Mme Françoise Cartron appelle l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur la situation des personnels non titulaires et sur les conséquences de la précarité de leur statut sur le bon fonctionnement du service public de l'éducation.
Elle estime que le recours massif à des personnels non titulaires, dont le statut est extrêmement précaire, nuit à la qualité de l'offre d'enseignement. En effet, l'administration de l'éducation nationale pratique un recrutement presque systématique de personnels contractuels ou vacataires pour occuper les postes restés vacants en raison de la faiblesse des recrutements par concours. Par ailleurs, la disparition progressive des emplois de titulaires en zone de remplacement (TZR) a également conduit à un recrutement croissant de personnels à statut précaire.
Elle note que les statistiques fournies par le ministère de l'éducation ne permettent pas d'évaluer correctement le nombre de personnels non titulaires auxquels recourent les académies. En effet, ces chiffres sont exprimés en équivalents temps plein (ETP), et non en nombre de personnels. Par ailleurs, ils ne reflètent pas la situation de ces enseignants, ni leur parcours au sein de l'éducation nationale.
Néanmoins, les organisations syndicales estiment entre 20 et 35 000 le nombre de personnels non titulaires à la rentrée 2009. Les exemples locaux permettent également d'appréhender l'importance de ces recrutements. Ainsi, dans l'académie de Grenoble, 1 500 des 2 000 agents non titulaires en 2009 sont des vacataires. Dans l'académie de Bordeaux, plusieurs postes vacants à l'année sont assurés par trois vacataires, en raison de la limitation de 200 heures de travail annuel qui leur est imposée.
Le recours massif à des personnels vacataires constitue de toute évidence un dévoiement du décret du 12 juillet 1989 relatif aux conditions de recrutement et d'emploi d'agents vacataires temporaires pour l'enseignement secondaire. Originellement, les vacations étaient destinées à combler un manque de titulaires dans des disciplines rares. Elle est aujourd'hui utilisée pour assurer des emplois normalement occupés par des enseignants titulaires. La gestion décentralisée de ces personnels a par ailleurs conduit à d'importantes disparités de salaire, à diplôme égal, selon les académies. Ces dernières années, nombre d'agents contractuels se sont ainsi vus imposer des vacations, perdant ainsi une part essentielle de leurs droits sociaux : congés payés, droits au chômage, droits limités à la retraite…
Concernant la connaissance de ce phénomène, elle demande que soient communiqués au Parlement des chiffres permettant d'évaluer précisément le nombre d'agents non titulaires et leurs parcours au sein de l'éducation nationale. Elle souhaite également la création d'un observatoire des emplois précaires dans la fonction publique en général, auquel seraient associées les organisations syndicales.
La titularisation de ces agents par la voie du concours interne semble extrêmement compromise, en raison du faible nombre de postes ouverts (620 postes pour le CAPES en 2009). En conséquence, elle lui demande de bien vouloir lui indiquer les mesures qu'il entend prendre pour concrétiser l'engagement du Président de la République. Lors d'une émission télévisée le 25 janvier 2010, celui-ci avait jugé « la situation des contractuels de la fonction publique profondément anormale », et s'était dit « prêt à envisager la titularisation progressive des contractuels pour ne pas les laisser dans une situation de précarité ».
Les modalités de recrutement d'agents non titulaires, par dérogation au principe d'occupation des emplois publics par des fonctionnaires, sont fixés par la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État. Ce type de recrutement s'opère sous le contrôle du juge administratif, qui exerce en la matière un contrôle approfondi. Ainsi, conformément aux dispositions de l'article 4 de la loi de 1984 et au décret n° 81-535 du 12 mai 1981 relatif au recrutement de professeurs contractuels, lorsque des emplois de professeurs n'ont pu être pourvus par des enseignants titulaires du second degré, les recteurs d'académie ont la possibilité de recruter des professeurs contractuels. Le recours aux agents vacataires est strictement encadré par l'article 6.2 de la loi de 1984 et le décret n° 89-497 du 12 juillet 1989 relatif aux conditions de recrutement et d'emploi d'agents vacataires temporaires pour l'enseignement secondaire, et ne concerne que les besoins occasionnels ou temporaires d'enseignement. Les agents vacataires sont des agents non titulaires de l'État, comme l'a confirmé le Conseil d'État dans son arrêt « fédération des syndicaux généraux de l'éducation nationale et de la recherche publique » du 8 novembre 1995. Ils bénéficient donc des mêmes garanties réglementaires que les professeurs contractuels, dès lors qu'ils remplissent les conditions de durée de contrat prévues. C'est parce qu'il existe dans les textes des conditions de durée pour prétendre à certaines prestations que les vacataires d'enseignement peuvent être exclus desdites prestations, et non en raison de leur statut propre. Concernant les effectifs d'agents non titulaires, des extractions AGAPE (premier degré) et EPP (second degré) font état, en février 2010, d'environ 2 400 enseignants non titulaires (dont 2 100 sont des assistants de langue vivante) et 17 000 assistants d'éducation dans le premier degré, et de 15 000 enseignants contractuels et 67 000 assistants d'éducation dans le second degré. Plus généralement, la gestion des agents non titulaires fait actuellement l'objet d'une réflexion et d'une attention particulière au sein de la direction générale des ressources humaines du ministère de l'éducation nationale. Des groupes de travail constitués dès la rentrée porteront sur les conditions d'emploi, de services et de rémunération notamment. Enfin, le ministère de l'éducation nationale est associé aux travaux de la DGAFP qui réfléchit à la création d'un dispositif plus protecteur pour les agents non titulaires.
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