totalement inconnu… Vous avez évoqué la participation financière des communes : leur rôle est bien plus lourd que cela, puisque ces dernières assument la responsabilité de l'accueil des gens du voyage.
De même, vous avez mentionné les subventions de l'État, lesquelles pourraient représenter 70 % des dépenses : je peux vous dire – je parle d'expérience – que le plafonnement des dépenses rend ce taux extrêmement théorique. Dans les faits, ce niveau n'est jamais atteint.
Je voudrais exprimer le regret que le Gouvernement n'envisage pas de faire évoluer la législation sur ce point. En effet, les problèmes posés par ceux qu'on appelle les nomades est une question qui dépasse la compétence des communes et même des intercommunalités. Vous avez également fait allusion à un transfert éventuel de compétence à l'intercommunalité. Je sais bien qu'une telle possibilité existe, mais cet échelon n'est, me semble-t-il, pas le bon : le problème relève de la solidarité nationale.
Je le répète, je regrette que le Gouvernement n'entende pas faire évoluer des dispositions législatives qui ont pourtant montré leurs limites au cours des dix dernières années, et qu'il ne souhaite pas assumer cette responsabilité qui, à mon sens, lui incombe en premier lieu.
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