Mme Joëlle Garriaud-Maylam interroge Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur les conditions d'accès des Français de l'étranger à l'aide juridictionnelle.
L'aide juridictionnelle, régie par la loi n°91-647 du 10 juillet 1991, vise à assurer le droit pour chacun d'accéder à la justice, en permettant à des personnes ayant de faibles revenus de bénéficier d'une prise en charge totale ou partielle, par l'État, des honoraires et des frais de justice. Cette aide, accordée sans condition de nationalité (pourvu que l'étranger concerné soit en situation régulière sur le territoire français), peut également bénéficier aux Français de l'étranger dans le cas exclusif où la procédure se déroule en France.
Le versement de l'aide est soumis à des conditions de ressources fixées par la loi et réévaluées chaque année. Pour 2010, le plafond de ressources mensuelles était de 915 € pour bénéficier de l'aide juridictionnelle totale et de 1 372 € pour accéder à l'aide juridictionnelle partielle.
L'article 4 alinéa 5 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 dispose que «pour les Français établis hors de France, les plafonds prévus par le premier alinéa sont établis par décret en Conseil d'État après avis de la commission permanente pour la protection sociale des Français de l'étranger ». Toutefois, d'après l'article 1er du décret d'application n° 93-192 du 8 février 1993, les plafonds prévus par l'article 4 de la loi susvisée s'appliquent également aux Français établis hors de France.
Elle regrette que ce décret d'application annule, de fait, la disposition prévue par l'article 4 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 semblant instaurer un barème spécifique pour les Français de l'étranger. Elle souligne que les importantes variations internationales en matière de niveau de vie, le coût des déplacements vers la France et celui des frais de justice légitimeraient une adaptation, en fonction du pays de résidence, du plafond de ressources, qui pourrait être déterminé par les commissions locales pour la protection sociale, en concertation avec les chefs de poste diplomatiques et consulaires. Elle lui demande s'il serait envisageable d'adopter une telle mesure d'ajustement, qui représenterait un réel progrès pour de nombreux Français de l'étranger.
Par ailleurs, elle l'interroge sur la pertinence du maintien de la condition de territorialité de la procédure pour limiter l'accès à l'aide juridictionnelle. Cette disposition limite les possibilités d'accès à la justice de nos compatriotes impliqués dans des procédures judiciaires à l'étranger, notamment en matière de déplacements illicites d'enfants. Consciente des difficultés budgétaires que pourrait soulever la suppression pure et simple de cette clause de territorialité, elle souhaiterait savoir quelles mesures pourraient permettre de garantir le respect du droit de nos compatriotes expatriés à accéder à la justice. Elle souhaiterait par exemple savoir dans quelle mesure il serait possible à des concitoyens aux ressources modestes d'obtenir dans tous les pays de résidence une consultation gratuite ou peu onéreuse avec un avocat avec lequel notre réseau diplomatique et consulaire entretiendrait des relations privilégiées, ou de consulter gratuitement un avocat français par téléphone ou Internet. Elle s'interroge aussi sur la possibilité pour les consulats d'accorder une aide financière à des Français aux ressources modestes impliqués dans des procédures judiciaires à l'étranger, afin de les aider à couvrir partiellement leurs frais de justice.
Le décret n° 93-192 du 8 février 1993 fixant les plafonds de ressources applicables aux Français établis hors de France a été arrêté en se fondant sur les travaux préparatoires de la commission permanente pour la protection sociale des Français à l'étranger recommandant le 12 juin 1992 de conserver les mêmes plafonds de ressources. Ses dispositions permettent ainsi de respecter le principe de non discrimination entre nationaux. Néanmoins, dans certaines hypothèses, il importe que la condition de ressources soit appréciée avec souplesse afin de garantir aux ressortissants français un accès effectif aux juridictions de leur pays. Ainsi, l'aide juridictionnelle peut être accordée à titre exceptionnel aux personnes ne remplissant pas les conditions de ressources si leur situation apparaît particulièrement digne d'intérêt au regard de l'objet du litige ou des charges prévisibles du procès. Il s'agit d'une question de fait soumise à l'appréciation du bureau d'aide juridictionnelle territorialement compétent au vu des éléments et informations produits par le demandeur à l'aide. En ce qui concerne la possibilité d'être assisté d'un avocat à l'occasion d'une procédure devant les juridictions étrangères, plusieurs conventions bilatérales et accords multilatéraux conclus par la France permettent aux ressortissants français de bénéficier d'une aide judiciaire devant les tribunaux des États signataires, qu'il s'agisse de l'Accord européen sur la transmission des demandes d'assistance judiciaire conclu le 27 janvier 1977 dans le cadre du Conseil de l'Europe ou de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 tendant à faciliter l'accès international à la justice conclue dans le cadre de la Convention de La Haye de droit international privé. La clause d'assimilation aux nationaux prévue dans ces différents instruments permet aux Français résidant à l'étranger de saisir directement l'autorité compétente pour statuer sur leurs demandes d'aide juridictionnelle, notamment en matière de déplacements illicites d'enfants. Par ailleurs, dans le cadre de l'Union européenne, la directive 2003/8/CE du Conseil du 27 janvier 2003, visant à améliorer l'accès à la justice dans les affaires transfrontalières, a établi des règles minimales relatives à l'aide judiciaire accordée dans le care de telles affaires. À ce titre, les États membres de l'Union ne peuvent refuser l'aide judiciaire aux justiciables dont les ressources dépasseraient les seuils pour bénéficier de cette aide dès lors que ces derniers apportent la preuve qu'ils ne peuvent faire face aux frais de justice en raison de la différence du coût de la vie entre l'État où il réside et l'État dans lequel l'aide judiciaire est réclamée. Ces dispositions ont vocation à s'appliquer aux ressortissants français engagés dans un litige transfrontalier européen. S'agissant enfin de la possibilité d'offrir aux citoyens français résidant à l'étranger une consultation juridique, celle-ci est expressément prévue par les dispositions de l'article 59 de la loi relative à l'aide juridique. Sa mise en oeuvre relève, en l'absence de lien avec un autre département, de la compétence du conseil départemental de l'accès au droit de Paris. Aussi, en l'état des dispositifs existants, il n'est pas envisagé de modifier les dispositions du décret n° 93-192 du 8 février 1993.
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