M. Roland Courteau expose à M. le ministre de l'intérieur que dans son rapport n° 117 Sénat, du 7 décembre 2007, «Tsunamis sur les côtes françaises : un risque certain, une impréparation manifeste » et réalisé dans le cadre des travaux de l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques (OPECST), il faisait quelques 23 recommandations parmi lesquelles des préconisations structurelles visant l'ensemble des bassins, et des recommandations par bassin, tenant compte des spécificités de chaque zone et de l'exposition des côtes, au risque tsunami.
Il lui indique que dans la liste de ces préconisations figurait la création d'un centre national d'alerte aux tsunamis pour la Méditerranée/Atlantique Nord-Est
(CENALT).
Selon les informations dont il dispose, le commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), le service hydrographique et océanographique de la marine (SHOM) et le centre national de la recherche scientifique (CNRS) travaillent à l'installation des marégraphes en temps réel et des stations sismiques. Cette phase devrait être terminée, fin mai, début juin tandis que les derniers tests de validation devraient avoir lieu fin juin. Ainsi, courant juillet, le CENALT devrait être opérationnel et couvrir une zone s'étendant des Açores, dans l'Atlantique Nord-Est, à la Sicile, en Méditerranée.
Il lui demande de lui apporter toutes précisions sur le mode de fonctionnement du système « d'alerte montante » (nombre d'instruments de mesure – personnels affectés au CENALT, etc….) ainsi que sur les différents tests et exercices de simulation devant avoir lieu en Méditerranée occidentale, dans les prochains mois, en liaison avec les États riverains.
Surtout il attire son attention sur la deuxième phase de travaux devant obligatoirement suivre et concerner « l'alerte descendante », auprès des populations, phase tout aussi essentielle que la première, et qui suppose que soient définies, auparavant, les zones vulnérables, les cartes d'inondation, mais aussi les vecteurs d'alerte aux populations, les schémas d'évacuation et les modalités d'information et de sensibilisation des populations.
Il lui demande de bien vouloir lui indiquer où en sont les travaux relatifs à la mise en œuvre de ce dispositif d'alerte descendante et si les financements correspondants sont prévus à cet effet.
M. Roland Courteau. Madame la ministre, j'ai présenté en décembre 2007, dans le cadre des travaux de l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, l'OPECST, un rapport dont le titre résume la problématique : Tsunamis sur les côtes françaises : un risque certain, une impréparation manifeste. Cinq ans plus tard, le risque est tout aussi certain mais l'impréparation n'est plus aussi manifeste, puisque plusieurs de mes préconisations ont été mises en œuvre, tandis que d'autres sont en voie de l'être.
Ainsi, le Centre national d'alerte aux tsunamis, le CENALT, est opérationnel depuis juillet dernier. Il couvre un espace s'étendant des Açores, dans l'Atlantique Nord-Est, à la Sicile, en Méditerranée. Je souhaiterais cependant obtenir davantage de précisions sur le nombre de stations sismiques et de marégraphes en temps réel installés, ainsi que sur le nombre et les qualifications des personnels chargés de la surveillance depuis le CENALT, basé au siège du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives, le CEA, à Bruyères-le-Châtel.
S'agissant toujours du fonctionnement du CENALT, j'aimerais prendre connaissance des différents tests et exercices de simulation déjà réalisés en Méditerranée occidentale, ou devant être réalisés dans les prochaines semaines, en liaison avec les États riverains.
Je pense que nous pouvons considérer, sans risque de nous tromper, que le système dit « d'alerte montante » est bien mis en place, puisque l'ensemble du dispositif fera remonter l'alerte, viales instruments de mesure en mer et le CENALT, jusqu'à la Direction de la sécurité civile et de la gestion des crises - et en son sein au Centre opérationnel de gestion interministérielle des crises, le COGIC - et aux autorités.
