M. Jean-Pierre Masseret attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur les conséquences des procédures de divorce pour les agriculteurs dont l'exploitation est détenue en communauté de biens.
Deux problématiques sont à l'origine de cette situation : l'ignorance de la fluctuation du revenu agricole, conduisant à une mauvaise appréciation des ressources financières de l'exploitation ; l'absence de réflexion d'analyse et d'appréhension de la situation économique et financière future de l'exploitation résultant de la nécessité pour l'époux qui se maintient sur celle-ci de devoir faire face à la reprise financière de la quote-part des actifs d'exploitation appartenant à son conjoint.
Or cette approche est déterminante lorsque l'on sait que la rentabilité des capitaux investis en agriculture est faible (1,80 % après rémunération du travail).
Selon les résultats économiques des exploitations constituant notre réseau de référence, le revenu moyen agricole s'est élevé en moyenne à 211 €/ha sur les trois dernières années.
Avec un actif moyen de 3 000 €/ha hors foncier en valeur comptable, auquel il convient d'ajouter la valeur des terres toujours plus élevée (environ 6 000 €/ha frais compris), le revenu tiré de l'exploitation permet très difficilement de faire face à la fois à la reprise de la part du capital appartenant au conjoint, aux besoins de la famille ainsi qu'au service d'une prestation compensatoire au profit de ce dernier.
La faible rentabilité de l'activité agricole eu égard à un coût en capital très élevé se traduit par un nombre d'installations en continuelle décroissance : trente à quarante installations par an en Moselle contre une centaine il y a quelques années.
Au final, cette situation est fortement dommageable car elle remet en cause la pérennité immédiate de l'exploitation, suscitant l'inquiétude du monde agricole.
C'est pourquoi, il lui demande quelles sont les intentions du Gouvernement pour pallier cette situation et assurer ainsi l'avenir des exploitations concernées.
La liquidation d'un régime communautaire conduit à la répartition entre les époux des biens composant la communauté, chaque époux conservant ses biens propres. Ainsi, sauf si leur contrat de mariage en dispose autrement, chacun des époux devra percevoir l'équivalent en nature de la moitié de la valeur des biens composant le boni de communauté, tels qu'évalués au jour du partage. En principe, les lots des époux doivent être égaux. Cependant, les articles 831 et 832 du code civil permettent à l'époux qui participe ou a participé à une entreprise agricole d'en obtenir l'attribution préférentielle. Ce dispositif qui vise à éviter le morcellement des exploitations agricoles préserve dans le même temps les droits de l'autre époux. Il prévoit à cet égard que lorsque la valeur de cette exploitation excède la moitié de l'actif net de la communauté, l'attributaire de l'exploitation agricole sera redevable d'une soulte à l'égard de son conjoint. La soulte due est payable comptant mais les époux peuvent convenir à l'amiable de délais de paiement. À défaut d'accord entre les époux, il résulte des dispositions combinées des articles 1476, alinéa 2, et 832-4 du code civil que le juge pourra octroyer à l'époux attributaire des délais pour le paiement de la moitié de la soulte, qui ne pourront excéder dix ans. La prestation compensatoire obéit quant à elle à une logique très différente : elle est destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux. L'article 267 du code civil prévoit que le juge saisi d'une telle demande dans le cadre de la procédure de divorce doit notamment prendre en compte le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial. Ainsi le montant des revenus générés par l'exploitation agricole sera nécessairement intégré lors de la fixation du montant de la prestation compensatoire. Il ressort de ces éléments que les dispositions actuelles permettent de répondre à la problématique liée au sort de l'exploitation agricole détenue en commun par des époux lors de la procédure de divorce.
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