M. Christian Cointat expose à Mme la ministre chargée de l'outre-mer que les travaux scientifiques sur les effets des pesticides sur les coraux en Polynésie française ont révélé la présence de traces importantes de chlordécone, ce qui démontre que ce produit y est utilisé. Or ce produit ne serait pas autorisé en Polynésie française. Le chlordécone est un produit phytosanitaire, pesticide organochloré de la famille du DDT très toxique. Un lien a été établi entre l'exposition à la molécule et le risque de cancer de la prostate. Il lui demande, en conséquence, de bien vouloir lui faire connaître les mesures que le Gouvernement entend prendre en vue de remédier à cette situation qui porte atteinte à la santé publique et à l'environnement.
Des analyses effectuées lors d'un programme de recherche universitaire (étude CNRS/CRIOBE) développé dans le cadre de l'Initiative française pour les récifs coralliens (IFRECOR) ont montré une contamination par des herbicides et par la chlordécone, dont l'usage n'aurait pourtant jamais été officiellement homologué en Polynésie française, des poissons consommés localement. En premier lieu, il convient de préciser que, conformément à la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 modifiée, l'autorisation, d'utilisation ou d'importation des pesticides est du ressort du gouvernement de la Polynésie française qui possède sa propre réglementation sur les pesticides. Sur ce sujet, l'Assemblée de Polynésie française a adopté en 1974 une délibération réglementant l'importation, la commercialisation et l'utilisation des pesticides sur son territoire. La première liste de substances actives autorisées a été arrêtée en 1980 avant d'être modifiée plusieurs fois par la suite. Les services du gouvernement de Polynésie française confirment que la chlordécone n'est ni inscrite dans la liste des substances actives de pesticides autorisées depuis 1980, ni conseillée en agronomie. Avant cette date, aucune information sur des importations éventuelles de chlordécone en Polynésie française n'a pu être fournie par le service des douanes. La chlordécone identifiée en Polynésie française pourrait avoir pour origine le mirex ou « perchlordécone », dont l'usage a été autorisé et qui, par dégradation, se transforme en chlordécone. Il semble donc que la chlordécone, ou l'un de ses dérivés, ait été localement utilisée sur des zones principalement non agricoles et avant 1980. Par ailleurs, si l'étude CNRS/CRIOBE a bien montré une contamination généralisée des organismes des récifs par des dérivés herbicides ainsi que l'omniprésence des organochlorés insecticides, « notamment [la] chlordécone », elle indique cependant que « bien que le niveau moyen de chlordécone dans les poissons des récifs coralliens de Polynésie [soit] à première vue assez proche de celui trouvé dans les échantillons provenant des Antilles françaises, le niveau de résidus semble bien plus faible pour les échantillons les plus contaminés. » En effet, les valeurs trouvées pour la chlordécone sont très basses et ne dépassent pas 2 µg/kg, soit un niveau en dessous du seuil limite de quantification analytiquequi est de 10 µg/kg et de la LMR (limite maximale de résidus) autorisée en Europe qui est de 20 µg/kg de poids frais pour les denrées animales d'origine terrestre ou aquatique. Le taux de chlordécone en Polynésie française est donc très inférieur à ces seuils et aux seuils observés aux Antilles. En ce qui concerne les risques sanitaires, dont le cancer de la prostate, les conclusions de l'Observatoire des résidus de pesticides établissent que la chlordécone, produit phytosanitaire pouvant se concentrer dans les organismes vivants, est un possible cancérogène et perturbateur endocrinien potentiel chez l'homme. Les résultats de l'étude INSERM menée aux Antilles françaises par le professeur Multigner et son équipe publiés en juin 2010 suggèrent également l'existence d'une relation causale entre l'exposition à la chlordécone et le risque de survenue du cancer de la prostate. Cette association pourrait être influencée par le patrimoine génétique individuel ainsi que par des facteurs environnementaux tels que l'alimentation ou le mode de vie. Les dispositions déjà prises ou envisagées sont, dans ce cadre, les suivantes : d'une part, la direction de la santé de la Polynésie française, par l'intermédiaire du centre d'hygiène et de la salubrité publique, va engager des analyses de contrôle sur les produits animaux marins destinés à la consommation. D'autre part, si la majorité des organochlorés ont été retirés en 2003 de la liste des substances actives autorisées, l'endosulfan, dernier organochloré encore autorisé localement, doit être très prochainement interdit par arrêté pris en Conseil des ministres du gouvernement polynésien. Enfin, pour la période 2011-2014, le Comité IFRECOR continuera ses recherches sur la pollution par les pesticides des écosystèmes récifaux. Il est prévu d'analyser les végétaux de l'herbier et une espèce de poisson herbivore du lagon pour estimer le niveau de contamination de ces derniers par les pesticides recherchés antérieurement dans les organismes du récif proprement dit.
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