Où en est-on, madame la ministre, de la mise en place d'un système dit « d'alerte descendante », qui constitue la suite logique et indispensable du dispositif d'alerte montante ? Il s'agit d'un réseau d'alerte à l'échelon local, auprès des populations du littoral méditerranéen. Cela suppose que les zones les plus vulnérables soient connues, afin de définir les vecteurs d'alerte des populations - sirènes, diffusion cellulaire ou simples panneaux d'affichage - en fonction de la vulnérabilité des côtes concernées. Cela suppose également que les populations connaissent les comportements de mise à l'abri ou d'évacuation à adopter. Il faut donc mettre en œuvre des modalités d'information et de sensibilisation des populations et définir des cartes d'inondation ainsi que des schémas d'évacuation.
J'insiste sur ce point, car les rivages méditerranéens présentent par endroits un ensemble de côtes sablonneuses et basses - à moins de cinq mètres d'altitude, voire à une altitude à peine positive -, alors que la courbe de niveau des douze mètres peut atteindre une zone située entre cinq cents mètres et deux kilomètres du rivage. Par conséquent, pour fuir la zone menacée en cas de tsunami et se réfugier dans des endroits hors d'atteinte de la montée des eaux, il faut parcourir de longues distances. Je précise également que de nombreuses zones urbanisées du littoral se trouveraient dans une situation très vulnérable, et ce d'autant plus que la concentration humaine y est importante.
J'aimerais donc savoir où en sont les travaux relatifs à la mise en œuvre de ce dispositif d'alerte descendante, et si les financements correspondants sont prévus pour l'après 2013.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée auprès du ministre de l'éducation nationale, chargée de la réussite éducative. Monsieur le sénateur, je vous prie d'excuser l'absence de Manuel Valls, qui m'a chargé de vous répondre en son nom.
Après le tsunami qui a frappé l'Asie du Sud-Est le 26 décembre 2004, la commission océanographique intergouvernementale de l'UNESCO a été chargée de mettre en place un système d'alerte aux tsunamis dans chacun des bassins concernés : Pacifique, océan Indien, Atlantique Nord-Est et Méditerranée, Caraïbes.
À la suite de votre rapport du 7 décembre 2007, et dans le cadre du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, la France s'est engagée auprès de l'UNESCO à développer un centre national d'alerte aux tsunamis pour l'Atlantique Nord-Est et la Méditerranée occidentale. Sur l'initiative du ministère de l'intérieur et du ministère de l'écologie, le CEA, en liaison avec le service hydrographique et océanographique de la marine, le SHOM, et le centre national de recherche scientifique, le CNRS, s'est vu confier la mission de construire puis d'exploiter ce centre national d'alerte aux tsunamis, le CENALT. Une convention-cadre a avalisé ce dispositif.
Le CENALT, implanté sur le site du CEA de Bruyères-le-Châtel, est opérationnel depuis le 1er juillet 2012. Il permet d'alerter les autorités de sécurité civile françaises dans les quinze minutes en cas d'événement sismique pouvant avoir comme conséquence potentielle un tsunami, en indiquant les paramètres de l'événement : heure d'arrivée de la vague à la côte, hauteur de la vague, etc. Il est composé de douze personnes : un chef de centre opérationnel, un responsable informatique, sept opérateurs-analystes travaillant 24 heures sur 24, un responsable sismologie, un responsable scientifique tsunami et un responsable technique. Le CENALT a une liaison dédiée et sécurisée avec le COGIC, qui est testée tous les mois. Le CENALT et le COGIC participeront à un exercice le mercredi 28 novembre prochain.
Le système d'alerte montante, sur lequel vous m'avez demandé des précisions, s'appuie sur deux réseaux : le réseau sismologique et le réseau marégraphique.
Le réseau sismologique comprend en France 70 stations dites « temps réel » appartenant au CEA et au CNRS, auxquelles s'ajoutent celles du Portugal, de l'Espagne, de l'Italie, de la Tunisie et de l'Allemagne ; le réseau complet relie une centaine de stations.
