M. Roland Courteau expose à Mme la ministre des solidarités et de la cohésion sociale que deux lois ont été adoptées par le Parlement au cours des cinq dernières années.
L'une vise à prévenir et réprimer les violences au sein du couple ou commises contre les mineurs (loi n° 2006-399 du 4 avril 2006), l'autre est relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants
(loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010).
Il souhaite porter à sa connaissance que la loi du 4 avril 2006 prévoit, dans son article 13, que « le Gouvernement dépose, tous les deux ans, sur le bureau des assemblées parlementaires, un rapport sur la politique nationale de lutte contre les violences au sein des couples, portant ... sur les conditions d'accueil, de soin… des victimes, leur réinsertion sociale, les modalités de prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique des auteurs de faits, ... ».
Il lui rappelle qu'un deuxième rapport aurait dû être présenté en avril 2010, ce qui n'a pas été fait.
Il lui rappelle également que, selon la loi du 9 juillet 2010, deux rapports doivent être remis par le Gouvernement, avant le 31 décembre 2010, concernant, d'une part, la création d'un Observatoire national des violences faites aux femmes (article 29) et, d'autre part, l'application des dispositions prévues à l'article 515-9 du code civil aux ressortissants algériens
(article 13).
Il lui indique qu'à sa connaissance aucun des deux rapports n'a été présenté par le Gouvernement.
Il lui fait également remarquer que, selon l'article 21 de la loi du 9 juillet 2010, un rapport concernant la mise en place d'une formation spécifique en matière de prévention et de prise en charge des violences faites aux femmes et des violences au sein des couples est présenté au Parlement avant le 30 juin 2011. Sauf erreur, ce rapport n'a toujours pas été présenté.
Il lui demande, par ailleurs, quelles mesures ont été prises, en application de l'article 19 de cette loi, concernant l'accès à un logement social des victimes de violences.
Enfin, il souhaite également attirer son attention sur plusieurs de ses questions écrites restées sans réponse à ce jour.
Il lui demandait, en effet, si le Gouvernement entendait donner toutes instructions aux chefs d'établissements scolaires afin que les dispositions prévues à l'article 23 de la même loi et concernant des séances d'information dans ces établissements en direction des élèves soient régulièrement appliquées : égalité entre les hommes et les femmes, lutte contre les préjugés sexistes, lutte contre les violences faites aux femmes, etc.
De même, il attirait son attention (questions écrites n°s 16446 et 18725) sur l'importance des besoins, notamment en matière d'accueil d'urgence des victimes, dans la plupart des départements.
Il lui précisait également (questions écrites n°s 11322 et 19708) qu'il attendait plus de précisions quant aux mesures à mettre en œuvre, suite à l'annonce selon laquelle (réponse à la question écrite n° 4799) « l'insertion professionnelle des femmes victimes de violences devra être intégrée dans le suivi d'un parcours individualisé pour les aider à retrouver leur autonomie et leur indépendance financière ».
Enfin, il souhaiterait savoir par quels moyens il serait possible de mieux faire connaître les principales dispositions des lois du 4 avril 2006 et du 9 juillet 2010.
Il lui demande de bien vouloir lui apporter toutes précisions sur ces différents points.
M. Roland Courteau. Je souhaite attirer l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la cohésion sociale sur les deux lois relatives à la lutte contre les violences au sein des couples ou à l'égard des femmes.
La première loi, celle du 4 avril 2006, dont j'étais l'auteur, vise à prévenir et à réprimer les violences commises au sein du couple ou contre des mineurs. La seconde, relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, résulte de l'examen en commun d'une proposition de loi déposée par les députés et d'une proposition de loi que j'avais présentée avec mes collègues du groupe socialistes.
Cinq ans après l'adoption de la première loi en France sur ce grave problème et plus d'un an après l'adoption du second texte, quel bilan peut-on tirer de leur application ?
