M. Hervé Maurey attire l'attention de M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé sur les recommandations de la Cour des comptes relatives à la régulation de l'installation des médecins.
Alors que la France n'a jamais compté autant de médecins, des territoires entiers, ruraux ou périphériques des grandes agglomérations, connaissent un dramatique phénomène de désertification médicale. Les causes de ce phénomène sont multiples et connues : féminisation de la profession, baisse de l'intérêt pour l'exercice libéral, faible attractivité de la « médecine générale », augmentation de la demande de soins, héliotropisme etc. Il en résulte une inégalité inacceptable dans l'accès aux soins pour nos concitoyens résidant dans des zones sous-médicalisées et une surconsommation manifeste de soins dans les zones sur-médicalisées.
Dans son dernier rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale remis en septembre 2011, la Cour des comptes, déplorant la redondance des aides accordées par l'État, les collectivités territoriales et l'assurance maladie, plaide donc pour une régulation de l'installation des futurs médecins. Pour reprendre les termes utilisés par la Cour « une action publique efficace en faveur d'une meilleure répartition géographique apparait comme une exigence impérieuse ».
Constatant le succès de la régulation de l'installation des infirmiers obtenue dans le cadre des négociations conventionnelles en 2008 et en 2011, elle rappelle que de nombreux pays ont fait le choix de cette régulation pour les médecins tels que l'Allemagne, l'Autriche, l'Angleterre ou la Suisse. Aussi, la Cour recommande une révision de l'avenant 20 de la convention médicale pour a minima moduler « la prise en charge des cotisations sociales des médecins, y compris ceux déjà installés, en fonction de leur répartition territoriale ».
Aussi il lui demande de bien vouloir lui indiquer quelles suites le Gouvernement entend donner aux recommandations de la Cour des comptes.
M. Hervé Maurey. Dans son dernier rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale remis au mois de septembre 2011, la Cour des Comptes déplore la redondance des aides accordées par l'État, les collectivités territoriales et l'assurance maladie en matière de lutte contre la désertification médicale. Elle souligne leur coût important et s'interroge sur leur efficacité.
En effet, alors que la France n'a jamais compté autant de médecins - plus de 216 000 -, des territoires entiers connaissent un dramatique phénomène de désertification médicale, qui touche particulièrement les territoires ruraux. Ainsi, le département de l'Eure dont je suis l'élu est le moins bien doté en termes de médecins, avec une densité de 101,2 médecins généralistes en exercice pour 100 000 habitants, dont plus d'un tiers sont âgés de plus de cinquante-cinq ans, contre 226,9 à Paris.
Les causes de ce phénomène, qui touche aussi certains quartiers périphériques de grandes agglomérations, sont multiples et connues : féminisation de la profession, baisse de l'intérêt pour l'exercice libéral, faible attractivité de la médecine générale, augmentation de la demande de soins,...
Cette situation est doublement inacceptable. D'une part, elle aggrave les inégalités dans l'accès aux soins entre nos concitoyens : selon le lieu où l'on habite, le droit à la santé n'est pas le même, ce qui est tout à fait contraire au pacte républicain de notre pays qui, justement, repose sur l'égalité. D'autre part, elle entraîne une surconsommation manifeste de soins dans les zones surmédicalisées. À ce titre, je m'étonne que le Président de la République, dans son discours de Bordeaux du 15 novembre dernier intitulé « Préservation de notre modèle social et lutte contre les fraudes à la sécurité sociale », n'ait pas évoqué ce sujet.
Dès le mois de mai 2009, lors de l'examen du projet de loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, j'ai défendu devant la Haute Assemblée des amendements visant, comme le recommande la Cour des comptes, à réguler l'installation des médecins. Force est de constater qu'ils n'ont été soutenus ni par la droite ni par la gauche, à quelques exceptions près...
Au mois d'avril 2011, lors de l'examen de la proposition de loi dite « Fourcade », j'ai rappelé ma conviction selon laquelle tenter de régler le problème de la désertification médicale uniquement par des mesures incitatives était une démarche coûteuse et inefficace.
La Cour des Comptes n'affirme pas autre chose quand elle souligne qu'« une action publique efficace en faveur d'une meilleure répartition géographique apparaît comme une exigence impérieuse ». C'est pourquoi elle recommande une révision de l'avenant n° 20 à la convention médicale pour, a minima, moduler la prise en charge des cotisations sociales des médecins, y compris ceux déjà installés, en fonction de leur répartition territoriale et plafonner les aides perçues.
