M. Alain Fauconnier attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la cohésion sociale sur la méthode retenue pour le calcul de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) qui fait suite à l'entrée en vigueur, depuis peu, de la réforme de l'AAH. Avant celle-ci, en effet, les frais professionnels étaient calculés soit forfaitairement sur les revenus (10 %), soit sur les frais réels suivant le barème fiscal en vigueur. Selon les responsables des associations de personnes handicapées, en effet, il semblerait que seuls les frais forfaitaires de 10 % soient retenus, ce qui serait moins avantageux pour les intéressés. Il lui demande de ce fait de bien vouloir lui préciser ce qu'il en est de la méthode aujourd'hui retenue dans ce domaine et, plus généralement, de lui faire savoir quelle est la politique du Gouvernement en matière de revalorisation de l'AAH.
M. Alain Fauconnier. Madame la secrétaire d'État, la situation des personnes handicapées ne laisse personne indifférent sur ces travées. Nous le constatons tous les jours dans nos collectivités territoriales.
C'est pourquoi un point très particulier les concernant nous préoccupe. Il s'agit de la réforme des modalités d'évaluation des ressources prises en compte pour le calcul des droits à l'allocation aux adultes handicapés, ou AAH, organisée par le décret n° 2010-1403 du 12 novembre 2010, et entrée en vigueur depuis peu.
Avant cette réforme, en effet, les frais professionnels étaient calculés soit forfaitairement, à hauteur de 10 % des revenus, soit sur les frais réels, en suivant le barème fiscal en vigueur. Or, selon les responsables des associations de personnes handicapées et les intéressés eux-mêmes, il semblerait que seuls les frais forfaitaires de 10 % soient désormais retenus, ce qui serait moins avantageux pour les intéressés.
Auparavant, l'AAH était accordée en fonction des ressources annuelles, que l'on travaille ou non. La Caisse d'allocations familiales, ou CAF, effectuait alors un abattement à hauteur de 10 % des revenus ou des frais réels de la personne handicapée et de son conjoint. Ces revenus ne devaient pas atteindre un plafond de ressources. Ce plafond était égal à 8 892 euros - soit le montant mensuel multiplié par douze - pour une personne seule, au double pour un couple. On y ajoutait 4 446 euros par enfant à charge.
Pour le calcul de l'AAH, la CAF faisait la différence entre ce plafond de ressources et les revenus après abattement. Elle divisait ensuite ce montant par deux et obtenait l'allocation mensuelle.
Aujourd'hui, pour les handicapés qui travaillent - la réforme ne concerne pas ceux qui ne travaillent pas -, la déclaration de ressources se fait trimestriellement et l'abattement des frais réels est supprimé, ce qui est très désavantageux pour les personnes travaillant loin de leur domicile, en particulier en milieu rural. De plus, les primes éventuelles, comme le treizième mois, ne sont plus lissées sur l'année, elles sont déclarées chaque trimestre. Les bénéficiaires ne touchent donc plus le même montant d'AAH et les abattements supplémentaires ne représentent plus rien par rapport à la suppression des frais réels et à la trimestrialisation des revenus.
À l'heure où le pouvoir d'achat des Français est en situation de baisse généralisée, il n'est pas acceptable que l'État accentue cette baisse au sein des populations les plus fragiles, parmi lesquelles figurent les personnes handicapées.
Ma question est donc double. Le Gouvernement a-t-il fait procéder à une évaluation sérieuse des conséquences financières de cette réforme sur les personnes handicapées bénéficiaires de l'AAH ? De quelle manière envisage-t-il de rectifier le dispositif instauré pour éviter que ces bénéficiaires de l'AAH ne soient les perdants de cette réforme ?
Après tant d'effets d'annonce par les gouvernements qui se sont succédé depuis dix ans, les associations de personnes handicapées ne cachent plus, aujourd'hui, leur déception. Depuis les difficultés d'intégration à l'école et dans le monde du travail, en passant par les difficultés liées aux normes d'accessibilité, jusqu'à la réforme de l'AAH, les problèmes se sont accumulés, et les associations de personnes handicapées entendent désormais que le Gouvernement fasse preuve de plus de franchise à leur sujet.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale. Monsieur le sénateur Fauconnier, depuis le 1er janvier 2011, les modalités de calcul de l'AAH ont été modifiées afin de simplifier et de rendre plus avantageux le mécanisme d'intéressement permettant de cumuler AAH et salaire et de le rendre plus équitable entre les personnes handicapées, quel que soit leur taux d'incapacité permanente.
