M. Gaëtan Gorce interroge M. le ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, sur les éléments d'information dont dispose le Gouvernement s'agissant de la suite donnée par le Gouvernement tchadien à l'enquête qui devait être conduite pour éclaircir les conditions de la disparition de l'opposant Ibni Oumar Mahamat Saleh.
La commission d'enquête qui avait été diligentée à l'initiative de l'Union européenne et de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) avait en effet, en août 2008, conclu à l'implication des plus hautes sphères de l'État tchadien dans cette affaire.
Elle avait par ailleurs mis à jour le comportement des forces régulières tchadiennes qui n'avaient pas hésité, durant les événements qui ont suivi la répression de la rébellion venue du Soudan, à bombarder leurs propres populations au moyen d'hélicoptères. Tous ces faits, d'une extrême gravité, ont suscité l'émotion de notre Assemblée nationale qui a voté à l'unanimité, le 25 mars 2010, une résolution exigeant que les conclusions de cette commission d'enquête soient mises en œuvre et qu'en particulier des observateurs extérieurs puissent accompagner l'instruction.
C'est pourquoi il aimerait connaître les conclusions de la dernière mission conjointe de l'Union européenne et de l'OIF qui s'est rendue sur place, et qui a certainement pu juger alors du sérieux et des avancées de l'enquête sur la disparition d'Ibni Oumar Mahamat Saleh. Sachant que les auditions des témoins de cette affaire ont débuté le 13 juin 2011, il souhaite savoir si elles ont pu être menées à leur terme, et quelles sont les conclusions qui ont pu en être tirées.
Voici en effet maintenant près de quatre ans que les faits se sont produits et plus de trois ans que l'instruction a été engagée sans qu'aucun résultat tangible n'ait pu être enregistré. Ce constat est particulièrement alarmant, aussi bien au regard du respect des droits de l'homme au Tchad, qu'à l'égard de la France et de la communauté internationale dont le Tchad moque ouvertement les recommandations.
Il souhaite donc savoir si le ministre des affaires étrangères a l'intention de prendre de nouvelles initiatives permettant d'accélérer les choses, ou s'il estime que d'autres formes de procédures, à commencer par la saisine de la Cour pénale internationale, devraient être envisagées, comme cela a été fait pour d'autres événements d'une aussi grande gravité qui se sont déroulés récemment en Afrique.
La disparition de l'opposant tchadien Ibni Oumar Saleh, le 3 février 2008, à l'occasion de l'attaque de N'Djaména par des mouvements rebelles, continue de faire l'objet d'une importante mobilisation de la part de la France. Dès l'annonce de cette disparition, le ministère des affaires étrangères et européennes est intervenu auprès des autorités tchadiennes et n'a eu de cesse depuis lors de faire le point sur l'enquête en cours et d'insister sur la nécessité que la justice soit faite. Cette mobilisation constante s'appuie sur la résolution votée par l'Assemblée nationale française le 25 mars 2010, enjoignant le Gouvernement d'obtenir des autorités tchadiennes qu'elles fassent la vérité sur la disparition de M. Saleh. Suivant les recommandations du rapport de la commission d'enquête internationale remis en août 2008, le gouvernement tchadien a porté plainte pour qu'une enquête soit ouverte sur cette disparition et sur les autres crimes commis lors de l'attaque rebelle (viols, violences, destructions, arrestations arbitraires). Un comité de suivi a été créé afin de veiller à la mise en œuvre des recommandations, notamment du volet judiciaire. À la suite de l'intervention de notre ambassadeur chargé des droits de l'homme en juin 2010, les autorités tchadiennes ont accepté la nomination de deux expert juridiques internationaux au comité de suivi, afin de veiller au bon déroulement de la procédure. Désignés respectivement par l'Union européenne et l'Organisation internationale de la francophonie, ceux-ci ont effectué plusieurs missions en 2010 et 2011 et fait des recommandations pour renforcer la crédibilité du comité de suivi, notamment celle de revoir sa composition afin de garantir sa neutralité. Ces recommandations ont été suivies par les autorités tchadiennes, sous la forme d'un décret présidentiel du 23 mai 2011 nommant les deux experts internationaux membres du comité de suivi et en excluant les personnalités citées dans le cadre des enquêtes en cours sur les événements survenus au Tchad du 28 janvier au 8 février 2008. La mission de l'expert européen a pris fin en décembre 2011 mais celle de l'expert de l'OIF se poursuit. Le comité de suivi s'est réuni le 13 octobre 2011 afin de faire le point sur l'avancée de l'enquête judiciaire. À cette occasion, les autorités tchadiennes ont réaffirmé leur volonté qu'un procès ait lieu. Le 3 février 2012, le Premier ministre du Tchad s'y est à nouveau engagé et a présenté un rapport faisant le point sur la mise en œuvre des recommandations de la commission d'enquête, telles que l'indemnisation des victimes de viol, la lutte contre le recrutement d'enfants par les forces armées, la formation des armées au respect des droits de l'homme, le projet de réglementation sur l'ouverture de tout lieu de détention aux visites, la poursuite du dialogue politique national, la réforme de la loi sur la presse et la réforme de la justice. En ce qui concerne l'enquête sur la disparition d'Ibni Oumar Saleh, la France a encouragé le Tchad à laisser la justice travailler en toute indépendance et à lui en donner les moyens. Le juge d'instruction poursuit actuellement son travail au Tchad. Plusieurs hauts responsables en fonction au moment des faits (un ancien ministre, le directeur de l'Agence nationale de la sécurité) ont été auditionnés. Les membres de la famille du disparu résidant en France devraient également l'être dans le cadre d'une commission rogatoire internationale. Les conclusions de l'enquête, qui semble toucher à sa fin, et l'ouverture d'un procès au Tchad sont désormais attendues. La France continuera d'intervenir sans relâche auprès des autorités tchadiennes pour que l'enquête judiciaire aboutisse à un procès qui permette d'établir la vérité. Cet engagement a été réaffirmé devant la ministre des droits de l'homme tchadienne, lors d'un entretien au ministère des affaires étrangères et européennes, le 7 février 2012.
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