M. Jean-Luc Fichet souhaite appeler l'attention de Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les règles très strictes qui s'appliquent à l'organisation de lotos. Nombreuses sont les associations, notamment dans les zones rurales, qui organisent des lotos afin de récolter des fonds destinés à financer leur fonctionnement.
Or l'article 6 de la loi du 21 mai 1836 portant prohibition des loteries, modifiée par la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, n'autorise les lotos que « lorsqu'ils sont organisés dans un cercle restreint et uniquement dans un but social, culturel, scientifique, éducatif, sportif ou d'animation sociale et se caractérisent par des mises de faible valeur, inférieures à 20 euros ».
Si la loi est faite pour protéger le tissu associatif (comme le ministère le réaffirme dans la réponse à une question écrite AN n°19904 du 27/05/2008), la multiplication des contrôles diligentés aujourd'hui, en particulier en Bretagne, provoque une vive inquiétude sur les conséquences désastreuses d'une stricte application de la loi pour le secteur associatif.
Alors que les collectivités locales ont de plus en plus de difficultés pour accompagner financièrement le monde associatif, cette pratique des loteries apporte à la fois un complément de ressources pour les associations et participe à l'animation sociale des communes. Elle est l'occasion pour les habitants de se retrouver autour d'un projet de solidarité, d'un événement culturel ou sportif. Ces règles très strictes ont donc comme conséquence de remettre en cause le lien social créé lors de ces évènements.
Il serait important qu'il y ait un équilibre entre la nécessité d'encadrer les lotos, qui sont des jeux d'argent, et ces manifestations locales qui n'ont pour but que de faire vivre le tissu associatif de nos communes.
Aussi, il lui demande ce qu'elle compte faire pour modifier la loi afin de permettre au secteur associatif de pouvoir continuer à bénéficier des ressources de ces pratiques de loto, en particulier dans les territoires ruraux.
Les « loteries de toute espèce » sont prohibées par la loi du 21 mai 1836 et la violation de cette interdiction est sanctionnée de trois ans d'emprisonnement et/ou de 90 000 € d'amende. Cependant, les articles 5 et 6 de la loi de 1836 prévoient deux exceptions : pour les loteries d'objets mobiliers exclusivement destinées à des actes de bienfaisance, à l'encouragement des arts ou au financement d'activités sportives à but non lucratif (art. 5) et pour les lotos traditionnels également appelés « poules au gibier », « rifles » ou « quines » (art. 6). L'objectif de la loi, qui a été modifiée notamment en 2004, est de protéger le tissu associatif en permettant aux associations à but non lucratif d'organiser des lotos ou loteries afin de récolter des fonds, tout en évitant que ces lotos ou loteries ne deviennent une activité économique à part entière. Ainsi, l'article 6 de la loi de 1836 précise que les lotos traditionnels doivent se dérouler dans un cercle restreint et uniquement dans un but social, culturel, scientifique, éducatif, sportif ou d'animation sociale et que les mises doivent être inférieures à 20 €. La jurisprudence a précisé que la notion de cercle restreint « s'oppose au concept de loisir de masse et suppose une certaine convivialité incompatible avec une manifestation faisant appel à un grand concours de population » (CA Pau, 22 mai 1996 et 8 octobre 1997). Le cercle restreint est également défini comme un « regroupement de personnes ayant des activités ou des affinités identiques avec pour finalité de procurer aux organisateurs une source de financement permettant la pérennité du tissu associatif » (CA Montpellier, ch. corr. 3, 28 juin 2007 n° 06/01184). Le juge apprécie la notion de cercle restreint au cas par cas, en analysant les buts poursuivis par les organisateurs, et cherche à déterminer s'ils sont ou non dépourvus d'intention lucrative. Ainsi, afin de distinguer les lotos traditionnels des loteries organisées à des fins essentiellement économiques, le juge s'appuie sur un faisceau d'indices comprenant notamment : l'importance des moyens mis en place par les organisateurs (dénote, par exemple, un objectif lucratif, la location de salles permettant de rassembler 800 personnes ou l'organisation d'un service de transports interdépartementaux - Cour de cassation, ch. crim., 5 novembre 1998 n° Q 97-815 91D), la fréquence des lotos, le nombre de participants (Cour de cassation, ch. crim. 2 juin 2010 n° 09-83.665), les bénéfices générés, la part des bénéfices effectivement reversée à l'association si le loto est organisé par un tiers (CA Pau, ch. correctionnelle, 31 janvier 2008, n° 08/00548, CA Pau, 15 janvier 2009, n° 08/00548), le type de lots susceptibles d'être gagnés, etc. Pour autant, la jurisprudence n'a pas adopté une interprétation de la notion de cercle restreint qui conduit à interdire purement et simplement toute publicité pour les lotos traditionnels ou qui empêcherait leur ouverture à des personnes non membres de l'association concernée, tant que le but recherché est bien social, culturel, scientifique, éducatif, sportif ou d'animation sociale. En vertu de l'article 4 de la loi de 1836 seule la publicité pour les loteries prohibées est interdite. Ainsi, ni la loi de 1836, ni la jurisprudence n'interdisent la publicité pour les lotos traditionnels. Cependant, le juge s'assure que les dépenses de publicité et la forme que prend cette dernière ne sont pas un indice du caractère commercial de la loterie. Ainsi, la jurisprudence considère qu'une publicité dont la diffusion est très fréquente et importante (insertions publicitaires de grande ampleur dans un quotidien régional à grand tirage, publicité payée par la société organisant le loto et non par les associations, coût total des insertions publicitaires de plus de 80 000 € sur moins d'un an) ou qui met en avant la société organisant le loto et non les associations bénéficiaires, est incompatible avec une organisation de lotos en cercle restreint (CA Montpellier, ch. correctionnelle, 24 septembre 2009, n° 08/02146 ; CAA Bordeaux, 8 décembre 2009 n° 08BX02325 et CA Pau, 15 janvier 2009, précité). En ce qui concerne les participants aux lotos, le juge ne prend pas en compte le fait qu'ils soient adhérents ou non de l'association concernée mais cherche à déterminer si l'audience du loto n'est pas « manifestement disproportionnée », comme c'est le cas par exemple lorsque des lotos sont organisés cinq fois par semaine avec 150 à 350 participants selon les saisons (CA Montpellier, ch. correctionnelle, 24 septembre 2009, précité) ou lorsque les participants viennent de tout un département et des départements limitrophes (Cour de cassation, ch. crim, 2 juin 2010, précité). Par conséquent, les présidents d'association qui souhaitent organiser des lotos traditionnels doivent veiller scrupuleusement à rester dans le cadre d'une activité occasionnelle à but non lucratif, dans les conditions précisées par la jurisprudence.
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