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Alain Anziani
Question d'actualité au gouvernement N° 758 au Ministère de la justice


Justice

Question soumise le 13 janvier 2012

M. Alain Anziani. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Monsieur le garde des sceaux, voilà quelques mois, en novembre 2010, la Cour européenne des droits de l'homme jugeait que les membres du parquet français ne pouvaient pas être considérés comme des magistrats indépendants.

Il y a moins d'un an, Jean-Louis Nadal, procureur général près la Cour de Cassation, suggérait de « couper tout lien entre l'échelon politique et le parquet, en ce qui concerne les nominations ».

Il y a quelques semaines, les trois quarts des procureurs appelaient à donner plus de moyens à la justice et à rendre le parquet indépendant du pouvoir exécutif.

Monsieur le garde des sceaux, le monde judiciaire ne supporte plus l'image de partialité, qu'elle traîne comme un boulet. Cette image s'est notamment forgée à Nanterre, où l'un des quarante-neuf procureurs nommés contre l'avis du Conseil supérieur de la magistrature avait refusé de désigner un juge d'instruction dans l'affaire Bettencourt.

L'opinion ne comprend plus cette confusion des genres, où l'on voit ce même procureur espionner illégalement deux journalistes du Monde ! Un nouvel épisode vient d'ailleurs d'avoir lieu : le ministre de l'intérieur veut actionner le ministère public contre un député…

Le mercato de Noël n'a pas conduit à améliorer cette image : on a assisté, cinq mois avant l'élection présidentielle, à la nomination de quatorze des trente-cinq procureurs généraux. Votre directeur de cabinet lui-même, monsieur le garde des sceaux, a été installé à la tête du parquet de Paris, où il suivra les affaires sensibles, notamment l'affaire de Karachi.

Monsieur le procureur (Rires.), monsieur le garde des sceaux, voulais-je dire, quoique vous ayez toutes les qualités d'un procureur (Sourires sur les travées du groupe socialiste.), ma question est simple : pourquoi tant d'obstination à refuser l'indépendance des magistrats du parquet ?
(Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC. – M. Jacques Mézard applaudit également.)

Réponse émise le 13 janvier 2012

M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Monsieur le sénateur Anziani, souvenons-nous du mot de Talleyrand : « Tout ce qui est excessif est insignifiant ». (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Vous venez d'en donner un bel exemple ! (M. Bernard Piras s'exclame.) Monsieur Piras, je vous en prie.

Je tiens à rappeler un certain nombre de choses.

Tout d'abord, les membres du parquet sont des magistrats, comme l'indique l'article 66 de la Constitution. Le Conseil constitutionnel a eu l'occasion de le rappeler à plusieurs reprises, dans des décisions extrêmement récentes.

Ce sont en outre des magistrats à part entière, qui exercent leur métier en toute indépendance. Cela, personne ne peut le mettre en doute. (M. Collombat s'esclaffe.) Vous avez encore la capacité d'en rire, et c'est très bien.

M. Pierre-Yves Collombat. C'est mieux que d'en pleurer !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Ce que je dis est pourtant la vérité, et vous seriez bien incapable de prouver le contraire.
(Oh ! sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

L'article 64 de la Constitution prévoit expressément que le Conseil supérieur de la magistrature, le CSM, est chargé d'assister le Président de la République dans son rôle de garant de l'indépendance de la justice.

C'est bien le gouvernement actuel et sa majorité qui ont réformé le CSM.

M. Alain Néri. Et vous dites ça sans rire !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Désormais, le CSM n'est plus présidé par le Président de la République. Il est présidé par le premier président de la Cour de cassation dans sa formation compétente à l'égard des magistrats du siège, et par le procureur général près la Cour de cassation dans sa formation compétente à l'égard des magistrats du parquet.

Le CSM fonctionne.

M. Gaëtan Gorce. Mais vous ne suivez pas ses avis !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Nous en avons changé la composition, la présidence et la compétence.

M. Alain Néri. Vous ne suivez pas ses avis, monsieur le garde des sceaux !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je tiens en effet à rappeler que c'est le gouvernement actuel, et non la gauche, qui a donné compétence au CSM pour émettre un avis sur la nomination des avocats généraux à la Cour de cassation. J'ai même décidé de consulter le CSM pour la nomination de l'inspecteur général des services judicaires, alors que rien n'était prévu dans les textes.

En outre, j'ai veillé à ce que les avis du CSM soient toujours suivis.

M. Alain Néri. Oh !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Toujours ! Vous ne disposez d'aucun exemple prouvant le contraire !

M. David Assouline. Tout ce qui est excessif est insignifiant, monsieur le garde des sceaux !

M. Bernard Piras. Vous ne suivez jamais les avis du CSM ! Vous n'avez pas de mémoire !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. J'ai une très bonne mémoire, monsieur Piras. Depuis que je suis garde des sceaux, les avis du CSM ont toujours été suivis. Si vous avez un seul exemple où tel n'a pas été le cas, donnez-le ! Ce que vous avancez est faux, et vous le savez bien !
(M. Vincent Capo-Canellas et plusieurs sénateurs de l'UMP applaudissent.)

L'indépendance des magistrats du parquet est donc assurée.
(Mme Dominique Gillot s'exclame.)

La question de l'indépendance de la justice n'est pas qu'institutionnelle. Elle repose aussi sur la façon dont on traite la justice. En faire un sujet de débat dans la campagne électorale, c'est normal.

M. David Assouline. Ce n'est pas une réponse, c'est un discours !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. En revanche, l'instrumentaliser - option que vous avez choisie -, c'est nier l'indépendance de la justice !
(M. Vincent Capo-Canellas et plusieurs sénateurs de l'UMP applaudissent de nouveau. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

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