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Alain Fouché
Question écrite N° 14620 au Ministère de la culture


Sollicitation des sociétés commerciales auprès des départements dans le domaine de la généalogie sur Internet

Question soumise le 29 juillet 2010

M. Alain Fouché attire l'attention de M. le ministre de la culture et de la communication sur les sollicitations récemment adressées aux départements par des sociétés commerciales agissant dans le domaine de la généalogie sur Internet.

Ces sollicitations qui, dans le cas de certaines sociétés, ont pris la forme de mises en demeure, visent des documents d'archives publiques conservés et communiqués par les archives départementales dans le cadre de leurs missions légales. Il s'agit de documents librement communicables en vertu du code du patrimoine modifié par la loi n° 2008-696 du 15 juillet 2008 relative aux archives, mais comportant des données à caractère personnel pouvant concerner des personnes vivantes. En se fondant sur le droit d'accès et le droit à réutilisation des informations publiques régis par la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal, certaines de ces sociétés exigent la mise à disposition de millions de fichiers numériques constitués par les archives départementales à partir de ces documents, en vue d'une réutilisation à des fins commerciales. Ces demandes sont formulées dans le cadre de projets qui semblent impliquer la constitution de bases de données à caractère personnel à très grande échelle, avec la possibilité de recherche nominative y compris sur des personnes vivantes, dans des conditions qui semblent difficilement compatibles avec les exigences de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Ces sollicitations, par leur caractère massif, systématique et ciblé sur des documents nominatifs, semblent donc faire apparaître des failles juridiques. Elles posent des questions de principe fondamentales au regard du respect des droits et libertés individuels.

Par conséquent, il lui demande de bien vouloir lui apporter des précisions sur la légalité et la légitimité de ces démarches, et lui indiquer ce que le Gouvernement envisage à ce sujet.

Réponse émise le 16 septembre 2010

La réutilisation des informations publiques soulève de délicates questions d'ordre juridique, économique et éthique. Sur le plan juridique, la directive 2003/98/CE du 17 novembre 2003 concernant la réutilisation des informations du secteur public a ouvert, pour chaque État membre, la possibilité de créer un marché de la réutilisation des informations publiques, tout en excluant de ce marché les établissement culturels, au nombre desquels figurent les services d'archives publics. L'ordonnance n° 2005-650 du 6 juin 2005 transposant cette directive a ouvert ce marché pour notre pays et l'a encadré par les dispositions des articles 10 à 19 de la loi du 17 juillet 1978, qui fixent le droit applicable à la réutilisation des informations publiques. L'article 11 de cette loi prévoit cependant un régime dérogatoire pour les services d'archives publics, lesquels peuvent fixer des conditions spécifiques de réutilisation. Mais aucun texte ne précise dans quelle mesure et dans quelles limites ces conditions spécifiques peuvent déroger au droit commun de la réutilisation et à d'autres règles de droit applicables à ce domaine, notamment la protection des données personnelles, le droit de la concurrence et le principe d'égalité. Les services d'archives publics sont en train de se doter de licences encadrant leur relation avec les réutilisateurs, qu'il s'agisse de particuliers, d'associations ou de sociétés commerciales. Ces licences fixent notamment les limites de la réutilisation et les redevances qui peuvent, le cas échéant, en constituer la contrepartie. Elles seront déterminées, s'agissant des services territoriaux d'archives, par la collectivité territoriale dont elles dépendent, en application du principe de libre administration. Le service interministériel des archives de France a diffusé auprès de ces services une note visant à harmoniser les pratiques, dans le respect de ce principe. Sur le plan économique, différentes sociétés privées souhaitent procéder à la réutilisation des documents d'archives publics. L'application d'une redevance à une réutilisation commerciale de ces documents est justifiée et acceptée par la plupart des acteurs économiques souhaitant intervenir sur ce marché. Elle constitue en effet la contrepartie des investissements réalisés par l'État et les collectivités territoriales pour microfilmer ou numériser les documents conservés dans les services d'archives publics. Le montant de cette redevance fait en revanche débat, les acteurs économiques souhaitant que celui-ci soit le moins élevé possible. Le ministère de la culture et de la communication estime néanmoins que le prix de la réutilisation doit refléter la part déterminante que le service public a prise pour rendre possible, par les opérations de microfilmage et de numérisation des documents qu'il a financées, le développement d'une activité économique fondée sur la réutilisation de ceux-ci. Sur le plan éthique enfin, de nombreux élus de toute tendance et acteurs de la société civile, notamment l'Association des archivistes français, se sont émus de la constitution par certaines sociétés engagées dans le marché de la réutilisation de bases de données nominatives indexant les documents d'archives réutilisés et interrogeables par toute personne sur Internet. Le croisement des informations figurant dans ces documents, qui peuvent être extrêmement sensibles, pourrait permettre de constituer de véritables profils individuels, sans que le consentement des personnes concernées n'ait été recueilli. Se pose donc la question de l'exclusion du champ de la réutilisation des documents d'archives publiques comprenant des données personnelles sensibles, tels que les actes d'état civils, les recensements de population, ou encore les fichiers de police, alors que ces documents font fréquemment l'objet de demandes de réutilisation en vue d'une indexation nominative diffusée sur des sites commerciaux payants. Dans ce contexte, le ministère de la culture et de la communication, sans refuser le principe d'une réutilisation commerciale des documents d'archives publiques, a recommandé aux services d'archives publics la plus grande prudence vis-à-vis des demandes dont il est saisi, notamment lorsque des données personnelles sont en jeu, et incite ces services à se doter de licences sécurisant toutes les formes de réutilisation. Seule une intervention du législateur pourrait poser un cadre plus contraignant pour la réutilisation de données sensibles au travers d'une modification de l'ordonnance de 2005.

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