M. Christian Cambon demande à M. le secrétaire d'État chargé de l'emploi si un centre de formation par l'apprentissage est fondé, dans son règlement intérieur, à interdire aux stagiaires en contrat de professionnalisation le port d'insignes religieux ostensibles, tel que le voile, notamment. En effet, de nombreux établissements se sont vus attaquer en justice et condamner pour délit de discrimination. Or, ce type de prohibition relève de l'organisation scolaire et du projet éducatif du CFA, sans que ce dernier ne viole son obligation d'accueillir des jeunes en dehors de toute distinction d'origine, d'opinion ou de croyance. Autrement dit, la norme interne à l'établissement tendrait, non pas à exclure une catégorie de personnes mais, au contraire, à assurer l'égalité et la sécurité de tous, dans le respect des principes de neutralité et de laïcité. De plus, l'application concrète de ces principes, tout aussi fondamentaux que la liberté religieuse, devrait permettre d'éviter toute tension entre les différentes communautés accueillies dans le CFA. Par ailleurs, les centres de formation par l'apprentissage sont des organismes privés assurant une mission de service public d'éducation et ils devraient ainsi pouvoir, dans leur règlement intérieur, restreindre le port de signes religieux. Toutefois, cette position les expose à une situation d'insécurité juridique comme en témoignent les procédures qui les touchent. En effet, si le législateur est intervenu pour ce qui concerne l'entreprise privée, les établissements publics scolaires et les établissements publics dispensant un enseignement supérieur, rien n'a été dit ni écrit sur le cas particulier des CFA. Aussi, face à ce vide juridique, il lui demande quelle réponse le Gouvernement peut apporter aux directeurs d'établissements qui, de plus en plus nombreux, se trouvent confrontés à ce type de problèmes qu'ils ne parviennent pas ou plus à gérer en l'état actuel des textes législatifs ou réglementaires.
La loi du 15 mars 2004 ne proscrit le port de signes ou tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse quelconque que dans les écoles, collèges et lycées publics. La circulaire du ministère de l'éducation nationale en date du 18 mai 2005 ne mentionne pas le cas particulier des centres de formation d'apprentis (CFA). Toutefois, par une décision du 8 juin 2010, la cour d'appel de Paris a précisé en partie la règle à appliquer. En effet, elle condamne un CFA francilien pour un délit de discrimination à l'encontre d'une apprentie exclue, car portant un foulard islamique interdit par le règlement de l'établissement. Elle relève que le CFA n'a pas été en mesure de « démontrer que la partie civile portait son voile de façon ostentatoire et dans un but de prosélytisme ». Pour mémoire, le Conseil d'État estime que le seul port du foulard ne constitue pas en lui-même un acte de pression ou de prosélytisme (CE, 27 novembre 1996, n° 170209, publié au recueil Lebon). Selon la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE), qui s'est constituée partie civile au procès en appel, rien n'empêchait la jeune femme de porter librement son voile : « En l'état du droit positif, seules des circonstances particulières rendant incompatibles le port du foulard avec des exigences de sécurité et/ou de santé ou un comportement prosélyte incompatible avec le bon déroulement de la formation pourraient justifier des restrictions à la liberté religieuse des stagiaires » (délibération du 14 décembre 2009). De fait, les organismes de formation privés ne peuvent en principe prévoir dans leur règlement intérieur des restrictions relatives au port de signes religieux ostensibles que sur des motifs de sécurité des personnes ou de respect de l'ordre public. Dès lors, un CFA (à distinguer d'une section d'apprentissage intégrée à un lycée professionnel) ne paraît pouvoir proscrire le port des signes religieux ostensibles que pour un motif sérieux de sécurité ou d'ordre public. S'agissant des apprentis accueillis dans les sections d'apprentissage intégrées à des lycées professionnels, deux cas peuvent se présenter : soit le lycée concerné est un établissement public, auquel cas le port de signes religieux ostensibles est interdit, à tout le moins pendant les heures de présence conjointe d'apprentis et d'élèves sous statut scolaire ; soit le lycée professionnel est un établissement privé, auquel cas les règles applicables, s'agissant du port d'insignes religieux, dépendent exclusivement du règlement intérieur de l'établissement, en vertu de la jurisprudence de la Cour de cassation (ch. civ. 21 juin 2005 n° 02-19831). S'agissant des élèves de 15 ans en préapprentissage sous statut scolaire dans un CFA, il semble qu'il faille appliquer par analogie la règle fixée par la circulaire du ministère de l'éducation datée du 18 mai 2004. Celle-ci précise que la loi de 2004 « ne s'applique pas aux candidats qui viennent passer les épreuves d'un examen ou d'un concours dans les locaux d'un établissement public d'enseignement » ; ainsi, l'application des dispositions de la loi de 2004 a un caractère « géographique » et non « personnel », c'est-à-dire qu'elle ne s'étend pas aux élèves des établissements qu'elles couvrent, lorsque ces élèves sont à l'extérieur de ces établissements. Dès lors, même les jeunes sous statut scolaire, lorsqu'ils sont accueillis dans un CFA, se trouvent hors du champ d'application de la loi de 2004 et ils ont toute latitude, ainsi que les autres jeunes qui fréquentent le centre, pour porter des signes religieux dès lors qu'il n'y a pas de risque de sécurité ni de trouble avéré à l'ordre public.
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.