Aux termes de l'article 13 de la loi du 4 avril 2006, il est prévu que « le Gouvernement dépose, tous les deux ans, sur le bureau des assemblées parlementaires, un rapport sur la politique nationale de lutte contre les violences au sein des couples ».
Si un premier rapport a bien été présenté il y a quelque temps, avec retard d'ailleurs, nous sommes toujours dans l'attente de celui qui aurait dû être déposé en avril 2010 sur le bureau des assemblées parlementaires.
Par ailleurs, selon l'article 29 de la loi du 9 juillet 2010, un rapport devait être remis par le Gouvernement avant le 31 décembre 2010 sur la création d'un Observatoire national des violences faites aux femmes. À ma connaissance, ce rapport n'a pas encore été présenté.
De plus, sous quels délais le Gouvernement entend-il nous présenter le rapport concernant la formation spécifique en matière de prévention et de prise en charge de ces violences, prévu à l'article 21 de la même loi ?
Je souhaite également connaître quelles mesures ont été prises pour mettre en application l'article 19 de cette loi, qui favorise l'accès au logement social pour les victimes de violences.
De même, quelles instructions ont été données aux chefs d'établissement scolaire afin que les dispositions prévues à l'article 23 de ce texte et concernant des séances d'information en direction des élèves soient régulièrement appliquées ? Je rappelle que cette information porte sur l'égalité entre les hommes et les femmes, la lutte contre les préjugés sexistes, ainsi que la lutte contre les violences faites aux femmes et les violences commises au sein du couple.
J'attire une nouvelle fois l'attention de Mme la ministre sur l'importance des besoins dans la plupart des départements, notamment en matière d'accueil d'urgence des victimes.
Enfin, j'avais interrogé Mme Bachelot-Narquin sur l'insertion professionnelle des femmes victimes de violences. Il m'avait été répondu que cette insertion devrait être intégrée dans le suivi d'un parcours individualisé, afin d'aider les victimes à retrouver leur autonomie et leur indépendance financière. Sur ce point, également, il me serait agréable de savoir quelles mesures ont été mises en œuvre de façon concrète.
Enfin, force est, hélas ! de constater que les deux lois auxquelles j'ai fait référence ne sont pas suffisamment connues, notamment des victimes et de nombre d'intervenants. C'est fâcheux, car une meilleure connaissance des dispositions contenues dans ces textes éviterait, parfois, la multiplication de situations dramatiques.
Pour conclure, j'ai été stupéfait de constater que l'ordonnance de protection était si peu demandée, donc si peu délivrée. Quand elle est prononcée, c'est parfois au bout de délais très - trop - longs.
Or je rappelle que, selon la loi, lorsque la victime est en danger, le juge aux affaires familiales peut lui délivrer en urgence - j'insiste bien sur cette exigence, car il est des cas où l'intervention se doit d'être extrêmement rapide -, une ordonnance de protection. Pourtant, dans la pratique, cette procédure est décidée deux, trois, voire quatre semaines après que la victime en a fait la demande !
Je sollicite donc des précisions sur l'ensemble des initiatives que le Gouvernement entend prendre au sujet des différents points que je viens d'évoquer.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale. Monsieur le sénateur, vous avez appelé l'attention du Gouvernement sur l'application des dispositions de deux lois : la loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs et la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants.
Les chiffres demeurent terrifiants : une femme décède tous les deux jours et demi sous les coups de son compagnon ; on estime à 650 000 le nombre de femmes de 18 à 75 ans ayant déclaré en 2010 avoir été victimes de violences sexuelles ou physiques hors et dans le ménage ; près d'une femme sur dix dans notre pays, soit 3 millions de femmes, ont été victimes de violences au cours de leur vie.
Comme vous le savez, la mise en œuvre de ces deux lois est aujourd'hui pleinement engagée.
Ce sont ainsi près de 600 ordonnances de protection qui ont été prononcées depuis 2010.
