M. Robert Tropeano attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire concernant la volonté affichée de la Commission européenne de libéraliser les droits de replantations dont bénéficie le secteur de la viticulture. Les professionnels de ce secteur, notamment dans le département de l'Hérault, demandent de défendre la réglementation des droits de replantation, entrée en vigueur depuis 1936 en France et depuis 1970 au sein de l'Union européenne.
Ainsi, la viticulture dispose au travers de ces droits, d'un outil de gestion de production reconnu par le droit communautaire qui a incontestablement permis d'assurer un équilibre entre l'offre et la demande. De son maintien dépendra la volonté de notre pays de défendre notre patrimoine viticole et notre savoir faire. Or, la volonté de remettre en cause cette réglementation obéit à une soit disant amélioration de compétitivité économique. N'est-il pas au contraire à craindre qu'une telle déréglementation ait des conséquences graves inévitables sur la pérennité des exploitations viticoles françaises, en incitant la délocalisation de notre vignoble vers des pays où la main d'œuvre est moins coûteuse ? En plus du risque d'effondrement de notre économie viticole, la modification des paysages ruraux ne sera pas probablement pas sans conséquence sur le dynamisme de notre économie touristique. A l'instar de la prise de position de l'Allemagne dans le cadre de la prochaine réforme de la PAC, ne serait-il pas nécessaire et opportun de s'associer à la position de l'Allemagne, afin de refuser la libéralisation de ce secteur proposé par la Commission européenne, par le maintien des droits de replantation ? La défense commune de nos deux pays, auprès de nos partenaires pays membres de l'Union, du maintien de la réglementation en vigueur n'est-elle pas l'unique moyen de s'assurer de la préservation d'une viticulture européenne, riche de sa diversité et de son savoir-faire, de faire face à la concurrence.
M. Robert Tropeano. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite obtenir quelques informations sur la libéralisation des droits de plantation, qui devrait intervenir dans l'Union européenne au 1er janvier 2016.
Actuellement, le secteur du vin dispose d'un outil de gestion de la production reconnu par le droit communautaire : les droits de plantation. Le potentiel de production est ainsi encadré par un système de gestion des droits de plantation, en France depuis 1936 et au sein de l'Union européenne depuis les années soixante-dix. Ce système permet d'assurer un équilibre entre l'offre et la demande en conditionnant le droit à la plantation à l'existence de débouchés commerciaux.
Dans la pratique, plusieurs dizaines de milliers d'hectares ont été attribuées aux producteurs au cours des deux dernières décennies. Sous l'influence de l'ancienne commissaire européenne à l'agriculture, il a été décidé de libéraliser la réglementation applicable à ce secteur pour le rendre plus compétitif, notamment par la suppression des droits de plantation et des limites de production pour les vins sans indication géographique.
Or les conséquences néfastes risquent d'être nombreuses : surproduction, baisse des prix pour les producteurs, remise en cause des efforts qualitatifs, pertes d'emplois et « délocalisation » des vignobles qui ruinerait des milliers de viticulteurs et modifierait les paysages viticoles.
Les inquiétudes dans le secteur des appellations d'origine sont légitimes au regard de l'écart entre les superficies délimitées et les superficies plantées, en France et dans l'Union européenne. Dans le cas spécifique de la France, avec la disparition de tout mécanisme de régulation, la superficie plantée pourrait passer de 464 800 hectares à 1 670 200 hectares.
Les inquiétudes de ce secteur portent aussi sur les plantations qui pourraient être effectuées à proximité des aires des appellations, avec un risque de détournement de notoriété, et des vignobles qui pourraient être créés de toutes pièces dans certains pays de l'Union européenne, voire dans certains départements non viticoles en France.
Un répit de deux ans avant la fin du régime des droits de plantation a déjà été accordé, repoussant l'échéance de la fin de 2013 à la fin de 2015.
