M. Jean-Luc Fichet interroge M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, sur l'inquiétude de la Fédération Française des associations de sauvegarde des moulins au regard du projet de classement des cours d'eau. Les associations estiment que ce projet ne fait porter l'effort d'amélioration de la qualité de l'eau que sur les propriétaires en leur demandant la suppression d'un maximum de seuils et de chaussées de moulins sans prendre en compte l'ensemble des causes de la dégradation de la qualité de l'eau (remembrements, drainages, rejets d'assainissements publics et privés…). Par ailleurs, dénonçant la méthode employée qui ne laisse aucune place à la concertation, elles craignent que ces mesures de suppression systématique des seuils de moulins ne bouleverse au contraire l'équilibre écologique établi depuis de très longues années, au détriment notamment de la faune halieutique. La fédération fait valoir que la directive européenne 2000/60/CE du 23 octobre 2000 ne demande pas cette suppression des seuils. Elle pose enfin la question du potentiel énergétique de ces moulins qui n'est pas sérieusement pris en compte par l'État à l'heure où le Grenelle de l'environnement favorise les énergies renouvelables. Il souhaite donc connaître ses intentions sur ce sujet afin de rassurer les amoureux des moulins.
La directive-cadre impose d'appréhender la qualité de l'eau, non plus seulement dans sa dimension chimique, mais aussi dans sa dimension écologique. Cette dimension nouvelle implique la réorientation de la politique de l'eau en France vers une meilleure prise en compte des impacts à la circulation des espèces aquatiques et au transport sédimentaire ou, autrement dit, aux fonctionnalités naturelles des cours d'eau. Les classements de cours d'eau, comme le plan de restauration de la continuité écologique, sont des outils que la France s'est donnée pour lutter contre ces impacts. Ceux-ci sont engendrés essentiellement par les seuils et barrages en lit mineur, ce qui explique que ces derniers soient le coeur de cible de ces outils spécifiques. La mise en oeuvre de ces outils ne remet cependant pas en cause les actions, en parallèle, de lutte contre toutes les autres causes de dégradation des milieux aquatiques, pour lesquelles la France s'est également dotée d'outils spécifiques. La question du maintien ou non des barrages présents dans les rivières ne peut trouver de réponse générale de principe. C'est pourquoi le Gouvernement a lancé, en novembre 2009, un plan national de restauration de la continuité écologique des cours d'eau dont la mise en oeuvre progressive et hiérarchisée est encadrée par une circulaire du 25 janvier 2010. Celle-ci fixe les priorités d'interventions basées sur l'enjeu majeur de la protection des cours d'eau empruntés par les migrateurs amphihalins, plus particulièrement l'anguille dont la restauration répond à un règlement européen de 2007, sur la réponse aux objectifs et aux programmes de mesure du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) et sur les gains attendus pour l'atteinte du bon état écologique de la directive-cadre sur l'eau. Ce plan ne vise en aucun cas la suppression de tous les petits barrages et moulins présents sur les cours d'eau. Dans l'esprit du Grenelle de l'environnement, il fixe un objectif de 1 200 ouvrages dont l'influence sur la continuité écologique doit être prioritairement supprimée, soit par un aménagement, soit par un démantèlement, d'ici à 2012. Il impose de doubler le rythme annuel suivi jusqu'à présent pour ces actions de suppression d'obstacles à la continuité écologique. Il s'agit donc d'un objectif à la fois ambitieux et mesuré. Comme l'indique la circulaire du 25 janvier 2010, dès lors qu'un ouvrage a un usage identifié et qu'il est actuellement autorisé, exploité et géré, l'intervention à privilégier est celle permettant de concilier le maintien de cet ouvrage, de ses usages et la restauration d'un niveau écologique partiel mais dont l'efficacité est suffisante. La circulaire insiste également sur l'importance de la prise en charge des opérations de restauration de la continuité écologique à l'échelle d'un cours d'eau par une collectivité publique, facilitant ainsi l'approche globale, la conciliation et la définition plus adaptée des interventions sur chaque barrage. La concertation est donc bien un élément essentiel du plan de restauration de la continuité écologique. Il est vrai que, par leur ancienneté, les moulins ont pu donner des configurations particulières aux cours d'eau, parfois génératrices de milieux écologiquement intéressants comme par exemple des zones humides. Les opérations de restauration de la continuité écologique des cours d'eau se doivent donc de prendre en compte ce paramètre, tout comme la dimension patrimoniale de ces moulins, ce que souligne clairement la circulaire du 25 janvier 2010. Cependant, la logique qui a conduit, bien avant le xixe siècle, à la construction de successions de moulins sur les rivières à une faible distance entre eux se justifiait par une logique de proximité avec la production du blé destiné aux minoteries ou de bois pour les scieries, etc. Il s'agissait avant tout de réduire les distances de transport entre le lieu de production et le site de transformation de la matière première. L'intérêt énergétique du moulin n'entrait pas principalement en ligne de compte pour le choix de son emplacement. La production énergétique de la plupart des moulins était faible et n'avait pas besoin d'être continue. Dans le contexte actuel de recherche d'un équilibre entre le développement optimal de l'hydroélectricité et l'atteinte du bon état des milieux aquatiques, la réhabilitation systématique des anciens moulins ne peut être considérée comme une réponse adaptée à cette problématique. Dans l'esprit de la convention d'engagements pour le développement de l'hydroélectricité, en cohérence avec la préservation des milieux naturels signée le 23 juin 2010, le développement de l'hydroélectricité se doit absolument d'intégrer la dimension d'intérêt énergétique du site à exploiter comparé aux impacts sur les milieux. Enfin, s'agissant de l'absence de prise en compte des autres causes de dégradation de la qualité de l'eau, comme les remembrements, les drainages, les rejets d'assainissement, il convient de préciser quelques éléments de comparaison. Sur le neuvième programme 2007-2012, le budget des agences de l'eau consacré aux financements d'opérations de gestion des milieux aquatiques représente aux environs de 13 % à peine du budget qu'elles consacrent à la lutte contre les pollutions domestiques et industrielles des eaux. Cette lutte contre les pollutions constitue, en outre, la priorité d'intervention des agences depuis leur création dans les années 1960. Elle répond aux obligations de plusieurs directives européennes sectorielles relatives à la qualité des eaux ayant précédé la directive-cadre de 2000.
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.