Mme Mireille Schurch attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration sur le protocole d'accord relatif à la réforme de la filière des sapeurs-pompiers professionnels.
Le Gouvernement l'a élaboré avec la « Dynamique des acteurs de la sécurité civile » qui regroupe une association, la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF) et quatre organisations syndicales
(SNSPP-CFTC, FO, UNSA, Avenir-secours-CGC).
L'article 8 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires, mentionné par l'article 23 de la loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010, relative à la rénovation du dialogue social, stipule que la validité d'un accord est subordonnée à la représentativité des organisations parties prenantes à la négociation.
Or l'intersyndicale (CGT, FA-SPP, CFDT, Sud) dénonce cet accord au motif qu'elle n'était partie prenante ni lors de la négociation, ni à sa signature le 23 septembre 2011, alors que les organisations qu'elle regroupe ont obtenu plus de 50 % des voix aux dernières élections professionnelles.
Elle lui demande donc de bien vouloir lui indiquer, d'une part, si cet accord est légal et, d'autre part, la manière dont il entend instaurer une négociation avec l'ensemble des organisations syndicales de salariés représentatives afin de poursuivre la réflexion sur la modernisation de la filière des sapeurs-pompiers.
Mme Mireille Schurch. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question orale reprend les questions orales posées par plus d'une dizaine de parlementaires depuis le mois d'octobre dernier et restées sans réponse à ce jour. Elle concerne en effet la validité du protocole d'accord relatif à la réforme de la filière des sapeurs-pompiers professionnels.
Ce protocole est l'aboutissement d'une réflexion qui a réuni, au cours de l'été dernier, d'une part, les services de l'État et, d'autre part, quelques organisations syndicales et une association regroupées sous le nom de « Dynamique des acteurs de la sécurité civile ». Le 23 septembre dernier, lors du congrès de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, le protocole a été officiellement signé par le ministre de l'intérieur, les secrétaires de quatre organisations syndicales et le président de cette fédération.
Tout irait donc pour le mieux, les sapeurs-pompiers attendant depuis plusieurs années une réforme portant sur le déroulement de leur carrière et la promotion professionnelle. Ce serait oublier que les principaux représentants de personnels de la sécurité civile ont été écartés des négociations et de l'accord qui en a suivi : il s'agit des organisations syndicales CGT, CFDT et Autonomes, qui représentent près des deux tiers des personnels, d'après les résultats obtenus aux élections professionnelles de 2008.
Or la loi du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social, qui modifie la loi du 13 juillet 1983, repose sur le postulat suivant : les organisations syndicales représentatives ont qualité pour mener, avec le Gouvernement, des négociations. En effet, conformément aux termes de son article 8 bis, « les organisations syndicales disposant d'au moins un siège dans les organismes consultatifs au sein desquels s'exerce la participation des fonctionnaires et qui sont déterminées en fonction de l'objet et du niveau de la négociation » sont appelées à participer à ces négociations.
Par conséquent, la validité du protocole de niveau national dont il est question peut être remise en cause sur quatre points.
Premièrement, trois organisations syndicales majoritaires - CGT, CFDT et Autonomes - ont eu connaissance d'un texte négocié sans elles et qu'elles ne pouvaient pas amender, quatre jours seulement avant sa signature.
Deuxièmement, le texte a été approuvé seulement par trois organisations syndicales - CFTC, UNSA et FO - minoritaires puisqu'elles n'ont recueilli que 39 % des voix aux élections professionnelles.
Troisièmement, il est cosigné par une organisation syndicale - Avenir-secours-CGC - qui n'est plus représentative au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale depuis 2008.
Quatrièmement, il est cosigné par la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, association régie par la loi de 1901, qui n'a pas compétence pour négocier, aux termes des accords de Bercy portant sur le renouveau du dialogue social.
Enfin, il convient de le souligner, l'Assemblée des départements de France n'a pas non plus été consultée, alors même que les départements sont les principaux employeurs et financeurs de cette filière. Son bureau a ainsi refusé de signer, le 11 octobre 2011, le protocole.
Constatant ces irrégularités et cette absence de consensus, je vous demande donc, monsieur le ministre, de revenir sur ce protocole.
