M. Roland Courteau. Monsieur le secrétaire d'État, il existe de colossaux gisements d'économies d'énergie à réaliser à la fois dans l'intérêt de l'environnement et dans celui des particuliers. Je pense tout particulièrement aux quatre à cinq millions de ménages qui habitent des logements « passoire » et qui sont plongés dans la précarité énergétique.
L'essentiel des gisements d'économies d'énergie se trouvent non pas dans les enseignes lumineuses, comme cela a été dit, mais plutôt dans le bâti,…
M. Jacques Chiron. Exact !
M. Roland Courteau. … qui absorbe 43 % de la consommation d'énergie.
M. Ronan Kerdraon. Tout à fait !
M. Roland Courteau. Oui, on estime à plus de cinq millions le nombre de ménages vivant dans des logements « passoire » !
Cela fait d'autant plus mal que, en six ans, la facture de gaz a bondi de 60 % et celle de l'électricité de 12 %.
Cela fait d'autant plus mal que les ménages pauvres consacrent 16 % de leur revenu à l'énergie, contre 6 % pour les ménages aisés.
M. Martial Bourquin. Eh oui !
M. Roland Courteau. Pour tenir nos engagements et nos objectifs, nous devrions procéder à l'isolation thermique de 1 million de logements par an.
M. Martial Bourquin. Très bien !
M. Roland Courteau. Or le Grenelle en prévoyait 400 000 en 2010 ; seuls 150 000 ont fait l'objet de travaux et, en 2011, quelques dizaines de milliers.
M. Ronan Kerdraon. C'était de l'affichage !
M. Roland Courteau. Quant au crédit d'impôt développement durable, il n'en finit pas de fondre. Il représentera en 2012 une dépense de 1,4 milliard d'euros, contre 2 milliards d'euros en 2011 et 2,6 milliards d'euros en 2010, soit une réduction de 47 % de l'enveloppe en deux ans.
Bref, coup de rabot après coup de rabot, que reste-t-il de l'espérance suscitée par le Grenelle ? Que reste-t-il des propos tenus par le Président de la République lui-même, qui déclarait ceci : « Je veux que le Grenelle soit l'acte fondateur d'un New deal écologique » ?
À force de défaire et de détricoter, on va finir par croire que le Gouvernement est atteint du complexe de Pénélope…
(Exclamations amusées.)
Monsieur le secrétaire d'État, dans ces conditions et avec une telle politique, comment pouvez-vous envisager d'atteindre l'objectif de réduction de 38 % de la consommation énergétique des bâtiments d'ici à 2020 ?
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées du RDSE. – Mme Évelyne Didier applaudit également.)
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, le chiffre que vous venez de citer est intéressant : vous dites qu'il faut traiter 1 million de logements par an. En réalité, vous ne faites que répéter ce qu'a dit François Hollande dans le discours qu'il a prononcé l'autre dimanche,...
M. Martial Bourquin. On peut le croire !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. ... lequel affirmait donc qu'il fallait rendre efficaces sur le plan énergétique 1 million de logements neufs et anciens.
Quelques jours plus tard, le jeudi, lors d'une conférence de presse, il avançait le chiffre de 600 000 logements seulement. Qu'est-ce qui explique cette réduction ? Peut-être, entre-temps, s'est-il aperçu ou bien a-t-il été informé que les 400 000 logements neufs qu'il avait inclus dans son chiffrage étaient déjà soumis à la réglementation applicable en matière d'isolation thermique,...
M. Didier Guillaume. On verra bien ce qu'en pensent les Français !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. ... sujet qu'a abordé Mme Lamure à l'instant. S'agissant de l'ancien, à savoir ces 600 000 logements, je rappelle que nous avons prévu d'isoler 300 000 logements dans le cadre du programme « Habiter mieux ».
De même, nous avons prévu de réhabiliter 800 000 logements grâce à l'éco-prêt logement social. Tous les financements sont d'ores et déjà actés dans ce cadre.
Pareillement, grâce au crédit d'impôt développement durable, nous avons d'ores et déjà traité 6 millions de logements. Le chiffre de 400 000 logements que vous avez cité ne concerne que l'éco-prêt à taux zéro.
Enfin, le Gouvernement a pris un décret relatif à la contribution du locataire au partage des économies de charges issues des travaux d'économie d'énergie réalisés par un bailleur privé.
Le Gouvernement et la majorité ont donc mis en place tous les outils nécessaires pour traiter le bâti existant et atteindre l'objectif de réduction de 38 % de la consommation énergétique des bâtiments d'ici à 2020.
(M. Martial Bourquin s'exclame.)
M. Roland Courteau. Vous n'y parviendrez pas !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Bref, grâce, pour le neuf, à la réglementation thermique 2012 ou, pour l'ancien, à l'ensemble des outils que je viens de citer, nous avons respecté tous les engagements du Grenelle de l'environnement et permis à la France de prendre une avance considérable dans ce domaine. (Oh là là ! sur les travées du groupe socialiste.) Je vous remercie d'en informer M. Hollande !
(Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour la réplique.
M. Roland Courteau. Je persiste et je signe : d'abord, ce n'est pas ainsi, monsieur le secrétaire d'État, que nous atteindrons l'objectif fixé de réduction de 38 % de la consommation énergétique des bâtiments d'ici à 2020 !
Ensuite, une fois de plus, les actes ne sont pas en phase avec les discours.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Et vous, vous changez de discours tous les trois jours !
M. Roland Courteau. Enfin, si 15 % des ménages français sont en situation de précarité énergétique, c'est notamment en raison de la mauvaise qualité thermique des logements et du coût croissant de l'énergie.
M. Martial Bourquin. Bien sûr !
M. Roland Courteau. Nous le savons, 8 millions de Français sont en dessous du seuil de pauvreté...
M. Ronan Kerdraon. Eh oui !
M. Roland Courteau. ... et plus de 5 millions habitent des logements « passoire » et souffrent du froid.
Au final, comme le soulignait justement la Revue de l'énergie, le fossé entre les démunis et les « bien-munis » énergétiques continue de s'agrandir. Il est plus que temps, monsieur le secrétaire d'État, de mettre un terme à de telles situations par un immense effort de rénovation thermique et par la mise en place d'une tarification progressive de l'électricité.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Ce n'est pas le même sujet !
M. Roland Courteau. C'est la voie que nous choisirons en mettant nos actes en accord avec nos engagements.
La morale, en politique, monsieur le secrétaire d'État, c'est de ne jamais faire de promesse inconsidérée ;...
M. Alain Dufaut. Vous êtes bien placé pour le dire !
M. Roland Courteau. ... l'honneur, c'est de toujours mettre en accord les actes avec les discours.
(Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - M. Joël Labbé applaudit également. - Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Et changer de programme en trois jours, c'est possible !
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