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Jean-Luc Fichet
Question orale sans débat N° 1262 au Secrétariat d'État de la santé


Avenir des opticiens en milieu rural face à la politique de conventionnement des complémentaires santé

Question soumise le 17 mars 2011

M. Jean-Luc Fichet expose à M. le secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation les difficultés de certains commerces d'optique, tout particulièrement en milieu rural, face à la politique de conventionnement des complémentaires santé.

Les complémentaires santé ont mis en place des réseaux de soins avec les professionnels concernés. Pour l'optique, la plupart des réseaux sont fermés, c'est-à-dire que leur accès est limité à un nombre restreint de professionnels par zone géographique (numerus clausus), choisis selon des critères qualitatifs et tarifaires et pratiquement toujours selon l'ordre d'arrivée de leur candidature.

Suite aux critiques des professionnels de l'optique, le ministère de l'économie s'est inquiété des risques de distorsion de concurrence que pouvaient engendrer ces réseaux. C'est ainsi qu'en vertu de l'article L. 462-1 du code du commerce, l'Autorité de la concurrence a rendu un avis à sa demande le 28 septembre 2009 sur ce sujet précis. Si cet avis préconise la mise en œuvre de critères clairs, transparents et non discriminatoires de la part des complémentaires santé, elle ne s'oppose pas au principe de réseaux de conventionnement fermés tout en reconnaissant que ces réseaux « peuvent constituer le support de pratiques ayant pour effet d'exclure certains professionnels du marché ».

Pourtant, la situation concrète mérite que le Gouvernement apporte des solutions plus précises. En effet, certains professionnels d'optique, tout particulièrement dans les communes rurales, sont confrontés à un effet cumulatif de réseaux importants dont ils sont exclus. Dans le cas de sa commune, Lanmeur, l'opticien ne peut bénéficier d'un conventionnement ni avec Groupama, ni avec la MGEN, ce qui réduit terriblement son chiffre d'affaires et met véritablement sa survie en question. Par ailleurs, du côté des assurés, cela signifie encore une fois un éloignement dans l'accès aux soins.

Aussi il lui demande quelles réponses pourraient être apportées pour que ces commerces de proximité ne disparaissent pas et que les habitants des communes rurales ne soient pas lésés par ces pratiques.

Réponse émise le 25 mai 2011

M. Jean-Luc Fichet. Madame la secrétaire d'État, avec la politique mise en œuvre par votre gouvernement depuis 2007, le reste à charge que les assurés ont à payer pour leurs soins est toujours plus important. C'est la conséquence d'une politique de déremboursement à tout crin et d'une prise en charge par la solidarité nationale des soins d'optique et dentaires qui n'a jamais été suffisante ; nous pouvons même dire qu'elle est inexistante.

Aussi, les complémentaires santé ont mis en place des réseaux de soins avec les professionnels concernés, ce qui bien souvent permet d'obtenir une qualité de prestations supérieure pour un coût moindre.

À la suite des critiques des professionnels de l'optique, le ministère de l'économie s'est inquiété des risques de distorsion de concurrence que pouvaient comporter ces réseaux. Sur sa demande, en vertu de l'article L. 462-1 du code de commerce, l'Autorité de la concurrence a rendu un avis le 28 septembre 2009 sur ce sujet précis.

Dans cet avis, l'Autorité de la concurrence ne s'oppose pas au principe de réseaux de conventionnement fermés tout en reconnaissant qu'ils « peuvent constituer le support de pratiques ayant pour effet d'exclure certains professionnels du marché ». Elle préconise ainsi la mise en œuvre de critères clairs, transparents et non discriminatoires de la part des complémentaires santé.

Pourtant, madame la secrétaire d'État, la situation concrète mérite que le Gouvernement apporte des solutions plus précises. En effet, certains professionnels d'optique, tout particulièrement dans les communes rurales, sont confrontés à un effet cumulatif de réseaux importants dont ils sont exclus.

Pour prendre le cas de ma commune, Lanmeur, l'opticien ne peut bénéficier d'un conventionnement ni avec Groupama ni avec la MGEN, ce qui réduit terriblement son chiffre d'affaires et met véritablement sa survie en question. Par ailleurs, du côté des assurés, cela signifie encore une fois un accès aux soins rendu plus difficile du fait de l'éloignement.

Mon propos n'est absolument pas de dénigrer le travail des mutuelles, qui ont un rôle aujourd'hui primordial à jouer pour la qualité des soins et une meilleure prise en charge des patients. Ce sont d'ailleurs les pouvoirs publics qui appellent eux-mêmes à « un engagement supplémentaire dans la gestion du risque et la prise en charge des soins », comme le rappelait récemment Étienne Caniard, président de la Mutualité Française.