Par ailleurs, le Gouvernement a présenté un troisième plan interministériel de lutte contre les violences faites aux femmes pour la période 2011-2013, qui mobilisera 31,6 millions d'euros, soit 30 % de moyens supplémentaires par rapport au plan précédent.
La question de la formation des professionnels concernés est également prise en compte par ce plan. En outre, celui-ci, comme vous l'avez souligné, monsieur le sénateur, développe des actions d'information au sein des écoles en faveur de l'égalité entre les hommes et les femmes, de la lutte contre les préjugés sexistes et les violences faites aux femmes ou commises au sein du couple, conformément à l'objectif fixé par la loi du 9 juillet 2010.
Pour améliorer la sensibilisation au fléau que sont ces violences, le Gouvernement a lancé une campagne d'information nationale le 25 novembre dernier lors de la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes.
M. Roland Courteau. Conformément à la loi !
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État. Cette campagne d'information portait sur les violences conjugales, mais aussi les viols et les agressions sexuelles. Elle encourageait les femmes à « oser parler » de ces agressions, en composant le 3919.
Nous tenons à remercier très vivement tous les parlementaires qui ont accepté de porter, à cette occasion, le ruban blanc, symbole international, depuis 1991, de la lutte contre les violences faites aux femmes. Ils ont ainsi témoigné de leur attachement à cette cause qui dépasse les clivages partisans.
Faut-il encore rappeler qu'elle concerne également la prostitution, violence faite aux femmes, violence de genre ?
La ministre des solidarités et de la cohésion sociale, Roselyne Bachelot-Narquin, a eu l'occasion de réaffirmer sa détermination devant le Parlement le 6 décembre dernier, à l'occasion de l'examen de la proposition de résolution réaffirmant la position abolitionniste de la France en matière de prostitution.
Je le dis ici avec fermeté : la prostitution constitue une profonde atteinte à la liberté et à la dignité des femmes.
M. Roland Courteau. C'est vrai !
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État. Nous devons lutter sans relâche contre toutes les formes de violences faites aux femmes.
Il s'agit pour nous d'être cohérents avec notre volonté de construire une démocratie où la dignité des femmes est garantie et l'égalité entre les femmes et les hommes une réalité enfin quotidienne.
Pour cela, je ne doute pas qu'il faille encore bien du temps et qu'un long chemin devra être parcouru avant de faire changer certaines mentalités.
C'est l'honneur du Parlement que d'avoir voté ces lois à l'unanimité ; c'est l'honneur du Gouvernement, monsieur le sénateur, que de les mettre en œuvre.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Madame la secrétaire d'État, concernant la prostitution, peut-être faudrait-il revoir la loi de 2003, qui sanctionne le racolage actif ou passif. En effet, les prostituées sont, dans la plupart des cas, des victimes et non des coupables.
Quoi qu'il en soit, je vous remercie de votre réponse et je prends acte de vos propos sur un certain nombre de points.
Je note, cependant, que vous ne m'avez pas apporté les précisions que j'avais demandées sur la non-publication d'un certain nombre de rapports. Or les deux textes de loi auxquels j'ai fait référence en posant ma question obligent le Gouvernement à déposer ces rapports sur le bureau des assemblées parlementaires.
Je serai extrêmement attentif aux suites qui seront réservées à ma question orale.
C'est un dossier que je ne lâcherai jamais : trop de souffrances, de détresses, de malheurs gravitent autour de ce type de violences, qu'il faudra bien un jour parvenir à éradiquer !
Vous ne m'avez pas non plus donné de réponse sur l'ordonnance de protection, que j'ai également évoquée. Les délais à l'issue desquels celle-ci est délivrée sont trop longs. N'oublions pas que la victime est en danger. Sur ce point, madame la secrétaire d'État, il serait bon que vous fassiez savoir au ministre de la justice qu'une circulaire serait la bienvenue afin de concilier à la fois l'exigence de rapidité et le respect des droits de la défense. Il est en effet urgent d'agir.
Il se pourrait bien, d'ailleurs, que nous déposions très prochainement une proposition de résolution en ce sens.
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