Par ailleurs, pourriez-vous m'indiquer la manière dont vous entendez instaurer une négociation avec l'ensemble des organisations syndicales de salariés représentatives, dans le respect des dispositions réglementaires et statutaires en matière de dialogue social, afin de poursuivre la réflexion sur la modernisation de la filière des sapeurs-pompiers ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales. Madame la sénatrice, vous avez appelé l'attention du ministre de l'intérieur sur la validité du protocole d'accord relatif à la réforme de la filière des sapeurs-pompiers professionnels et sur les modalités de négociations avec les organisations syndicales représentatives.
Une première réunion de négociation s'est tenue le 5 juillet 2011, au cours de laquelle toutes les organisations syndicales ont quitté la salle. Des réunions de travail ont ensuite été organisées pendant l'été, à la demande de plusieurs organisations syndicales, afin de formuler une nouvelle proposition, et la négociation a été rouverte le 20 septembre dernier.
La CGT, la CFDT et FA-FPT ont considéré que les propositions n'étaient pas acceptables et ont de nouveau quitté la salle.
Je précise que la CGC, qui n'est plus membre du CSFPT, le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, mais qui est largement majoritaire chez les cadres de cette profession, est par ailleurs représentée au sein de la Conférence nationale des services d'incendie et de secours, la CNSIS. Aussi a-t-elle participé aux réunions de travail, mais n'a siégé, aux séances de négociations du 5 juillet et du 20 septembre, qu'en qualité d'expert.
Le dialogue social sur la réforme de la filière des sapeurs-pompiers poursuit son cours normal, puisque les projets de décrets résultant du protocole signé le 23 septembre 2011 seront soumis, le 1er février prochain, à l'avis de la Conférence nationale des services d'incendie et de secours, puis, le 15 février, au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, et enfin, le 1er mars, à la Commission consultative d'évaluation des normes, la CCEN.
Ces instances sont les lieux du débat entre les différents acteurs de la sécurité civile dans le premier cas, entre les employeurs et les représentants des fonctionnaires territoriaux dans le deuxième cas, et avec les élus locaux, sur le plan financier, dans le troisième cas.
Le dialogue avec les organisations syndicales représentatives, qui a débuté en juillet 2011, se poursuivra donc dans le cadre du CSFPT et de sa préparation, notamment, ainsi que dans celui de la CNSIS.
Les textes présentés constitueront des avancées sociales majeures attendues par la profession et une modernisation de nature à garantir un meilleur service public d'incendie et de secours sur le territoire.
Madame la sénatrice, telles sont les précisions que souhaitait vous apporter le ministre de l'intérieur.
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Monsieur le ministre, je ne manquerai pas de faire part de votre réponse aux sapeurs-pompiers professionnels, qui sont très attentifs à toutes ces questions.
Ce sont tout de même vos services qui, par la voix du directeur adjoint de la toute nouvelle direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises, ont reconnu que les négociations s'étaient déroulées avec « des » organisations syndicales et une association.
Chacun pourra donc apprécier le souci qu'a le Gouvernement de respecter la démocratie représentative, disqualifiant ou non ses interlocuteurs selon des critères qui lui sont propres.
Devant ce constat, les syndicats majoritaires ont d'ailleurs déposé une requête devant le Conseil d'État. Pourtant, le Président de la République avait souhaité être exemplaire dans le domaine du dialogue social.
Aujourd'hui, cependant, vous poursuivez votre marche forcée dans le mépris du consensus, souhaitant en finir au plus vite. Ainsi, vous nous avez confirmé que 21 projets de décrets préparés à partir de ce que vous nommez « protocole », lequel n'a donc pas été validé par l'ensemble des instances syndicales, seront présentés à la Conférence nationale des services d'incendie et de secours, le 15 février prochain.
J'en appelle donc à la vigilance des membres de la Conférence, maires, conseillers généraux, parlementaires, ainsi qu'à celle de son président, notre collègue Yves Rome.
Ce dernier a en effet déclaré, lorsqu'il a pris la présidence, qu'il veillerait à « associer dans une collaboration étroite, franche et respectueuse tous les acteurs du secteur ».
Il est nécessaire que toute réforme statutaire d'une telle importance soit le fruit d'une négociation respectueuse du nombre et de la représentativité des organisations syndicales.
Monsieur le ministre, il est indispensable de rétablir le dialogue avec l'ensemble des personnels de la sécurité civile, dont chacun loue régulièrement le courage, le dévouement et l'abnégation. Je vous encourage à agir en ce sens.
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