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Bernadette Bourzai
Question orale sans débat N° 1299 au Ministère de l'outre-mer


Mise en cause des spécificités des missions locales

Question soumise le 21 avril 2011

Mme Bernadette Bourzai appelle l'attention de M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé sur l'incompréhension que suscite la circulaire n° 2011-3 du 19 janvier 2011 relative au conventionnement des missions locales auprès de l'Union nationale des missions locales (UNML) et des associations régionales des missions locales. Selon ces organismes, cette circulaire modifie profondément les conditions de conventionnement pour la période de 2011 à 2013 : elle remet en cause la sécurisation financière initialement inscrite dans la convention, la logique de subventionnement des missions étant abandonnée au profit du financement de dispositifs, glissant ainsi vers une approche de marché public, restreinte à un financement de prestations ; elle remet aussi en question le rôle de pivot d'accompagnement global des jeunes en difficulté, seules les actions portées par le ministère de l'emploi y étant traitées, éclipsant les autres aspects de l'action des missions locales qui forment un tout global et personnalisé, face au décrochage scolaire et pour l'accès à la qualification. Enfin, elle remet en cause la gouvernance partagée des missions locales, entre l'État et les collectivités territoriales, en ignorant le rôle des élus dans ces structures.

En Limousin, cette circulaire est de nature à remettre en cause tout le travail d'articulation nécessaire entre l'ensemble des financeurs d'insertion de la jeunesse, commencé à travers la charte inter-financeurs signée par l'État, la région et les trois conseils généraux de la Haute-Vienne, de la Corrèze et de la Creuse. En Limousin, les missions locales mènent une action d'envergure : le nombre de jeunes suivis a progressé de 13 % entre la fin de l'année 2009 et la fin de l'année 2010 ; 14 882 jeunes sont suivis et accompagnés par les missions locales, soit 20 % des jeunes de 15 à 24 ans du Limousin dont le nombre total s'élève à 81 000 en janvier 2011 selon l'INSEE. La circulaire du 19 janvier 2011 crée des distorsions d'objectifs. Elle risque donc d'avoir un impact négatif très significatif sur l'accès à la formation et à l'emploi des jeunes dans le contexte général de crise actuelle et alors que le réseau des missions locales voit ses moyens s'amenuiser, que des réductions des aides directes aux jeunes sont craintes et que la fin des contrats d'accompagnement formation ou des contrats unique insertion diminue la possibilité d'activer des dispositifs spécifiques.

Elle lui demande donc quelle suite il compte apporter aux demandes, formulées par l'UNML le 23 février 2011, d'appliquer un moratoire sur cette circulaire et d'instaurer un dialogue avec lui afin de la renégocier sur la base de la précédente circulaire en vigueur entre 2008 et 2010 et de réaffecter les crédits dédiés aux contrats d'autonomie aux missions locales pour maintenir la dynamique enclenchée par le plan de relance.

Réponse émise le 15 juin 2011

Mme Bernadette Bourzai. Ma question s'adressait effectivement à M. Xavier Bertrand, mais je vous remercie de bien vouloir y répondre, madame la ministre.

La circulaire n° 2011–3 du 19 janvier 2011 relative au conventionnement des missions locales a suscité l'incompréhension de l'Union nationale des missions locales, l'UNML, des associations régionales des missions locales, mais aussi de l'Association des régions de France, l'ARF, qui ont, ensemble, demandé un moratoire sur son application.

En effet, cette circulaire modifie profondément les conditions de financement pour la période de 2011 à 2013, car elle remet en cause la sécurisation financière initialement inscrite dans la convention.

La logique de subventionnement des missions étant abandonnée au profit du financement de dispositifs, on glisse ainsi vers une approche de marché public, restreinte à un financement de prestations. Cette approche remet aussi en question la notion d'accompagnement global des jeunes en difficulté, en la limitant aux actions portées par le ministère de l'emploi ; de ce fait, 25 % seulement des jeunes accueillis chaque année dans les missions sont concernés par cet accompagnement.

Les autres aspects de l'action des missions locales, qui forment un accompagnement global, diversifié et personnalisé, sont ainsi éclipsés et négligés. Ils sont pourtant indispensables pour faire face au décrochage scolaire, que connaissent de nombreux jeunes, et pour favoriser l'accès à la qualification.

Enfin, cette approche remet en cause la gouvernance partagée des missions locales, entre l'État et les collectivités territoriales, en ignorant le rôle des élus dans de telles structures. La colère de l'ARF est donc parfaitement compréhensible.