En réalité, il s'agit de conserver un équilibre entre une offre de soins égale sur tout le territoire et l'équilibre du financement de la sécurité sociale.

Cette question est d'autant plus d'actualité que, lors de la première lecture à l'Assemblée nationale de la proposition de loi de M. Fourcade modifiant certaines dispositions de la loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, les députés ont adopté un amendement visant à « légaliser » cette pratique des conventionnements.

En effet, un arrêt de la Cour de cassation du 18 mars 2010 remet en cause cette pratique en interdisant à une mutuelle de moduler le niveau de prestations suivant l'existence ou non d'un conventionnement.

Or, si je comprends le souhait des mutuelles de constituer un réseau de soins au bénéfice des patients et la nécessité de limiter les dépenses de santé, je sais aussi qu'il faut faire très attention à l'avenir de la liberté de choix. Ma crainte est que, en créant certaines obligations par la loi, on ne porte atteinte à la liberté de choix des patients comme des professionnels.

Ce n'est pas en voyant disparaître des professionnels, ces artisans indépendants que sont nos opticiens dans nos communes rurales, que nous améliorerons la prise en charge des patients.

Aussi, je voudrais savoir, madame la secrétaire d'État, quelles réponses vous pouvez apporter dès aujourd'hui pour que ces commerces de proximité ne mettent pas la clé sous la porte et pour que les habitants des communes rurales ne soient pas les victimes de politiques de conventionnement qui les dépassent.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé. Monsieur le sénateur, les réseaux de soins permettent aux organismes complémentaires de santé d'effectuer un pilotage de leur risque grâce à l'encadrement des montants des prestations de santé servies aux assurés.

En effet, en acceptant d'intégrer un réseau de soins, un professionnel de santé s'engage à respecter une grille tarifaire, ce qui contribue à la réduction des coûts et, donc, à une évolution mieux maîtrisée des cotisations.

Les réseaux de soins permettent, par ailleurs, le développement d'une politique efficace de lutte contre la fraude pour les complémentaires santé, qui disposent ainsi d'un réseau intégré de prestataires de santé.

Pour ces raisons, le Gouvernement a soutenu, comme vous le savez, l'amendement de la députée Valérie Boyer, visant à étendre la possibilité de mettre en place des réseaux de soins aux mutuelles du code de la mutualité.

Toutefois, cette possibilité ne doit ni s'accompagner d'une baisse de la qualité de l'offre de santé ni entraîner une distorsion de concurrence entre les prestataires de santé. Pour cette raison, l'amendement de Valérie Boyer a également inscrit l'obligation pour l'Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire, l'UNOCAM, de fixer, dans une charte, les principes auxquels doit obéir tout conventionnement entre les prestataires de santé et les organismes assureurs, qu'il s'agisse des assurances, des mutuelles et des institutions de prévoyance, et ce en matière notamment de transparence et de traçabilité des produits proposés.

De plus, l'Autorité de la concurrence remettra un rapport relatif aux réseaux de soins aux commissions des affaires sociales de l'Assemblée nationale et du Sénat afin d'effectuer un suivi du respect des règles de la concurrence pour les prestataires de santé.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Fichet.

M. Jean-Luc Fichet. Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d'État.

Permettez-moi cependant de souligner que, dans la mesure où les assurances n'acceptent de conclure des conventions qu'avec un nombre limité de professionnels par zone géographique, ceux qui ne sont pas conventionnés se trouvent forcément exclus des réseaux de soins.

J'ai évoqué tout à l'heure l'exemple de ces artisans, ces professionnels de nos communes rurales qui n'ont pas la possibilité d'intégrer des réseaux de soins et voient de ce fait leur clientèle partir à plusieurs kilomètres pour bénéficier d'un meilleur remboursement. Je peux même citer le cas d'une opticienne qui, pour ses propres lunettes, devrait se rendre chez un autre opticien pour être mieux remboursée ! On le voit, la situation est totalement aberrante.

Bien des questions se posent aussi, à commencer par celles du libre choix et, plus largement et de façon permanente, de l'accès aux soins.

Il faudrait également citer, en corollaire, la présence des commerces en zone urbaine sensible ou en zone rurale. Une telle préoccupation n'entre évidemment pas dans les objectifs des complémentaires santé. Il n'en demeure pas moins que les pratiques de conventionnement de ces organismes favorisent la désertification croissante de certaines communes.

Il serait certainement important que nous menions une réflexion, dans le cadre de la mise en place d'un « bouclier rural », sur l'accès à ces services pour nos concitoyens, comme nous devons le faire pour l'accès à un médecin, à une maternité, à La Poste, à un tribunal, au Trésor public ou aux transports publics.

Madame la secrétaire d'État, le monde rural ne doit pas être considéré comme une terre de relégation !

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