Mme Mireille Schurch. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, notre assemblée a adopté, en 2009 et 2010, les lois dites Grenelle 1 et Grenelle 2, avec, pour objectif, la lutte contre le changement climatique, pointant notamment l'objectif de croissance de 25 % de la part du fret non routier dans le transport de marchandises d'ici à 2020.
Le secteur des transports constitue un levier d'action majeur pour l'efficacité énergétique, puisqu'il représente 32 % de la consommation d'énergie au niveau européen imputable, pour sa plus grande partie, à la route.
Malheureusement, ces objectifs de rééquilibrage modal sont aujourd'hui inversés : au lieu de passer de la route au rail, on passe du rail à la route ! Cela est dû à la politique de démantèlement du fret ferroviaire menée par la SNCF et le Gouvernement. Encore récemment, vous avez persévéré dans cette impasse avec une législation particulièrement favorable au fret routier généralisant notamment les 44 tonnes.
Pourtant, comment ne pas voir que cette politique est contre-productive ? La fermeture de nombreuses gares de triage, l'abandon à 60 % du transport par wagon isolé, ainsi que l'ouverture à la concurrence n'ont permis que de réduire l'activité de fret dans notre pays et d'accroître le rejet de CO2 de 300 000 tonnes par an, ce qui est totalement à contre-pied de nos objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre !
Ces décisions sont d'autant moins compréhensibles que la SNCF connaît une bonne santé financière, comme en témoigne le versement de 230 millions d'euros de dividendes à l'État, qui se comporte ainsi non en stratège de ce secteur de service public, mais bien en actionnaire à la recherche d'une rentabilité utile pour mener ces politiques d'austérité.
(M. le secrétaire d'État sourit.)
Ma question sera simple : quelles décisions comptez-vous prendre pour enrayer le déclin du fret ferroviaire et qualifier le transport par wagon isolé d'activité d'intérêt général, seule mesure capable d'enrayer son déclin ?
M. Didier Guillaume. Très bien !
Mme Mireille Schurch. Quand sera mise en œuvre la taxe poids lourds fléchée pour le report modal ?
Sans ces décisions fortes, monsieur le secrétaire d'État, vous ne pouvez pas vous prévaloir d'une politique d'efficacité énergétique pertinente.
(Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Joël Labbé applaudit également.)
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, malgré la crise économique qui affecte fortement l'activité du transport de marchandises, en particulier le mode ferroviaire, les objectifs du Grenelle de l'environnement que vous venez de rappeler et que j'ai évoqués tout à l'heure, à savoir porter la part modale des transports alternatifs à la route de 14 % à 25 % à l'échéance 2022, restent d'actualité. Ce changement de cap inscrit dans le Grenelle de l'environnement reste évidemment notre feuille de route.
L'atteinte de ces objectifs passe avant tout par la reconquête de parts de marché par le fret ferroviaire et, à terme, la croissance des modes les plus respectueux de l'environnement doit être assurée par 85 % de ferroviaire et 15 % de fluvial. C'est la raison pour laquelle l'État s'est évidemment mobilisé.
Ainsi avons-nous, notamment en 2009, présenté en conseil des ministres l'engagement national pour le fret ferroviaire. Cet engagement de plus de 7 milliards d'euros d'ici à 2020 nous permettra de travailler sur les secteurs innovants tels que les autoroutes ferroviaires, les transports combinés, les transports de fret à grande vitesse. Je pense aussi, bien évidemment, à des actions plus conventionnelles, à savoir le travail sur l'accès des infrastructures, la définition d'un « réseau orienté fret », ROF, et l'amélioration de la capacité de ce réseau, notamment par les opérations d'électrification, qui viennent d'être évoquées.
Bien évidemment, l'ensemble de ces actions a pour finalité d'accélérer le report modal de la route vers le fer par l'amélioration de la productivité et de la compétitivité du mode ferroviaire. Ce sont des décisions qui ont été prises, des engagements qui sont tenus et, évidemment, les objectifs du Gouvernement de respecter les engagements du Grenelle de l'environnement restent ambitieux, pleins et entiers.
M. Bruno Sido. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch, pour la réplique.
Mme Mireille Schurch. Monsieur le secrétaire d'État, j'ai l'impression que vos mesures ne fonctionnent pas vraiment !
M. Bruno Sido. Oh !
Mme Mireille Schurch. Au-delà de cette réponse, je m'étonne que le Plan 2011 pour l'efficacité énergétique proposé par la Commission européenne couvre tous les secteurs, sauf le transport. De plus, je m'inquiète qu'aucun accord politique n'ait été trouvé en faveur d'une politique européenne contraignante pour atteindre l'objectif indicatif de 20 % d'économies d'énergie d'ici à 2020.
Au vu de la part des transports dans la consommation d'énergie finale française, il est, me semble-t-il, impératif de mettre en place de véritables mesures soutenant le report modal et l'efficacité des modes de transport utilisés.
Être un « État exemplaire », c'est privilégier un réseau ferré cohérent sur tout le territoire, impulser une réelle amélioration des transports urbains et périurbains.
Une politique énergétique ambitieuse appelle l'intervention de l'État, un soutien public aux modes alternatifs à la route et non la poursuite d'une libéralisation qui n'a pas fait ses preuves.
Malheureusement, au vu du déroulement des Assises du ferroviaire, qui avaient pour seul objectif d'acter l'ouverture à la concurrence des TER, nous sommes encore loin de l'exemplarité que vous revendiquez !
(Mme Éliane Assassi applaudit.)
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