M. Jean-Marc Pastor attire l'attention de M. le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire sur la déchéance de la nationalité.
La déchéance est une modalité bien précise de perte de la nationalité française qui ne concerne que les personnes devenues françaises par acquisition. Il en est fait de très rares applications chaque année.
Le code civil prévoit depuis 1804 les règles essentielles permettant d'acquérir la nationalité française (naturalisation, acquisition par mariage…) ou conduisant à sa perte, soit à la demande de la personne concernée, soit à l'initiative du Gouvernement.
La déchéance de la nationalité, qui emporte des conséquences graves (perte des droits civiques, dans certains cas aussi perte de l'emploi…), correspond à des cas dans lesquels l'intérêt national est en jeu :
- crime ou délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou constituant un acte de terrorisme ;
- atteinte à l'administration publique commise par des personnes exerçant une fonction publique, concussion, corruption, détournement de fonds publics ;
- fait de s'être livré au profit d'un État étranger à des actes incompatibles avec la qualité de Français et préjudiciables aux intérêts de la France.
A l'occasion du texte de loi qu'il envisage de faire discuter au Parlement, il lui demande s'il prévoit de réaffirmer le caractère solennel de l'appartenance à la Nation et la gravité de la décision de déchéance de la nationalité, qui doit être réservée aux cas extrêmes et non à la répression de comportements sociaux qui n'ont rien à voir avec les intérêts fondamentaux de la Nation.
Le chef de l'État, dans son discours de Grenoble du 30 juillet 2010, a souhaité voir renforcer la protection des personnes dépositaires de l'autorité publique auxquelles les délinquants hésitent beaucoup moins qu'autrefois à faire violence. A cet effet, l'article 3 bis du projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité, adopté en première lecture, le 12 octobre 2010 par l'Assemblée nationale, ajoute un 5° à l'article 25 du code civil. Il vise à permettre la déchéance de la nationalité française pour l'individu qui, l'ayant acquise depuis moins de dix ans, a été condamné pour un acte qualifié de crime à l'encontre d'une personne dépositaire de l'autorité publique, prévu et réprimé par le 4° des articles 221-4 (meurtre aggravé) et 222-8 (violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner) du code pénal. La rédaction de cette disposition prend en compte la décision du Conseil constitutionnel du 16 juillet 1996, saisi de la constitutionnalité de la loi tendant notamment à renforcer la répression du terrorisme et des atteintes aux personnes dépositaires de l'autorité publique ou chargées d'une mission de service public. Le conseil constitutionnel a alors jugé qu'une mesure de déchéance de la nationalité française, qui ne peut concerner qu'un Français par acquisition, n'était pas contraire au principe d'égalité entre les Français. Il a considéré « qu'au regard du droit de la nationalité, les personnes ayant acquis la nationalité française et celles auxquelles la nationalité française a été attribuée à leur naissance sont dans la même situation ; que, toutefois, le législateur a pu, compte tenu de l'objectif tendant à renforcer la lutte contre le terrorisme, prévoir la possibilité, pendant une durée limitée, pour l'autorité administrative de déchoir de la nationalité française ceux qui l'ont acquise, sans que la différence de traitement qui en résulte viole le principe d'égalité T ». La disposition introduite à l'article 3 bis du projet de loi vise des infractions d'une particulière gravité, commises à l'encontre de personnes dépositaires de l'autorité publique ; à ce titre, la commission de ces infractions témoigne d'un défaut d'adhésion aux valeurs qui fondent l'appartenance au peuple français. La déchéance de nationalité demeure donc une mesure exceptionnelle, proportionnée à la gravité et à la nature de l'infraction qui la motive. Enfin, le projet de loi ne remet pas en cause l'interdiction, prévue par le code civil, d'emporter une conséquence d'apatridie pour la personne déchue et il est rappelé qu'une décision de déchéance ne se prend que sous le contrôle du Conseil d'État dont l'avis conforme est requis.
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