M. Jean-Noël Guérini appelle l'attention de M. le secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation sur les conséquences du statut d'auto-entrepreneur pour les régimes de retraite.
Créé par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, le statut d'auto-entrepreneur engendre une multitude d'effets pervers : distorsion de concurrence avec les artisans et commerçants, absence de qualification reconnue pour ceux qui n'exercent pas une activité d'artisan à titre principal, absence de garantie pour le client, salariés contraints à la démission et à travailler pour leur employeur devenu leur unique client sous le statut d'auto-entrepreneur etc…
60 % des auto-entrepreneurs n'ont pas d'activité. La majorité des auto-entrepreneurs ne cotise donc pas, et ceux qui le peuvent pour des montants très faibles et à un taux de cotisation de 6 %. Néanmoins, ils sont inscrits auprès de la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (CIPAV) qui connaît de ce fait des difficultés tout à fait nouvelles, en passe de réduire à néant les efforts réalisés par ce régime pour rester équilibré.
Non seulement les auto-entrepreneurs ont vocation à bénéficier des prestations de cet organisme mais, en raison du mécanisme de compensation solidaire qui s'applique à la CIPAV, chaque inscrit, même non cotisant, implique le prélèvement sur la caisse de 1 700 euros annuels. La CIPAV fait état d'un déficit de 50 millions d'euros sur son dernier exercice, qui a vocation à s'aggraver si le régime d'auto-entrepreneur est pérennisé voire développé.
En conséquence, il lui demande quelles mesures il compte prendre, d'une part, pour que les auto-entrepreneurs déjà affiliés par ailleurs demeurent inscrits dans leur régime d'origine et, d'autre part, pour limiter à une courte période suivant la création d'entreprise la possibilité de bénéficier de ce statut.
Le régime de l'auto-entrepreneur reflète le désir profond d'entreprendre qui anime maintenant les Français. Ce succès tient essentiellement à la simplicité du régime lui-même et à la lisibilité du prélèvement des cotisations sociales et fiscales, qui sont assises sur le seul chiffre d'affaires encaissé. Toutefois, certains artisans et commerçants ont exprimé leur inquiétude concernant le risque de dérives éventuelles occasionnées par ce nouveau régime. Une évaluation du régime de l'auto-entrepreneur est en cours. Elle permettra d'établir un premier bilan statistique et une, évaluation du régime. Participent au pilotage de cette évaluation les administrations et les caisses de sécurité sociale en charge des auto-entrepreneurs, les chambres consulaires, les organisations patronales et les représentants des auto-entrepreneurs. À l'issue de cette évaluation, la plus grande attention sera réservée aux préoccupations des organisations professionnelles. En particulier, des mesures seront prises pour lutter de façon déterminée contre d'éventuels abus qui seraient constatés lors de l'utilisation de ce nouveau régime. Pour autant, il peut d'ores et déjà être répondu en détail aux préoccupations exprimées. En premier lieu, le régime de l'auto-entrepreneur ne génère aucune concurrence déloyale en termes d'exigence de qualification ou d'assurance obligatoire. Les règles de qualification sont identiques, sans aucune dispense, pour les auto-entrepreneurs et pour les autres artisans du bâtiment. Depuis 1996, certains artisans sont soumis à une obligation de qualification professionnelle : le plus généralement, ils doivent avoir préalablement trois ans d'expérience comme salariés ou être titulaires d'un certificat d'aptitude professionnelle dans le domaine où ils veulent créer leur entreprise. Cette règle s'applique de plein droit aux auto-entrepreneurs. Il est exact que cette obligation de qualification n'était, jusqu'à présent, pas contrôlée lors de la création de l'entreprise, mais uniquement par des contrôles inopinés pendant la vie de l'entreprise. Le Gouvernement a remédié à cette insuffisance par un décret publié le 12 mars 2010, applicable depuis le 1er avril. Désormais, tous les artisans, y compris les auto-entrepreneurs, souhaitant créer leur activité doivent, au préalable, attester de leur qualification. L'auto-entrepreneur est donc une entreprise comme une autre et doit respecter les règles de l'exercice de son activité. L'auto-entrepreneur est soumis à la réglementation applicable à tous les professionnels de son secteur d'activité, en termes de formation et de qualification professionnelle préalable, d'application des normes techniques, d'hygiène et de sécurité, de déclaration et d'emploi des salariés, d'assurance et de responsabilité ou encore de facturation à la clientèle. À l'issue de l'évaluation en cours du régime, il sera tenu compte des préoccupations de certaines organisations professionnelles. Mais pour que la création du régime de l'auto-entrepreneur ait un réel impact sur l'esprit d'entreprise en France, il faut maintenir dans la durée son acquis de simplicité. En ce qui concerne l'équilibre financier de la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (CIPAV) composante de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL), il est important de rappeler que, lors de la dernière loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement a soutenu une mesure qui permet de limiter fortement la charge de compensation de la CNAVPL liée à l'afflux de nouveaux auto-entrepreneurs en excluant du calcul ceux dont le chiffre d'affaires est nul et qui ne peuvent donc être considérés comme des cotisants. D'ici à la fin de l'année, ce dispositif va être complété par une mesure technique fixant l'ordre d'affectation par risque des cotisations payées par les auto-entrepreneurs : placer en dernière position la cotisation de retraite de base permettra d'exclure du calcul de la compensation démographique la grande majorité des auto-entrepreneurs dont les revenus déclarés seront inférieurs au seuil de prise en charge de cotisations par l'État, soit 200 heures de SMIC (1 770 annuels), puisque la CIPAV ne recevrait aucune cotisation de ces personnes. La combinaison de ces deux mesures permettrait de réduire de l'ordre de 60 % les effectifs d'auto-entrepreneurs pris en compte pour le calcul de la compensation démographique. Par ailleurs, les auto-entrepreneurs qui bénéficient de l'aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d'entreprise ne sont pas redevables de cotisation retraite et, à ce titre, ne sont pas pris en compte dans les calculs de compensation. Compte tenu de tous ces éléments et selon les dernières estimations, l'augmentation de la compensation généralisée versée par la CNAVPL liée à l'auto-entrepreneur devrait être inférieure à 70 M€ en 2010. Pour évaluer complètement l'impact de ces nouveaux affiliés sur l'équilibre financier de la CNAVPL, il convient également de prendre en compte les recettes de cotisations apportées par cette population, qu'elles soient prises en charge par l'État ou payées directement par les auto-entrepreneurs eux-mêmes. D'après les dernières statistiques de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale et des URSSAF, chargées de leur recouvrement, les recettes supplémentaires pour ce régime atteindraient 30 M€ en 2010.
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