M. Christian Cambon attire l'attention de Mme la ministre de la santé et des sports sur les éventuelles conséquences de son projet de légalisation de la vente en ligne de certains médicaments vendus sans ordonnance. En effet, des discussions sont en cours pour encadrer légalement la vente par des officines de médicaments sur Internet et cette mesure viserait à se mettre en conformité avec la jurisprudence européenne qui autorise la vente en ligne de médicaments sans ordonnance, c'est-à-dire ceux que l'on trouve en libre service devant les comptoirs. Certes, un groupe de travail devrait se réunir prochainement pour créer des règles susceptibles de sécuriser la vente de médicaments sur Internet et seules les officines autorisées sur le territoire de l'Union européenne auraient la possibilité de proposer ces médicaments à la vente sur Internet. Toutefois, cette nouvelle pratique de commercialisation conduit à s'interroger sur les risques de contrefaçon. On sait, en effet, que le trafic de médicaments contrefaits a pris une ampleur considérable. Plus lucratif que celui de la drogue, il a attiré le crime organisé et ces faux médicaments sont des produits qui ne contiennent, au mieux, aucun produit actif, ou de façon sous dosée, voire, plus grave, des produits toxiques. Les chiffres qui illustrent cette situation funeste de l'industrie des faux médicaments parlent d'eux-mêmes : selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), près de 30 % des médicaments consommés dans les pays en voie de développement sont contrefaits. Sur le million de personnes qui meurent chaque année du paludisme, 200 000 pourraient être sauvées si des médicaments authentiques étaient distribués. L'utilisation massive d'Internet a considérablement aggravé les choses. Si, dans les pays industrialisés, les circuits de fabrication et de distribution sont très organisés et réglementés, la vente de tels produits explose et elle concerne le plus souvent les médicaments de « style de vie », tels que les stimulants sexuels ou intellectuels, ou encore les « coupe-faim ». Leurs conséquences dramatiques et souvent irréversibles ont malheureusement fait de trop nombreuses victimes. Il lui demande en conséquence quelle mesure le Gouvernement compte prendre pour encadrer de manière très sécurisé la vente de médicaments sans ordonnance en ligne et surtout si une large campagne de communication sera menée pour rappeler à nos concitoyens les règles de prudence qui doivent encadrer toute consommation de médicaments.
Bien que le phénomène soit difficile à quantifier, la dématérialisation de la vente de médicaments est en très forte expansion, comme en témoignent l'augmentation constante du nombre de sites proposant des médicaments à la vente et la présence massive dans les messageries électroniques de « spams » incitant à la consommation de médicaments généralement soumis à prescription médicale. Cette pratique est susceptible de présenter des risques sérieux pour la santé publique, liés notamment à la contrefaçon et au mésusage des médicaments. Selon le dernier rapport de l'Alliance européenne pour un accès à des médicaments sûrs (EAASM), organisation basée à Londres et composée en partie de représentants de l'industrie pharmaceutique, plus de la moitié des médicaments vendus sur Internet seraient des contrefaçons. Dans ce contexte, il apparaît nécessaire d'encadrer et de sécuriser le commerce électronique de médicaments, en vue de permettre aux patients qui le souhaitent d'avoir accès à certains médicaments offrant toutes les garanties de qualité et de sécurité. À cette fin, la Direction générale de la santé (DGS) poursuit les travaux qu'elle a engagés avec l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) et le Conseil national de l'Ordre des pharmaciens, visant à définir le cadre juridique sécurisant la vente de médicaments sur Internet. Aucune décision n'a été prise à ce stade, les difficultés identifiées étant nombreuses. L'élaboration d'une réglementation encadrant la vente de médicaments sur Internet sera l'occasion de traduire dans notre droit la solution dégagée par l'arrêt « Doc Morris » de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) du 11 décembre 2003. Cet arrêt a précisé notamment qu'un État membre ne peut interdire la vente par correspondance, via un site Internet d'une pharmacie d'officine, de médicaments légalement autorisés et ne nécessitant pas une prescription médicale obligatoire. En toute hypothèse, la vente sur Internet ne pourra être autorisée que pour des médicaments en libre accès et sous le contrôle d'un pharmacien. Toutefois, l'instauration d'un encadrement juridique de la vente de médicaments en ligne ne permettra pas de répondre entièrement au problème de santé publique posé par l'Internet et les contournements de la réglementation pharmaceutique en matière de vente de médicaments qu'il permet. C'est pourquoi, la réflexion doit également porter sur les moyens de lutter contre l'offre illicite de médicaments sur Internet, notamment par le renforcement de la veille et de la détection des comportements illicites. C'est dans cette perspective que le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales a présenté le 14 février 2008 un plan d'action contre la cybercriminalité et a annoncé un renforcement des moyens de l'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC), notamment par une campagne d'information auprès des internautes afin de présenter une nouvelle plate-forme ainsi que les modalités de signalement. Les internautes peuvent signaler à cette plate-forme les différents types de contenus illicites relevés sur le réseau mondial. Cette plate-forme peut recevoir des signalements concernant des infractions liées à la santé publique. Par ailleurs, à l'issue du dernier conseil stratégique des industries de santé (CSIS), réunissant en octobre 2009 les pouvoirs publics et les dirigeants des industries de santé, le Président de la République a pris un ensemble de décisions répondant, notamment, à l'objectif de dynamisation de la collecte du renseignement et de la répression des trafics de contrefaçons de médicaments. Le Gouvernement a également annoncé le 16 décembre 2009 la signature d'une charte de lutte contre la contrefaçon sur Internet impliquant notamment le Leem (les entreprises du médicament) et plusieurs laboratoires pharmaceutiques. Enfin, afin de pouvoir lutter plus efficacement contre l'offre illicite, la France participe activement à des actions et réflexions menées au niveau européen et international : dans le cadre des discussions en cours du projet de directive européenne visant à modifier la législation pharmaceutique en vigueur, dans le souci de prévenir la diffusion de médicaments falsifiés dans la chaîne d'approvisionnement légale ; au sein du Conseil de l'Europe, qui a formulé, en septembre 2007, des recommandations visant à améliorer la qualité et la sécurité des ventes de médicaments par notamment par Internet. Le Conseil de l'Europe a également adopté une convention sur la contrefaçon des produits médicaux et les infractions similaires menaçant la santé publique ; au sein de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), qui a mis en place le groupe IMPACT (International Medical Products Anti-counterfeiting Taskforce), ayant pour objet de développer les échanges d'information et de mettre en oeuvre des mesures législatives et techniques pour combattre la contrefaçon de médicaments, notamment celle se développant via Internet ; dans le cadre de la deuxième opération internationale Pangea, coordonnée par Interpol et l'OMS (Groupe IMPACT), impliquant 24 pays, organisée en novembre 2009, contre la vente illicite de médicaments sur Internet. Cette opération a ainsi permis une série d'arrestations, la saisie de médicaments potentiellement dangereux et pourra conduire au démantèlement de réseaux illicites. Parallèlement à ces travaux, il est très important d'informer et de sensibiliser les patients consommateurs aux risques, liés notamment au mésusage et à la contrefaçon, de l'achat sur Internet de médicaments hors des réseaux de distribution encadrés. Il convient de prolonger et de renforcer les actions préventives déjà entreprises, comme l'édition conjointe en 2007 par l'AFSSAPS et le Conseil national de l'ordre des pharmaciens (CNOP) d'une brochure destinée à sensibiliser les pharmaciens à la lutte contre la contrefaçon et d'un dépliant poursuivant les mêmes objectifs à destination des patients.
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