M. Philippe Dallier attire l'attention de M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé sur le caractère souvent abusif des clauses de non-concurrence.
En effet, de nombreuses entreprises, en particulier commerciales, insèrent une clause de non-concurrence dans les contrats d'embauche et le salarié se trouve de fait dans l'obligation de l'accepter.
Si cette disposition est le plus souvent compréhensive quand elle concerne les cadres, responsables de secteur ou dirigeants des entreprises, elle paraît cependant tout à fait abusive quand elle vise les « très bas salaires » auxquels ne s'offre souvent aucune possibilité de promotion interne.
Ainsi, pour prendre un exemple précis, un vendeur sédentaire, indice 135 payé au SMIC, (après avoir occupé ce poste 2 ? ans) s'est vu opposer cette clause de non-concurrence, alors qu'il venait d'être embauché dans une entreprise du même secteur, à un poste d'attaché technico-commercial, indice 250, augmentant ainsi son salaire de 700 € mensuels, accompagné de différents avantages en nature : véhicule de fonction, téléphone et tickets-restaurant.
Suite à une demande expresse et recommandée de la première société, le nouvel employeur a dû licencier son salarié qui se retrouve donc au chômage pour avoir voulu progresser dans sa vie professionnelle.
Ainsi, une telle clause interdit à un employé qui souhaite évoluer tout départ vers une autre société du même secteur afin d'y exercer les compétences qui sont les siennes.
Il lui demande dans quelle mesure il serait possible d'encadrer les clauses de non-concurrence afin qu'elles ne conduisent plus à ce genre de situation qui met en grande difficulté et pénalise les « très bas salaires ».
Le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a pris connaissance avec intérêt de la question relative à l'application des clauses de non-concurrence à l'égard de salariés à « très bas salaire ». Ayant pour effet d'apporter une restriction au principe de la liberté du commerce et de l'industrie et à la liberté du travail garanties par la Constitution, la clause de non-concurrence n'est licite que dans la mesure où la restriction de liberté qu'elle entraîne pour le salarié est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, qu'elle est limitée dans le temps et l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière. Le juge apprécie ces conditions par rapport à la nature de l'emploi, de la qualification et des fonctions exercées par l'intéressé et par rapport à la nature et à l'activité de l'entreprise en cause. Ainsi, par exemple, la Cour de cassation, dans un arrêt du 13 janvier 1999, n'a pas considéré comme indispensable à la protection de l'entreprise, la clause insérée dans le contrat de travail d'un salarié occupant un emploi subalterne et n'ayant pas accès à des informations spécifiques ou à caractère confidentiel susceptibles de constituer un trouble dans l'exercice normal de la concurrence pour son ancien employeur. Il en a été de même, dans un arrêt du 9 avril 2008, à l'égard d'un salarié aux fonctions limitées sans contact avec les clients. La clause de non-concurrence n'est ainsi justifiée que s'il y a un risque pour l'entreprise telle que la perte d'un savoir-faire ou la menace d'un détournement de clientèle. En outre, en présence d'une clause de non-concurrence même indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, le juge peut, lorsque cette clause ne permet pas au salarié d'exercer une activité conforme à sa formation et à son expérience professionnelle, en restreindre l'application en limitant l'effet dans le temps, l'espace ou ses autres modalités. C'est dans ce sens que la Cour de cassation a statué à plusieurs reprises, notamment dans ses arrêts du 25 mars 1998 et du 18 septembre 2002. En l'absence de disposition législative ou réglementaire, les conditions de validité des clauses de non-concurrence sont ainsi définies par la jurisprudence ainsi que, le cas échéant, par les partenaires sociaux auxquels il appartient d'encadrer ces clauses dans les conventions collectives en conciliant au mieux les intérêts des entreprises et la nécessité de préserver pour tous les salariés privés d'emploi un véritable accès au marché du travail.
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