M. Claude Léonard attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les inconvénients du prêt viager hypothécaire instauré lors de la réforme des sûretés en mars 2006.
Ce dispositif, qui a comme objectif louable de faciliter l'accès des personnes âgées au crédit s'avère être particulièrement onéreux. En effet, outre que les rares établissements de crédit qui le distribuent pratiquent des taux d'intérêts élevés, de l'ordre de 9 % l'an, les intérêts cumulés sur une longue période en font un produit extrêmement cher: ainsi, pour une somme de 100 000 euros qui sera prêtée, le remboursement à l'issue d'une période de vingt ans s'élèvera à la somme de 500 000 euros.
Il lui demande de bien vouloir préciser les mesures que le Gouvernement compte mettre en oeuvre visant à faire en sorte que ce type de prêt ait un coût plus raisonnable pour les emprunteurs ou pour leurs héritiers.
M. Claude Léonard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le prêt viager hypothécaire, introduit dans notre droit en 2006, est une forme de crédit qui s'inspire du droit anglo-saxon et permet à un ou plusieurs emprunteurs âgés, propriétaires de leur logement, de convertir leur capital immobilier en liquidités. Il représente souvent pour eux le seul moyen d'accéder à l'emprunt.
La banque leur propose un prêt garanti par la prise d'une hypothèque sur un bien immobilier à usage exclusif d'habitation : ce prêt porte intérêts qui se cumulent au fil des années. Le capital et les intérêts ne sont remboursés qu'au décès du ou des emprunteurs, le principe étant que la banque se rembourse en procédant à la vente du bien immobilier.
Ce système présente un avantage : des personnes âgées, propriétaires de leur résidence principale, qui ont besoin de liquidités pour une raison ou une autre, peuvent bénéficier d'un emprunt dont ils ne remboursent aucune échéance.
Mais comme souvent, cette belle médaille a également son revers. En l'occurrence, ce prêt viager hypothécaire a un coût non négligeable : une publicité récente du Crédit foncier de France, qui distribue ce type de produit, vient le confirmer : pour un prêt viager hypothécaire de 57 600 euros, la valeur du bien immobilier apporté en garantie étant de 320 000 euros, le coût global du crédit sera de 262 265 euros et le taux effectif global de 9,30 %. En d'autres termes, les emprunteurs, ou leurs héritiers, rembourseront à l'issue d'une période de vingt ans près de cinq fois la somme empruntée, ce qui semble tout de même excessif.
En comparaison, si un prêt in finepouvait leur être accordé sur une période de vingt ans, avec le même taux d'intérêt de 9,30 %, la même garantie hypothécaire et les mêmes frais, le coût global du crédit ne serait que de 164 720 euros, soit le capital de 57 600 euros, augmenté des intérêts, c'est-à-dire 446,33 euros mensuels multipliés par 240 mois, soit 107 120 euros. On est très loin des 262 265 euros du prêt viager hypothécaire ! En effet, dans le cas du prêt in fine,le capital restant sera de 262 400 euros, les intérêts ayant été payés. Avec le prêt viager hypothécaire, en revanche, il ne restera que 57 735 euros, les intérêts s'étant cumulés et ayant eux-mêmes produit des intérêts.
Je sais qu'en l'état actuel cette dernière solution se heurterait à un problème d'assurance. C'est d'ailleurs étonnant car, avec une garantie hypothécaire et la mise à disposition d'un capital ne représentant qu'une faible partie du bien hypothéqué, la banque ne court aucun risque.
Quoi qu'il en soit, le prêt viager hypothécaire constitue une solution lorsque d'autres ne sont plus possibles. Il conviendrait cependant de le rendre moins onéreux pour les emprunteurs ou leurs héritiers. Je compte sur le Gouvernement pour œuvrer en ce sens.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser M. François Baroin qui, ne pouvant être présent ce matin au Sénat, m'a confié le soin de vous répondre.
Vous m'interrogez sur le coût des prêts viagers hypothécaires. J'attire tout d'abord votre attention sur le fait qu'il s'agit d'un produit très spécifique, pour lequel le prêteur supporte, malgré tout, un risque plus élevé que pour les prêts classiques.
Ce prêt permet aux seniors de bénéficier de versements périodiques pour financer leurs dépenses de consommation, et ce jusqu'à leur décès. Son mode de fonctionnement engendre des risques spécifiques, plus élevés que pour un crédit hypothécaire « classique ».
Tout d'abord, la dette s'accroît au cours du temps, puisque le remboursement se fait in fine, ce qui introduit un risque spécifique de longévité : si l'emprunteur vit très longtemps, la dette peut s'accroître au-delà de la valeur du bien hypothéqué. Or, vous le savez, l'espérance de vie augmente chaque année.
De plus, pendant ce délai où la dette s'accroît, l'évolution du marché immobilier présente un risque. Cela n'a pas manqué de peser sur le développement de ce produit, puisque son lancement est intervenu peu de temps avant une période marquée, comme vous le savez, par une incertitude forte pesant sur la valeur des biens immobiliers, voire par des baisses dans certaines régions.
On peut s'interroger sur les mesures qui seraient susceptibles de faciliter la diffusion du prêt viager hypothécaire, et donc de diminuer son prix. Lors de sa création, il a été décidé d'en interdire le démarchage. C'est un frein significatif à son développement, puisque les seniors sont généralement moins mobiles que les autres consommateurs. C'est également un frein à une concurrence plus forte. C'est aussi néanmoins, pour ce public fragile, une protection importante contre les abus. Aussi, le Gouvernement estime qu'il n'est pas souhaitable, à ce stade, de lever les garde-fous prévus par la loi.
Enfin, au-delà des prêts viagers hypothécaires, l'accès au crédit des seniors progresse. Les statistiques de l'Observatoire des crédits aux ménages montrent que les ménages de seniors représentent une part croissante du nombre total de ménages ayant accès au crédit à la consommation : les 55-64 ans représentaient ainsi 16 % des ménages endettés en 2010, contre 13,4 % en 1989.
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