À la suite des demandes formulées par l'UNML le 23 février 2011, et relayées par l'ARF, d'appliquer un moratoire sur cette circulaire, d'instaurer un dialogue afin de la renégocier sur la base de la précédente circulaire, en vigueur entre 2008 et 2010, et de réaffecter les crédits dédiés aux contrats d'autonomie aux missions locales pour maintenir la dynamique enclenchée par le plan de relance, votre cabinet a reçu, voilà un mois et demi, certains responsables nationaux des missions locales. Un groupe de travail a été constitué afin d'examiner les points qui posent problème.

Cette initiative n'a pas permis de lever les inquiétudes suscitées par l'approche mise en œuvre dans la circulaire. Ce groupe de travail devait rendre ses conclusions à la mi-juin. Nous sommes le 14 juin. Pouvez-vous nous dire, madame la ministre, ce qu'il en est de ces conclusions ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer. Je vous prie, madame la sénatrice, de bien vouloir excuser Xavier Bertrand, retenu ce matin.

Vous appelez l'attention du Gouvernement sur les préoccupations et interrogations exprimées par le réseau des missions locales de votre région, à la suite de la publication de la circulaire du 19 janvier 2011 relative à la convention pluriannuelle d'objectif. Vous évoquez aussi une baisse des financements des missions locales. Sur ce point, je souhaiterais préciser que les crédits initiaux notifiés à l'échelon national, cette année, sont de 198 millions d'euros, ce qui correspond au même niveau de financement qu'en 2010.

Il est exact qu'en 2010 des fonds supplémentaires ont été obtenus en cours d'année par les missions locales, soit à travers le « plan de relance », par nature non pérenne, soit en raison de marges de gestion dont disposaient ponctuellement les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, les DIRECCTE.

Cette stabilité au plan national ne signifie donc pas qu'il n'y a pas de rééquilibrage entre les régions et entre les missions locales, pour tenir compte au mieux des publics et des besoins des territoires, ce dont les présidents des missions locales étaient aussi les premiers demandeurs. Il y a sûrement lieu de faire preuve de plus de pédagogie à cet égard, pour que ces notions soient mieux comprises par l'ensemble des acteurs.

Concernant la circulaire relative à la convention pluriannuelle d'objectif de 2011, elle permet d'accompagner une professionnalisation du réseau et d'améliorer l'efficacité de ces structures au service des jeunes. Elle s'inscrit ainsi dans le cadre proposé par l'Inspection générale des finances dans son rapport de juillet 2010, dans lequel a été reconnue la capacité du réseau à accompagner les jeunes jusqu'à l'emploi.

Comme cela a été rappelé lors de la séance plénière du Conseil national des missions locales du 20 avril dernier, cet accompagnement doit se concentrer essentiellement sur l'insertion des jeunes dans l'emploi, qui seul permet aux jeunes de faire des projets et de s'insérer durablement dans la société.

Madame la sénatrice, sachez que le dialogue avec les missions locales se poursuit en lien étroit avec le Conseil national des missions locales et l'Union nationale des missions locales. Ainsi, nous avons décidé qu'un groupe de travail technique animé par la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle examinerait les points de la circulaire ayant soulevé des questions, afin de les clarifier et d'apporter les éléments d'explication nécessaires.

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Bourzai.

Mme Bernadette Bourzai. Madame la ministre, votre réponse, dont je vous remercie, ne me satisfait pas tout à fait. Alors que le groupe de travail était censé rendre ses conclusions à la mi-juin, vous n'en mentionnez aucune qui serait de nature à nous rassurer.

Vous avez indiqué que les crédits n'étaient pas en baisse. J'en prends acte. Mais le rééquilibrage entre missions locales et entre régions que vous avez ensuite évoqué peut amener certaines missions à disposer de moins de crédits, alors que les besoins augmentent.

Madame la ministre, en région Limousin, la circulaire du 19 janvier 2011 est de nature à remettre en cause tout le travail effectué par l'ensemble des financeurs d'insertion de la jeunesse, et notamment par les collectivités territoriales. Je pense en particulier à la charte « inter-financeurs » signée par l'État, le conseil régional du Limousin et les trois conseils généraux de la Haute-Vienne, de la Creuse et de la Corrèze.

À cet égard, j'appelle votre attention sur l'action d'envergure que mènent les missions locales du Limousin : le nombre de jeunes suivis y a progressé de 13 % entre la fin de l'année 2009 et la fin de l'année 2010. Cet effort porte sur 20 % des jeunes de 15 à 24 ans de la région.

Il s'agit donc d'une action extrêmement importante, pour laquelle tous les efforts doivent être maintenus. En effet, madame le ministre, un pays qui n'apporte pas de réponse suffisante aux attentes de sa jeunesse est un pays qui renonce à son avenir.

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