S'agissant du réseau marégraphique, le SHOM a modernisé le long des côtes françaises 26 stations en leur ajoutant une transmission « temps réel », et a installé 5 nouvelles stations : trois en Corse et deux entre Toulon et Nice. Les données des 31 stations sont transmises au CENALT en continu, chaque seconde. Des conventions sont en cours avec l'Italie et l'Espagne.
Vous m'avez également interrogé sur le système d'alerte descendante. Le ministère de l'intérieur a engagé une réflexion pour mettre en place un système adéquat d'alerte des populations et pour définir les comportements de mise à l'abri et d'évacuation. Il faut d'abord pouvoir cibler les populations concernées par une alerte, ce qui implique d'avoir des données géographiques précises. C'est pourquoi ce projet s'appuie sur les données de l'Institut géographique national, du SHOM ainsi que sur l'expertise scientifique du Bureau de recherches géologiques et minières et du CEA.
Toutes ces données vont nous permettre de définir les sources potentielles de tsunami, d'établir une typologie côtière, d'effectuer les relevés bathymétriques et altimétriques nécessaires et de déterminer les systèmes d'alerte à mettre en place auprès de la population.
Des modélisations ont d'ores et déjà été réalisées pour les trois sites pilotes retenus, à savoir la côte de Port Saint-Ange à Leucate-Plage, la côte de Bandol à Six-Fours-les-Plages et la côte de Juan-les-Pins à Villeneuve-Loubet-Plage. Avant la fin de l'année, les plans d'évacuation et le plan Organisation de la réponse de sécurité civile, ou plan ORSEC, auront été réalisés.
Au cours des prochaines années, il faudra décliner les résultats de cette expérimentation à l'ensemble du littoral méditerranéen, en mettant en place les moyens d'alerte identifiés et les plans de secours adéquats. Pour l'année 2012, nous avons engagé 1,9 million d'euros à cet effet. En parallèle, le déploiement du système d'alerte et d'information des populations, auquel nous consacrerons 33,8 millions d'euros sur la période 2012-2015, nous permettra d'intégrer la composante liée au risque de tsunami dans la diffusion de l'alerte vers la population. Enfin, des actions d'information de la population seront conduites au niveau des territoires ainsi identifiés.
Monsieur le sénateur, vous avez eu raison de souligner l'importance des enjeux. Les tsunamis survenus ces dernières années ont profondément marqué les populations. Le devoir du Gouvernement, et notre devoir à tous, est de mobiliser tous les moyens scientifiques et techniques dont nous disposons pour informer et préparer nos concitoyens à cet aléa.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Madame la ministre, je vous remercie de ces précisions. Je tiens à rappeler que le risque de tsunami est bien réel. Il y a eu des tsunamis en Méditerranée par le passé, et il y en aura d'autres à l'avenir. Rien qu'au XXesiècle, on en a dénombré quelque quatre-vingt-dix, dont celui de Messine, en 1908, qui a fait 30 000 victimes, celui d'Antibes, en octobre 1979, qui a fait 11 victimes, et celui de Boumerdès, au nord de l'Algérie, en 2003, qui n'a pas fait de victime mais a endommagé un très grand nombre de bateaux dans nos ports.
J'ajoute que, si les tsunamis se produisant en Méditerranée ne peuvent être comparés à ceux qui ont lieu dans l'océan Indien ou dans l'océan Pacifique, ils n'en soulèvent pas moins des difficultés spécifiques du fait de la rapidité de la propagation de l'onde, qui s'explique par les dimensions réduites de la Méditerranée. Cette rapidité de propagation fonde la nécessité d'une alerte montante particulièrement efficace et précise.
Enfin, madame la ministre, pourriez-vous rappeler à M. le ministre de l'intérieur et à Mme la ministre de l'écologie que je leur ai envoyé voilà plusieurs mois un courrier dans lequel je leur indiquais que la commission océanographique intergouvernementale de l'UNESCO souhaitait inaugurer concomitamment le centre d'alerte mis en place par la Turquie et le CENALT français ? En effet, j'attends toujours une réponse de leur part.
Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. Je transmettrai votre demande aux ministres concernés !
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