Aussi, j'aimerais connaître le coût des mesures dites incitatives mises en place tant par l'État que par les collectivités territoriales ou par l'assurance maladie ainsi que leur retour sur investissement. Par ailleurs, je souhaiterais savoir quelles suites le Gouvernement entend donner à ce très intéressant rapport de la Cour des comptes.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nadine Morano, ministre auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle. Monsieur le sénateur, les solutions à apporter au problème de la démographie médicale sur le territoire, telles que les mesures incitatives existantes, l'augmentation depuis plusieurs années du numerus claususet le rééquilibrage entre médecine générale et médecine de spécialité, ont été complétés par des mesures portant sur l'installation des praticiens libéraux.
Ainsi, en application de l'article 46 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, les missions régionales de santé ont été chargées de définir des zones différenciées en fonction de la densité des professionnels de santé, et non plus en fonction du nombre de zones déficitaires en professionnels de santé. Cela est de nature à permettre aux dispositifs conventionnels de s'appliquer dans les zones sous-dotées. Cette compétence est désormais exercée par les agences régionales de santé.
En ce qui concerne la régulation démographique des médecins libéraux, l'avenant n° 20 à la convention nationale médicale de 2005 prévoit un dispositif incitatif visant à encourager l'installation en exercice regroupé des médecins dans les zones très sous-dotées. Celui-ci prévoit une majoration de 20 % de l'activité des médecins dans ces zones. Selon les estimations de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, cet avenant aurait permis l'installation de 773 médecins en zones déficitaires en 2010.
Ce dispositif a été repris avec quelques aménagements par la nouvelle convention médicale de 2011, approuvée par arrêté du 22 septembre 2011, qui prévoit deux nouvelles options : la première, dite « démographie territoriale », a pour objectif d'encourager les médecins à s'installer, à maintenir leur cabinet de groupe ou à être organisés en pôles dans les zones à faible densité en professionnels de santé pendant trois ans ; la seconde, dite « santé solidarité territoriale », tend à inciter les médecins qui n'exercent pas en zones sous-dotées à venir prêter main-forte aux médecins y exerçant, au moins vingt-huit jours par an.
Les médecins qui adhéreront à la première option percevront une aide à l'investissement d'un montant de 5 000 euros par an pour une installation au sein d'un groupe et d'un montant de 2 500 euros par an si elle s'effectue au sein d'un pôle. Par ailleurs, ils recevront une aide proportionnelle à leur activité dans la zone sous-dotée : 10 %, dans la limite de 20 000 euros, s'ils exercent au sein d'un groupe, et 5 %, dans la limite de 10 000 euros, si c'est dans le cadre d'un pôle.
Les médecins qui adhéreront à la seconde option bénéficieront d'une rémunération complémentaire d'un montant de 10 % de leur activité dans la zone sous-dotée, dans la limite de 20 000 euros, et de la prise en charge des frais de déplacement.
Il est vrai que les options « démographie territoriale » et « santé solidarité territoriale » ne comportent pas de modulation de la prise en charge des cotisations pour les médecins qui s'installent en zone sous-dotée, comme vous l'indiquez dans votre question. Je rappelle que ces mesures relèvent de la seule compétence des partenaires conventionnels, qui n'ont pas jugé opportun de mettre en place une telle modulation.
Enfin, des contrats d'engagement de service public pour les étudiants et internes en médecine ont été créés en 2009. Ils prévoient le versement à leur profit d'une allocation mensuelle de 1 200 euros jusqu'à la fin des études médicales en contrepartie de leur engagement à exercer dans une zone où l'offre de soins est insuffisante à l'issue de leurs études. Pour assurer la montée en charge de ce dispositif, 400 nouveaux contrats ont été mis en place à la rentrée 2011.
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Madame la ministre, vous avez rappelé l'attachement du Gouvernement aux mesures incitatives en décrivant les dispositifs mis en place à cet effet.
Pour ma part, je pense que de telles mesures ne suffiront pas à régler les problèmes de démographie médicale que connaît aujourd'hui notre pays. Je suis sûr que, dans quelques années, nous serons conduits à prendre des décisions plus fortes, la situation ne cessant de se dégrader.
La Cour des comptes rappelle d'ailleurs qu'un certain nombre de pays, comme l'Allemagne, l'Autriche, l'Angleterre ou la Suisse ont déjà fait ce choix. Son rapport précise également que la négociation qui prévoit la régulation de l'installation des infirmières donne d'ores et déjà des résultats positifs.
À défaut de vous convaincre, ce à quoi je ne m'attendais pas ce matin, j'aurais au moins aimé avoir une réponse à une question purement statistique, factuelle : puis-je enfin savoir quel est le coût total des mesures incitatives mises en place par l'État, les collectivités et la Caisse nationale d'assurance maladie ? Malheureusement, cette interrogation semble taboue, couverte par je ne sais quelle loi du silence. Je la réitère donc !
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