Depuis l'adoption de ce texte et dans la perspective de la réforme de la politique agricole commune et de la politique de qualité, un travail important a été fait pour convaincre la Commission, le Parlement européen et les États membres de la nécessité de maintenir dans notre filière un instrument de régulation de la production. À ce jour, seule l'Allemagne, par la voix de la chancelière Angela Merkel, a pris une position forte sur ce sujet. La Commission, de son côté, reste opposée à la régulation de la production et souhaiterait exclure la viticulture de la liste des sujets abordés dans la réforme de la politique agricole commune. Le Parlement européen a relayé ces inquiétudes.
Au-delà de la position connue du Gouvernement, et confirmée par le Président de la République lors de ses vœux au monde agricole en janvier dernier, je souhaiterais savoir avec précision comment, concrètement, le Gouvernement entend agir au niveau européen pour constituer un front des pays favorables au maintien d'un instrument de régulation dans ce secteur.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Henri de Raincourt, ministre auprès de la ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé de la coopération. Monsieur le sénateur, vous avez interrogé Bruno Le Maire sur les conséquences de la suppression programmée des droits de plantation et sur les démarches qui pourraient être conjointement engagées avec l'Allemagne pour amener la Commission européenne et nos partenaires européens à revenir sur cette décision.
La suppression du régime des droits de plantation a été décidée lors de la réforme de l'organisation commune du marché vitivinicole, à la fin de 2008, dans le cadre de la libéralisation proposée par la Commission européenne. Elle visait à mettre fin à l'intervention publique dans la gestion de l'offre de produits agricoles et à favoriser une adaptation de l'offre en fonction des signaux du marché et de la demande.
Dans le cadre des négociations, les principaux pays producteurs, dont la France, avaient alors obtenu le maintien de ce régime jusqu'au 31 décembre 2015, avec la possibilité, pour les États membres qui le souhaitaient, de maintenir l'interdiction de plantation sur leur territoire jusqu'au 31 décembre 2018.
Quel est aujourd'hui le risque ?
Le risque, au bénéfice de cette dérégulation, c'est de voir des plantations réalisées essentiellement dans les secteurs les plus compétitifs avec un phénomène de déprise dans d'autres zones géographiques. Le risque, c'est aussi de créer durablement des déséquilibres de marché par des plantations – et donc des productions – massives de tel ou tel cépage, en fonction de la mode du moment.
Or une plantation représente un engagement à long terme. Ces risques ne sont donc pas acceptables.
C'est pourquoi, comme vous l'avez rappelé, monsieur le sénateur, le Président de la République a réaffirmé, lors de ses vœux au monde agricole le 18 janvier dernier en Alsace, l'opposition de la France à la suppression des droits de plantation et son attachement au maintien d'un dispositif de régulation indispensable pour garantir la santé économique du secteur vitivinicole.
C'est également la conclusion du rapport parlementaire que Mme Catherine Vautrin, député, a réalisé à la demande de Bruno Le Maire et a remis à ce dernier au mois d'octobre 2010.
Dans ce contexte, le ministre de l'agriculture met tout en œuvre pour convaincre nos partenaires de l'importance, pour les filières agricoles, du maintien d'instruments de régulation adaptés aux réalités nouvelles des marchés agricoles.
À cet égard, la signature, le 14 septembre dernier, d'une position commune franco-allemande sur l'avenir de la politique agricole commune montre que nos idées progressent. Alors qu'elle a contribué à ramener l'idée de régulation au cœur du débat européen, cette position constitue un point d'appui essentiel dans la démarche portée par la France en faveur du maintien des droits de plantation.
M. le président. La parole est à M. Robert Tropeano.
M. Robert Tropeano. Je vous remercie de cette réponse, monsieur le ministre. Vos préoccupations rejoignent tout à fait les nôtres. Je ne manquerai pas de faire part de vos propositions et des mesures que vous comptez prendre aux viticulteurs de mon département, des viticulteurs qui sont très préoccupés par leur avenir et celui de la filière viticole.
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