Désormais, la nouvelle réglementation permet aux allocataires qui peuvent exercer une activité professionnelle, même à temps très partiel, de cumuler l'allocation avec des revenus d'activité, et ce jusqu'à environ 132 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance, contre quelque 110 % auparavant. C'était une revendication des personnes handicapées : elles ont obtenu gain de cause.
Par ailleurs, les bénéficiaires de l'AAH percevant des revenus tirés de l'exercice d'une activité professionnelle en milieu ordinaire de travail bénéficient depuis janvier 2011 d'un réexamen de leur droit à l'AAH tous les trois mois. Cela permet, grâce au remplissage d'une déclaration trimestrielle de ressources, d'ajuster de manière très réactive le montant de l'AAH en fonction des fluctuations, parfois très évolutives sur de courtes périodes, des ressources des intéressés. Cela est particulièrement vrai pour les personnes affectées d'un handicap psychique.
Pour concevoir un mode de calcul trimestriel de l'AAH à partir de règles de traitement des ressources - qui reposent en grande partie sur le traitement par l'administration fiscale des ressources déclarées annuellement pour le calcul de l'impôt sur le revenu -, il a été nécessaire, en effet, d'ajuster certaines modalités, dont la possibilité de choisir entre le forfait de 10 % au titre des frais professionnels ou la déclaration en euros des frais réels constatés sur une année civile.
En l'occurrence, l'intéressé n'étant pas en mesure, en cours d'année, de pouvoir se déterminer sur son intérêt à opter pour l'un ou l'autre des systèmes, il est apparu préférable d'intégrer d'office l'abattement de 10 % au titre des frais professionnels dans le mécanisme de traitement des ressources déclarées trimestriellement.
Ce choix est favorable aux bénéficiaires. Cela leur évite de procéder à un calcul complexe et de prendre un risque quant à la stratégie à adopter en fin d'année à partir des montants précis des dépenses de frais professionnels. En outre, il permet d'éviter d'éventuels indus d'AAH qui seraient constatés plusieurs mois plus tard et qui seraient susceptibles de mettre en difficulté le bénéficiaire en fragilisant l'équilibre de ses finances, ce qui n'est évidemment pas le but de l'opération.
Je rappelle enfin, concernant la revalorisation du montant maximal de l'AAH, que celui-ci a été revalorisé six fois depuis 2008. Depuis le 1er septembre 2011, son montant est de 743,62 euros, soit près de 20 % de plus par rapport à décembre 2007. Comme vous le savez, monsieur le sénateur, cette revalorisation se poursuivra en 2012 et portera l'augmentation de l'AAH à 25 % par rapport à décembre 2007, conformément aux engagements pris en ce domaine par le Président de la République.
M. le président. La parole est à M. Alain Fauconnier.
M. Alain Fauconnier. J'entends votre réponse, madame la secrétaire d'État, mais je vous transmettrai une lettre, à laquelle je souhaiterais que vous répondiez, d'une correspondante qui m'indique avec précision qu'elle perd 150 euros par mois depuis la mise en place de la réforme.
Je ne peux pas laisser dire que cette réforme est systématiquement favorable aux bénéficiaires de l'AAH. Je renouvelle donc ma demande d'une évaluation des conséquences de la réforme, pour faire en sorte que les quelques cas qui se trouvent défavorisés par elle puissent se voir proposer une solution rapide.
Je comprends tout à fait que la situation économique actuelle est telle que Bercy cherche à glaner quelques euros ici ou là.
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État. Non, ce n'est pas le sujet !
M. Alain Fauconnier. Je pense néanmoins que cet argent doit être trouvé ailleurs.
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État. Nous allons nous pencher sur ce cas, monsieur le sénateur.
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