M. Robert del Picchia attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur l'application de la taxe d'expatriation américaine, dite Heart Act, du 17 juin 2008.
Cet impôt pénalise de manière unilatérale certains Français, y compris les fonctionnaires internationaux, qui ont résidé longtemps aux États-Unis à tel point qu'ils ne peuvent plus rentrer en France pour leur retraite et sont contraints de facto de rester aux États-Unis ou de prendre la nationalité américaine. Cette situation porte non seulement atteinte à leurs libertés individuelles mais prive la France de contribuables aisés qui seraient très bienvenus pour participer au fonctionnement de notre économie par leurs dépenses et leurs impôts.
N'ayant pu obtenir de réponse claire de la part de l'ambassade des États-Unis, il souhaiterait connaître l'assiette et le taux de l'exit tax américaine, d'une part, en ce qui concerne les biens mobiliers et immobiliers et, d'autre part, en ce qui concerne les pensions de retraite latentes
(non encore perçues, calculées sur l'espérance de vie).
Il lui demande si, en cas de retour en France, les services des impôts français déduiraient l'impôt déjà payé aux États-Unis par anticipation de l'impôt français à venir, afin d'éviter une double imposition.
Il demande enfin quelle est la position de nos partenaires européens sur l'exit tax américaine et si le Gouvernement français entend appliquer le principe de réciprocité.
. Robert del Picchia. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je voulais ce matin attirer votre attention sur la mise en œuvre de l'exittaxpar les États-Unis.
Pour résumer, je rappellerai simplement que cette taxe d'expatriation vise les personnes renonçant soit à leur citoyenneté américaine, soit à leur statut de résident permanent aux États-Unis et disposant de revenus et d'un patrimoine importants.
Elle touche en particulier nos ressortissants quittant les États-Unis pour aller travailler ailleurs ou pour venir prendre leur retraite en France.
Le fait générateur de cet impôt est déterminé non pas par la cession des biens détenus par le contribuable, mais par le transfert du domicile fiscal hors des États-Unis.
Une vente virtuelle de l'ensemble des actifs non seulement aux États-Unis, mais des actifs mondiaux de l'expatrié est réputée être effectuée le jour précédant l'expatriation, c'est-à-dire le jour où il quitte les États-Unis. La plus-value est taxée à la valeur de marché sur la fraction supérieure à 600 000 dollars, soit moins de 500 000 euros.
Pour les pensions, il y a soit une retenue à la source au taux de 30 %, soit une taxation sur la valeur actuelle des pensions latentes sans abattement, ce qui est le cas, semble-t-il, pour les anciens fonctionnaires internationaux.
Le montant de cette taxe est tel que certains de nos compatriotes ne peuvent plus rentrer en France et sont de factocontraints de rester aux États-Unis ou de prendre la nationalité américaine.
Cette situation, outre qu'elle porte atteinte aux libertés individuelles de nos concitoyens, prive la France de contribuables qui sont, pour certains, particulièrement aisés et pourraient aider au dynamisme de notre économie par leurs dépenses ou à l'augmentation des ressources publiques par leurs impôts. Il est donc souhaitable qu'ils puissent ramener leurs avoirs des États-Unis vers la France.
N'ayant pas pu obtenir de réponse claire de la part de l'ambassade des États-Unis, je souhaiterais avoir des précisions sur l'assiette et le taux de cette taxeaméricaine s'agissant, d'une part, des biens mobiliers et immobiliers et, d'autre part, des pensions de retraite.
Je voudrais également savoir si la convention fiscale franco-américaine permet d'éviter une double imposition à l'ensemble de nos ressortissants. Et qu'en est-il pour les fonctionnaires internationaux, auxquels cette convention ne s'applique pas ?
Enfin, monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous m'indiquer quelle est la position de nos partenaires européens sur cette taxe américaine ? Le gouvernement français entend-il appliquer le principe de réciprocité ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce extérieur. Monsieur le sénateur Robert del Picchia, M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qui ne peut pas être présent aujourd'hui et vous prie de bien vouloir l'en excuser, m'a chargé de répondre à votre question.
Vous faites part de votre préoccupation à propos de nos compatriotes qui ont exercé pendant plusieurs années une activité professionnelle outre-Atlantique et qui sont désormais susceptibles d'être assujettis à la taxe d'expatriation mise en place aux États-Unis lors de leur retour en France.
Le Gouvernement est évidemment soucieux des intérêts de ses concitoyens et reste particulièrement vigilant quant au règlement des difficultés auxquelles ils pourraient être confrontés.
Dans son principe, la taxe d'expatriation, la fameuse exit tax, mise en place en 2008 frappe, sous certaines conditions, les revenus, biens et gains des résidents qui renoncent à la citoyenneté américaine ou à leur statut de résident.
Comme vous le savez, cet impôt est prélevé sur certaines pensions et sur le patrimoine détenu dans le monde par les intéressés.
Dans sa mise en œuvre pratique, cette taxation nécessite toutefois de tenir compte de certains critères tenant à la vie personnelle, aux revenus et au statut juridique des personnes concernées. Aussi, afin d'en connaître les modalités précises d'application eu égard à leur situation particulière, celles-ci pourront utilement se rapprocher de l'InternalRevenue Service, ou IRS, l'agence fédérale américaine chargée de la fiscalité et de l'application de la réglementation interne, plutôt que du ministère français de l'économie et des finances, monsieur le sénateur.
Par la suite, ces personnes pourront se rapprocher des services de Bercy si elles estiment subir une double imposition justifiant un examen par leurs soins.
Enfin, je tiens à vous préciser que, lors de la négociation de l'avenant du 13 janvier 2009 à la convention fiscale entre la France et les États-Unis, la France a obtenu le droit de pouvoir mettre en place des impositions à la charge d'anciens résidents de France. Il y a donc réciprocité.
D'ailleurs, l'article 48 de la loi du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 a introduit une disposition visant, sous certaines conditions, à taxer certaines des plus-values des résidents qui transfèrent leur domicile hors de France, et ce à compter du 3 mars 2011.
Ces éléments témoignent, me semble-t-il, de la volonté de la France de préserver les intérêts de ses ressortissants installés à l'étranger, de garantir un équilibre dans ses relations avec ses partenaires et de défendre au mieux ses intérêts financiers.
M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia.
M. Robert del Picchia. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d'État.
Il est vrai que certains de nos compatriotes ont déjà fait appel aux services des taxes américaines pour obtenir des explications.
Mais il reste tout de même des points litigieux.
Prenons l'exemple des pensions latentes, qui ne sont pas encore perçues puisqu'elles sont calculées sur l'espérance de vie de la personne. Lorsque des résidents quittent les États-Unis, ils doivent donc payer la taxe sur ces pensions, qu'ils toucheront seulement si les estimations quant à leur espérance de vie se vérifient !
Pour ma part, j'aimerais savoir comment nos compatriotes vivant aux États-Unis perçoivent une telle situation.
D'ailleurs, j'ai une interrogation. Nous avons intégré une dérogation à la convention fiscale entre la France et les États-Unis afin d'éviter les cas de doubles impositions. Mais nous n'avons pas exigé la réciprocité.
Certes, et vous l'avez indiqué, monsieur le secrétaire d'État, la nouvelle législation permet de taxer les résidents américains dont les avoirs quittent le territoire français, mais à un niveau plus faible que ce qui se pratique aux États-Unis.
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